Nouveaux contes extraordinaires | Page 9

Bénédict H. Révoil
et ceux-là, se mourait de peur. Tout à coup, il sentit un noeud coulant glisser autour de son cou, et il fut enlevé par une vingtaine de bras à 10 mètres au-dessus du sol.
La secousse avait été mortelle, et, après quelques balancements, quelques trémoussements nerveux, le criminel, victime de la vengeance populaire, n'était plus qu'un cadavre.
Tandis que ce cadavre restait ainsi suspendu au-dessus de la foule, la terreur s'était emparée des exécuteurs eux-mêmes, qui se dispersèrent lentement.
Quelques-uns, les plus endurcis, restèrent seuls jusqu'au lever du jour, près du lieu de l'exécution.
A six heures, le marshall Mac-Crowski se rendit vers l'adobe, coupa la corde et fit emporter le corps de feu John Jenkins, qui fut déposé à la salle des morts.
Ainsi se passa la première exécution faite d'après la loi de Lynch à San-Francisco.
Dans les circonstances particulières où se trouvait la société californienne, à l'époque où nous reporte le fait qui précède, on peut, en quelque sorte, excuser ce jugement sommaire.
Mais on ne peut que bénir les lois justes et régulières qui régissent le pays où nous vivons, car on vit paisiblement en Europe, sous la protection d'une police destinée à prévenir le crime et de juges prêts à le punir avec toute la sévérité nécessaire.

L'arbre anthropophage.
A mi-chemin de l'?le de la Réunion et de la c?te orientale de l'Afrique centrale s'étend, sur une longueur de 132 myriamètres du nord-est au sud-ouest, avec une largeur très variable, mais qui, dans sa plus grande traversée, n'a pas moins de 54 myriamètres de l'est à l'ouest, la grande ?le de Madagascar, nommé en langage madécasse Hiera Bé, ce qui veut dire ?la grande terre?.
C'est, après Bornéo et la Grande-Bretagne, la plus vaste ?le du monde.
Vue de la mer, cette ?le magnifique offre à l'oeil de celui qui arrive par la pleine mer, à bord d'un navire, un vaste amphithéatre de montagnes superposées, formant des échelons de verdure qui varient depuis le vert le plus vif jusqu'aux teintes azurées des pics ardus qui se confondent avec le bleu foncé du ciel.
Madagascar serait une des possessions les plus importantes que puisse envier une grande puissance maritime, si cette ?le n'avait pas contre elle le climat meurtrier de son littoral.
Il y a trois races distinctes à Madagascar, parmi les trois millions d'habitants qui composent le chiffre de la population: les Sakataves à l'ouest, descendus de la c?te africaine et qui sont encore de vrais nègres; les Howas au centre, grande peuplade d'origine malaise, et les Madécasses, type modifié par de nombreuses révolutions et de fréquents amalgames.
Les Sakataves ont la peau noire et les cheveux crépus: ils ont conservé tous les instincts, tous les errements de la race africaine à laquelle ils doivent leur origine, c'est-à-dire qu'ils sont ignorants, superstitieux et... anthropophages.
Leurs habitations sont situées au milieu de cavernes creusées dans les rochers calcaires de leurs montagnes, au centre desquelles se trouvent des vallées profondes, à 400 pieds au-dessus du niveau de la mer.
Près de la frontière des Sakataves se trouve un joli petit lac de 1 mille environ de diamètre, dont les eaux dormantes s'échappent au sein d'un canal tortueux, sous le feuillage sombre de la forêt impénétrable.
Les Sakataves sont complètement nus; leurs relations avec les autres tribus sont assez guerrières, et leur seule religion est celle d'un culte abominable qu'ils rendent à un arbre déifié par eux qui, comme le Drosera rotundifolia--cette plante carnivore, si bien décrite par Darwin [1],--suinte un fluide visqueux qui l'aide à s'emparer de sa proie et possède des qualités enivrantes, dont les naturels se régalent avec avidité.
[Note 1: M. Darwin, le célèbre naturaliste, a dernièrement attiré l'attention du public sur quelques espèces de plantes carnivores, qui, saisissant les insectes et refermant sur eux leurs pétales, sucent tout leur sang et rejettent après leur cadavre desséché. Des morceaux de viande crue disparaissent avec la même rapidité dans la ?bouche? de ces arbres fantastiques.]
Qu'on se figure une immense pomme de pin de 3 mètres de haut et d'une grosseur proportionnelle. Cette pomme de pin géante, qui est le tronc de l'arbre, est noire et d'une dureté pareille à un bloc de fer. A la cime de ce c?ne, qui a près de 50 à 60 centimètres de largeur, on aper?oit une dizaine de feuilles qui retombent molles et pliantes, à l'instar de celles d'un bananier, avec cette différence qu'elles sont nerveuses comme celles de l'agave et terminées par des pointes d'une acuité sans pareilles et creusés à l'intérieur.
Tout le bord de ces feuilles est armé de forts piquants; leur couleur est vert foncé, comme qui dirait l'écorce des lièges ou des tro?nes.
Si l'on se hisse sur un rocher ou sur les épaules d'un insulaire sakatave pour examiner cet arbre satanique, on aper?oit un c?ne rond, de couleur blanche et de forme creuse. Ce n'est point une fleur, mais bien une sorte d'entonnoir,
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