confiance des ma?tres du chateau de la Sirène. Marie-toi avec cette fille. Elle est gentille et, à voir, elle donne faim et soif. C'est une cerise qui pend à l'arbre. Tu n'as qu'à prendre. Et je t'en avertis, Martégas, pour que tu le saches,--un que l'on nomme Pastorel--tu le connais peut-être, Jean Pastorel, le gardian?
--Je sais qui tu veux dire; il habite près des Saintes, à Silve-Réal. C'est un homme. Eh bien donc, que veux-tu me dire, de celui-là?
--Pardi, qu'il en tient pour Zanette!
--En es-tu s?r? demanda Martégas, s'arrêtant tout sec.
--Si j'en suis s?r!... quand je le dis?
--Et comment le sais-tu, Cabrol? Prends garde à ce que tu vas dire. Car celui qui se mettra en travers de mon chemin, je le souquerai, tu peux dire! Je suis aussi matelot, mon homme!
--Comment je le sais? La belle affaire! Pas n'est besoin d'être sorcier, pour ?a, collègue!... Il n'y a pas quinze jours, aux dernières fêtes du mois de mai, aux plaines de Meyran....
--Eh bien?
--Il y a eu ferrade, tu sais, et course de taureaux. Pourquoi n'y étais-tu pas?
--Avance donc! Je t'écoute! Tu as une parole qui ne marche pas! Tu me fais bouillir le sang d'impatience! Si je n'y étais pas, c'est que j'avais d'autres affaires meilleures.... Avance donc, anesse.
--Eh bien, mon camarade, ce Pastorel ayant pris par les cornes et renversé joliment un jeune taureau un peu difficile, est allé la prendre par la main, ta Zanette, afin qu'elle v?nt marquer la bête avec le fer rouge, au chiffre du ma?tre.... Et ?a, on ne le fait, voyons, que pour sa fiancée, ou pour sa ma?tresse.
--Gueusard de sort! gronda Martégas.
Et il s'assit sur le parapet de pierre, comme pour réfléchir mieux à son aise.
--Qu'il prenne garde, ajouta-t-il sourdement, qu'il prenne garde ce Pastorel! Que je ne le voie pas recommencer! Moi étant là, il aurait du mal!
--C'est que, répliqua Cabrol, riant d'un gros rire... il a recommencé déjà.
--Où? Dis, que je sache!
--Il a recommencé le même jour, aux Plaines. Pourquoi n'y es-tu pas venu?
--J'étais allé conduire à Aigues-Mortes un cheval vendu qu'il fallait remettre précisément ce jour-là, sans faute.... Dis-moi tout sur ce Pastorel, dis-moi tout ?a que tu sais, hé? Sans rien oublier, sans rien me cacher surtout.
--Eh bien, après la ferrade, où l'on marque les plus jeunes bêtes, il y eut course à la cocarde. Une jeune vache, très méchante, échappait aux plus malins. La cordette un peu lache qu'on avait mal tendue, d'une corne à l'autre, pendait, balan?ant, au beau milieu du front, la cocarde. Un de Montpellier, au moment où il croyait tenir cette cocarde ensorcelée, quand il ne tenait que la ficelle solide d'où il ne put dégager ses doigts sinon coupés et saignants, fut pris entre les cornes par le milieu du corps!... Oh! par bonheur il était maigre, de manière qu'entre les deux cornes il eut toute la place pour être à son aise!...
Un autre, qui avait le crochet de fer préparé dans sa main, pour accrocher et casser la ficelle, manqua son coup, et frappa le mufle de la vaquette maladroitement; il fut piqué d'un coup de corne à la cuisse et on l'emporta évanoui comme une femme! Pastorel se fit voir alors, il semblait ne vouloir entrer dans l'arène que s'il y avait du danger, comme on fait pour plaire; et en effet la chose arriva. Et quand les plus fameux coureurs se montrèrent fatigués, il sauta dans l'arène, du haut de son banc, car il ne s'était pas mis sur les charrettes qui formaient le cirque, non, il s'était placé sur la tribune des gros messieurs, pour faire le fier, juste en face de Zanette. Donc, il sauta dans l'arène, à ce moment toute vide, et tout de suite il fut applaudi:
?Pastorel! Pastorel! c'est Pastorel qui l'aura!? La vache courut sur lui, décidée, tout droit, tête basse, il l'esquiva, la laissa passer, en pivotant sur un talon, et elle ne l'avait pas dépassé de la tête, qu'il lui avait pris sur le front la cocarde, sans avoir eu l'air de rien! On trépignait de contentement, mais lui, tranquillement, s'en alla vers cette Zanette et lui offrit la cocarde, puis retourna vers la tribune en traversant toute l'arène comme s'il n'y avait pas eu de vache.... Et la vache, il faut le dire, le laissa passer sans faire mine d'aller à lui, quoiqu'elle le regardat de travers en faisant, du pied, des trous dans la terre....
--Sais-tu s'il y a longtemps qu'il conna?t Zanette?
--?a, je n'en sais rien, Martégas, mais méfie-toi, si tu veux Zanette avant un autre.
--Si je la veux! cria Martégas en se levant.... Si je la veux!... il y a longtemps que je la guette! Quand j'étais gardian au mas de la Sirène, d'où son père m'a chassé (il me le paiera, tu peux croire!) elle, elle était
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.