Nouveaux contes extraordinaires | Page 8

Bénédict H. Révoil
n'avaient pas tardé à rejoindre l'homme qui emportait le coffre-fort. Ce dernier, se voyant pris, avait jeté la preuve de conviction à la mer; mais tandis que quelques personnes s'emparaient du voleur, d'autres repêchaient la caisse de fer.
Ramené vers le rivage, le coupable fut remis aux mains des membres du conseil de vigilance, qui l'entra?nèrent dans la salle de leurs délibérations. Il fut jugé par quatre-vingts membres présents, à huis clos, et, convaincu de vol, se vit condamné à être pendu, le soir même, à Portsmouth-Square.
Tandis que le tribunal était rassemblé, les habitants de San-Francisco s'étaient rassemblés autour de la maison qui servait de lieu du réunion, et la cloche de la remise pour la pompe d'incendie sonnait à pleine volée, afin d'apprendre à la ville ce qui se passait au sein du comité de vigilance.
La populace se montrant fort excitée, plus excitée que de coutume même; certains assistants reprochaient aux membres de ce tribunal, imposé de délibérer à huis clos; mais quand on annon?a au public la sentence de mort décrétée contre le criminel, un sentiment de satisfaction générale éclata de toutes parts. Quelques personnes, cependant, exprimaient l'opinion que la mort était un peu sévère pour une pareille offense envers les lois de la société.
Dès que la sentence eut été signée, la cloche de la pompe à incendie ne cessa de sonner le glas de mort, pour annoncer la fin prochaine du condamné.
Le capitaine des hommes de police, nommé Benjamin May, se présenta à la porte de la salle d'audience et réclama le prisonnier qui, naturellement lui fut refusé. Quoiqu'il se fut fait accompagner par une escouade de policemen, il vit bien que ni lui ni ses gens ne réussiraient à s'emparer du coupable.
Il était une heure après midi, quand un nommé Samuel Bonneau se montra sur le seuil de la salle d'audience et vint annoncer la sentence rendue à l'unanimité contre le voleur, qui, malgré l'évidence, avait constamment nié sa culpabilité.
Le condamné se nommait John Jenkins, et était originaire de Londres. Samuel Bonneau ajouta qu'on lui avait donné une heure pour se réconcilier avec Dieu, et qu'à cet effet on avait mandé près de lui un ministre protestant du nom de James Innes.
La foule approuva par ses cris la décision du comité de vigilance, et dès ce moment le tumulte arriva à son comble, car chacun voulait donner son avis et le faire prévaloir.
Nous devons ajouter que la majorité des citoyens de San-Francisco, était en faveur de l'exécution.
Tandis que ceci se passait au-dehors, le prisonnier était gardé à vue avec rigueur, mais avec tous les égards possibles: on lui avait même offert des cigares.
Le pasteur protestant était accouru le premier, à l'appel qu'on lui avait fait, et il exhortait le condamné à prier avec lui. Nous devons dire, pour être exact, que toutes les paroles du révérend docteur Innes étaient prononcées en pure perte: le malheureux à qui il s'adressait ne lui répondait pas. Toute son attention semblait fixée vers la porte d'entrée, car il s'attendait à se voir délivré par les gens de la police municipale.
Au moment où deux heures sonnaient, les portes de la salle du comité de vigilance s'ouvrirent, et le condamné à mort fut amené devant la populace. C'était un homme de haute taille, d'une force herculéenne, dont le visage semblait fait pour inspirer la terreur.
Si épouvantable que f?t sa situation, il paraissait de sang-froid en fumant un cigare de l'air le plus placide du monde. Ses mains attachées derrière son dos étaient maintenues par deux hommes armés, accompagnés d'un grand nombre d'individus, de telle fa?on que la fuite était réellement impossible.
C'est ainsi qu'il parvint, en traversant la foule, jusqu'au milieu du square public.
Une fois là, une clameur immense éclata de toutes parts et des vociférations étranges se firent entendre; c'était un spectacle effrayant. La lune, obscurcie par les nuages, était entièrement cachée et l'on n'y voyait que grace à la lueur des torches.
Quelques individus s'étaient hissés sur l'arbre de la liberté, pour y attacher une corde destinée à la pendaison.
A ce moment-là, un cri se fit entendre.
--Ne le pendez pas à cette noble potence, disait quelqu'un.
--C'est vrai! conduisez-le vers la vieille maison, hurla un autre assistant.
Et ce fleuve d'êtres vivants entra?na le condamné vers un adobe (maison de pizai) en ruines, qui avait autrefois servi de douane. On hissa une poutrelle à l'une des fenêtres, et quand elle eut été solidement fixée on passa une corde solide à une poulie.
Tandis que ceci se préparait, les hommes de la police faisaient de vains efforts pour s'emparer du condamné, mais ils se virent repoussés de toutes parts.
S'ils eussent persisté dans leur projet, on les aurait re?us à coups de revolver, quoiqu'un certain nombre d'assistants f?t opposé à cette exécution sommaire et se montrat disposé à favoriser les efforts de la police.
Le prisonnier, balloté entre ceux-ci
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