corps avaient traversé le Rio-Grande et, descendant à travers les cerros, les vueltas et les canons du pays, étaient arrivés en vue du lac de Texicoco, près de la lagune d'Ayalla. A notre droite, l'Ixtuccihualt (la Femme de neige) nous éblouissait par l'éclat de sa réverbération, quoique le pic f?t à quatre lieues de nous, et pourtant, grace à la pureté de l'atmosphère, on e?t dit qu'on pouvait le toucher de la main.
Nous apercevions également, sur la même ligne, le Popocatepelt, la plus haute cime du Mexique et le volcan le plus élégant du globe, élevant à près de dix-huit mille pieds sa tête orgueilleuse.
Au bas de ces deux rois de la Cordillère, s'étendait la magnifique plaine d'Amecameca, semée de vertes moissons, et ?à et là surgissaient, rompant la monotonie des lignes, ces pitons extraordinaires, produits volcaniques à la tête couronnée de sapins, isolés dans la plaine de Mexico.
Devant nous s'étendait le Penon, la grande chaussée qu'il faut traverser pour arriver à Mexico, dont les murailles blanchissaient au soleil, dont les d?mes étincelaient à nos yeux.
Au-dessus, par-delà la cité, nos regards se perdaient sur les coteaux, où s'épanouissaient San-Agostino, San-Angel et Tucubaya. Un peu plus sur la gauche, le clocher de Nuestra senora de la Guadelupe se détachait sur le fond noir de la montagne. Un panorama splendide, un miroitement incroyable, une richesse de lignes inou?es, et, par-dessus nos têtes, un soleil éclatant, jetant à profusion des teintes à désespérer un peintre... En un mot, c'était une débauche de couleurs qui éblouissait l'oeil et ravissait l'ame. Ajoutez à cela que nous étions arrivés et que la paix était signée de la veille.
La nuit survint et bient?t l'on n'entendit plus dans notre camp que les pas des sentinelles qui, de temps à autre, poussaient leur cri de ralliement: Who's there?--Friend!--All right!
Le lendemain de ce jour mémorable,--le 27 ao?t 1847,--le soleil se leva radieux comme la veille, et l'armée se mit en marche pour faire son entrée à Mexico.
Mais, hélas! nous descendions, et nos illusions de la veille disparaissaient les unes après les autres; les couleurs s'effa?aient, le mirage s'évanouissait.
Au lieu de la plaine fertile, des lacs délicieux, chargés de chinampas fleuris (?les flottantes), nous traversions une plaine br?lée et stérile: le paysage devenait morne et triste. A chaque pas en avant, la féerie disparaissait. Le lac lui-même n'était qu'un marais fangeux, aux exhalaisons fétides, couvert de myriades de mouches empoisonnées.
Bref, l'entrée de Mexico n'était que celle d'un bouge, et rien ne nous faisait présager la grande ville. Les rues sales, les maisons basses, le peuple déguenillé, tout nous désenchantait au fur et à mesure que nous pénétrions dans Mexico.
Toutefois, lorsque nous débouchames sur la place d'Armes, bordée d'un c?té par le palais du gouvernement, de l'autre par la cathédrale, nous devinames une capitale.
Notre premier soin, à mon camarade de lit et à moi,--quand il nous fut possible de sortir des rangs et de jouir de notre liberté,--fut de nous rendre à l'ancien palais d'Iturbide [1] qui fut empereur du Mexique avant la fondation de la République, et, plus tard l'avènement de Maximilien. Ce palais, devenu un h?tel-caravansérail, abrite les voyageurs sous ses lambris dorés.
[Note 1: Un des fils de l'empereur Iturbide est mort il y a deux ans à Paris. Il avait longtemps tenu une taverne de marchand de vin à Courbevoie, et l'on voyait dans cet établissement le descendant des Incas offrir à boire et à manger à ses consommateurs, sans vergogne pour le nom qu'il portait.]
Le lendemain, Thibald (c'était le nom de mon ami) et moi, nous avions fait toilette et nous allions prendre les ordres de l'état-major du général Scott.
Quoique la paix f?t faite, nos chefs redoutaient quelque coup de Jarnac dans le genre des Vêpres siciliennes. Les Mexicains, passaient et passent encore avec juste raison pour une nation tra?tresse et de mauvaise foi: il fallait donc prendre toutes ses précautions pour ne point risquer la vie des officiers et des soldats.
Ceux-ci étaient consignés dans les divers campements où ils avaient trouvé l'abri et le confortable. Lorsqu'ils sortaient de ces casernes, c'était toujours par escouades de dix.
Quant aux officiers, défense expresse leur était faite de se risquer le soir hors de la place, dans les rues de la ville, après le soleil couché.
Les raisons données de vive voix à nos camarades, qui nous les expliquèrent au Café National, c'est que deux de nos amis, dont l'un était le cousin du général Taylor, avaient été attirés dans un rendez-vous galant, la veille au soir, une heure après notre arrivée à Mexico, et avaient été tra?treusement assassinés.
En vain, le général avait-il fait fouiller, de la cave au grenier, la maison où l'on avait trouvé les cadavres de nos pauvres amis, on n'avait rien trouvé de compromettant. Le logis ne contenait pas même de meubles; il semblait abandonné, et les voisins
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