parle des joyeuses bandes que conduisaient, pendant les fêtes de No?l, le Roi de la Déraison et la Princesse de la Bombance. Sous de folatres déguisements, les amis du voisinage venaient sans honte tendre la tirelire de No?l à la Reine de la fête et demander largesse de joie, de gaieté, de rire, aum?nes de plaisirs. Hélas! qu'ils sont loin aujourd'hui ces jours où Henri II servait à table son fils, Roi du Festin et lui apportait, au bruit des trompettes, comme plat d'honneur, une tête de sanglier qui, couronnée de laurier et de romarin, enterrait ses formidables défenses dans la pomme fleurie ou l'orange dorée! Et comme il est passé le temps où cent trente des citoyens les plus puissants de Londres, revêtus de costumes et de titres fantastiques, roi, reine, ministres, choisis par la Folie, cavaliers galopant sur de fringants coursiers, sonnant des fanfares, couraient à Kensington, à la rencontre du petit-fils d'Edouard Ier, tous réunis dans une même joie, chantant No?l.
La lugubre Réforme a soufflé sur toutes ces joies, éteint toutes ces lumières et faussé toutes ces trompettes [7].
[Note 7: Oscar Havard, Les Fêtes de nos Pères.]
L'illustre Walter Scott nous dit que ses ancêtres regardaient déjà No?l, comme la fête familiale par excellence:
England was merry England, when Old Christmas brought his sports again; Twas Christmas broached the mightiest ale, Twas Christmas told the merriest tale, A Christmas gambol oft would cheer The poor man's heart, through half the year.
L'Angleterre était la joyeuse Angleterre quand Le vieux No?l ramenait ses jouissances; C'était No?l qui mettait en perce la bière la plus forte, C'était No?l qui racontait le conte le plus joyeux, Les ébats de No?l souvent réjouissaient Le coeur du pauvre, pendant la moitié de l'année.
D'immenses préparatifs sont faits en vue du Christmas.
De copieuses cargaisons d'oies grasses viennent de Normandie. Deux lignes de steamboats, de Dieppe à Newhaven et du Havre à Southampton, suffisent à peine à leur transport en Angleterre. Le Poitou et la Touraine envoient également à John Bull leurs dindes pansues. En 1901, une petite province du Centre, la Sologne, a expédié à Londres, par chemin de fer, plus de soixante mille dindons.
Les bateaux de Southampton et de Newhaven prennent à Granville et sur toutes les c?tes de la Manche des monceaux de gui, cette plante parasite que les eubages, chez les Gaulois, allaient couper avec des faucilles d'or. On le dépose dans de grandes caisses à claire-voie, connues sous le nom de harasses, et on le transporte sur le pont des navires.
?On se prépare plusieurs semaines à l'avance au Christmas, dit M. Alphonse Esquiros. D'immenses troupeaux d'oies s'acheminent gravement du Nord de l'Angleterre, par toutes les routes, vers la métropole; les grands boeufs annoncent leur arrivée sur les chemins de fer ou les bateaux par de lugubres beuglements.?
A Londres, quelques jours avant No?l, a lieu dans la grande salle d'Islington, connue sous le nom d'Agricultural Hall, une exposition des animaux que l'on vendra pour No?l. Boeufs, oies, dindons se disputent les premiers prix; les mieux cotés vont ensuite orner de leurs chairs dodues les vitrines des industriels qui les ont achetés au poids de l'or.
?La veille de No?l, dit M. Virma?tre, tout Londres est illuminé. Les boutiques des bouchers surtout sont resplendissantes de lumières; on y voit des boeufs dépouillés, couchés tout entiers sur des tréteaux, avec des becs de gaz dans le mufle.? On lit assez souvent au-dessus d'eux ces mots-réclame: brought up by Her Majesty (élevé par Sa Majesté la Reine). En effet, la Reine Victoria faisait pa?tre des troupeaux à Windsor, à Hampton-Court et même à Kensington-Gardens, le bois de Boulogne de Londres.
Le soir du vingt-quatre Décembre, vers deux heures, l'agitation devient extraordinaire, dans les quartiers les plus populeux de Londres et surtout dans Whitechapel. Les cochers (cabmen), juchés derrière leur voiture, guident hardiment leurs chevaux. Le All right (tout va bien) retentit dans les conversations. Ce sont partout des entassements de volailles, comme on n'en voit pas dans les Halles centrales de Paris. Louis Blanc, de sa plume vive et originale, nous a donné le tableau le plus pittoresque et le plus vrai qu'on ait jamais tracé du Christmas londonien. ?Quels énormes quartiers de viande! Quelles montagnes de chairs saignantes! Quel luxe d'imposants comestibles!... C'est par myriades qu'on vous compte, orgueilleusement étalés, ? selles de moutons, têtes de veau, hures de sangliers, dindons, canards, oies, poulets, perdrix, faisans, pluviers, lapins, et vous, poissons de toute espèce et de toute grosseur!? La brumeuse cité offre ce spectacle étrange d'une animation toujours croissante jusqu'au milieu de la nuit.
Au Constitutional Club, l'un des cercles les plus importants de Londres, on fait r?tir, chaque année, pour le Christmas, un énorme morceau de boeuf, de trois cent cinquante à quatre cents livres. C'est ce qu'on appelle le Baron of beef. Les membres les plus distingués
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