jours.
Les aventuriers de tous les pays, ceux qui avaient le désir de se procurer dans le plus bref délai, par tous les moyens possible, la richesse et le bien-être, sans recourir au commerce ou à l'industrie, tous les hommes à grandes passions, tous les révoltés de la société des différents états du monde civilisé, les gens sans aveu, avides de trouver l'inconnu et de pouvoir pêcher en eau trouble, se ruèrent vers les placeres dès que la nouvelle de ces gisements aurifères parvint à leurs oreilles.
Les villes de Sacramento et de San-Francisco devinrent, à dater de ce moment-là, le rendez-vous d'une population criminelle ou prête à le devenir. Nulle part, sur le reste de la terre, on n'e?t pu rencontrer plus de scélérats réunis.
Les conséquences de cet état de choses se réalisèrent dans un court espace de temps et le plus grand désordre régna dans ce pays conquis.
Il ne se passait pas de jour où des vols et des assassinats ne fussent signalés: la vie était à chaque instant exposée au plus grand danger et les autorités établies se voyaient incapables de protéger leurs concitoyens et de punir les crimes, de quelque nature qu'ils fussent.
Peu à peu, cependant, la première invasion de ces chercheurs d'or, sans feu ni lien, fut suivie par la venue de gens plus respectables et plus soumis aux règlements de la société, qui venaient essayer de faire du commerce. Ces nouveaux arrivés comprirent qu'il fallait se ranger du c?té de la loi, pour se débarrasser des criminels au milieu desquels ils se trouvaient.
Comme l'état de choses existant ne pouvait continuer, les hommes les plus sérieux et les plus hardis se réunirent pour faire respecter la loi, et l'opinion publique se montrant en faveur de cette résolution, il fut décidé que le vol et le meurtre seraient désormais punis avec autant de sévérité que dans les états policés de l'Union américaine.
Cette fa?on de procéder d'une société se faisant justice elle-même, au lieu et place des tribunaux constitués à cet effet, est connue aux états-Unis sous le nom de loi de Lynch, du nom d'un Américain nommé Lynch qui le premier, dans le pays des frontières, avait inauguré ce genre de punition contre les ennemis des gens honnêtes établis comme pionniers dans ces parages voisins des Peaux-Rouges.
Bien souvent la justice populaire s'était ruée sur des gens complètement innocents et reconnus comme tels après leur exécution sommaire; mais en Californie le cas n'était pas le même; on se trompait rarement et puis les juges appartenaient à la classe honnête de la population. C'étaient eux qui étaient les acteurs et ils agissaient en plein jour en donnant toute la publicité possible à la sentence irrévocable.
En Europe, nous nous targuons de respecter la loi, et, quelque horreur que nous éprouvions en présence d'une exécution, nous laissons la justice suivre son cours.
La raison en est que nous sommes persuadés que la justice sait et saura nous protéger et nous venger au besoin.
En Californie, ce n'était pas la même chose. Les gens honnêtes de ce pays étaient convaincus que la loi n'était pas assez puissante pour les protéger. Ils en étaient donc arrivés à cette conclusion qu'il fallait se défendre sérieusement contre tous ceux qui en voulaient à leur propriété et à leur vie; qu'il n'y avait aucune sécurité sans des exemples frappants et qu'il fallait terrifier les criminels.
Nous avons cru devoir expliquer la situation, pour atténuer quelque peu les horreurs de ces récits de jugements et d'exécutions sommaires de San-Francisco et du pays de l'or.
On n'oubliera pas non plus que ces juges ?irréguliers? ne pronon?aient leur sentence qu'après des débats sérieux, où la procédure était la même que dans les cours des autres pays civilisés: acte d'accusation fondé sur les évidences, liberté de défense de la part de l'inculpé, plaidoyer d'avocat, etc., etc., ainsi que cela se pratique d'ordinaire.
Quoi qu'il en soit, ces jugements prononcés au XIXe siècle, au milieu d'un état faisant partie de la grande République américaine, offraient un intérêt des plus curieux.
Dans le récit qui va suivre, les principaux acteurs se composaient de deux cents citoyens de San-Francisco qui s'étaient constitués en ?comité de vigilance? dans le but avoué d'empêcher tout voleur, assassin ou incendiaire d'échapper à la punition méritée, soit par la faiblesse des juges réguliers, soit par le peu de solidité des prisons, l'insouciance et la corruption de la police, ou l'insuffisance des moyens de répression.
Le misérable qui fut reconnu coupable avait volé un coffre-fort rempli d'argent. On l'avait découvert au moment où il emportait la caisse de fer enveloppée dans un grand sac. Quand il s'était vu suivi, il avait sauté dans une embarcation en cherchant à s'éloigner à force de rames.
La personne lésée s'était aper?ue du larcin et, immédiatement, avait couru à la poursuite de son détrousseur, suivie par un grand nombre de bateliers qui
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