plus
divers furent émis, appuyés sur des textes et des opinions de tout genre,
les uns rappelant le procès de Verrès et citant Cicéron et Tite-Live, les
autres invoquant les pères de l'Église ou le témoignage de saint Louis.
Nous n'en citerons que quelques-uns. Sainte-Hélène déclare que
Foucquet mérite d'être pendu, mais par concession, eu égard à sa
naissance et à ses dignités, il consent à ce qu'on lui tranche la tête sur
un échafaud devant la Bastille et à ce que ses biens soient confisqués;
plusieurs suivent son avis, d'autres, excusant le surintendant, ne
réclament que le bannissement ou la relégation, un d'entre eux, voulant
le punir par où il avait péché, c'est-à-dire dans son orgueil, propose de
raser Vaux, d'en abattre les bois, d'en rompre les fontaines et d'en
combler les fossés.
Enfin, malgré une violente pression et les vives sollicitations de ses
ennemis, au milieu de décembre 1664, Foucquet ne fut condamné par la
Chambre, qu'au bannissement hors du royaume, et à la confiscation de
ses biens. Condamné en fait, il était acquitté en droit.
Louis XIV ne cachait pas que, si Foucquet eut été condamné à mort, il
l'aurait laissé mourir et Colbert craignait, qu'une fois en liberté, il ne
publiât hors de France des écrits, des libellés contre Mazarin et contre
lui; aussi suggéra-t-il au roi l'idée de commuer la peine du
bannissement en celle de la prison perpétuelle, à cause du danger qu'il
y avait à laisser sortir Foucquet du royaume, vu la connaissance
particulière qu'il avait des affaires les plus importantes de l'État,
singulière commutation, on le voit, que celle qui devait jusqu'à sa mort
priver un homme de sa liberté et le faire maintenir pendant de longues
années dans le secret le plus étroit, en laissant même pendant
longtemps ignorer à sa famille ce qu'il était devenu.
La Chambre de Justice n'avait eu, en réalité, pour objet, que le
jugement de Foucquet et s'il lui avait été donné, au civil, de supprimer
un million sur les tailles, et d'opérer un petit nombre de réformes utiles,
elle n'avait, au criminel, jugé que des contumaces comme Bruant et
Gourville et condamné à mort que quelques misérables comme ce
Dumont, de Crépy, dont nous avons parlé. Elle n'avait pas su trouver
Foucquet assez criminel pour le faire mourir, aussi son épuration
fut-elle d'abord décrétée, et plus tard elle ne resta qu'à l'état de fantôme
pour enregistrer des décisions imposées et rendre des arrêts faits
d'avance chez le contrôleur général.
V
Le 27 décembre 1664, les formalités de la lecture de l'arrêt étaient
remplies à la Bastille. Le même jour, un carrosse sortait de la prison
aux acclamations du peuple, dans l'esprit duquel un revirement s'était
fait en faveur du prisonnier. D'Artagnan conduisait Foucquet à Pignerol,
et le 16 janvier 1665, ils arrivaient dans cette petite place du Piémont,
cédée à Louis XIII, à la suite d'une négociation à laquelle le père de
Foucquet avait pris une part active.
Le gardien qui ne devait le quitter qu'au lit de mort était Louis
d'Auvergne, sieur de Saint-Mars, son parent éloigné, ce que tous deux
paraissent avoir toujours ignoré.
Peu de temps après sa détention, Foucquet échappa à une terrible
explosion qui ébranla le donjon de Pignerol jusque dans ses fondements
et Ménage s'autorisait de cet évènement pour solliciter, en vers latins, la
grâce de Foucquet dans une pièce qu'il adressait à Louis XIV. Le Roi
devait rester sourd à cette supplique ainsi qu'à toutes celles qui lui
seraient présentées en faveur de son ancien ministre. Cet évènement
devait même rendre Foucquet l'objet d'une surveillance plus rigoureuse,
car, dans le dossier d'un fauteuil brisé, on avait trouvé des papiers écrits
avec une encre sympathique.
La température glaciale de Pignerol pendant l'hiver autant que la
chaleur concentrée au milieu des rochers pendant l'été ne tardèrent pas
à altérer la santé de Foucquet, et les deux valets qu'on avait placés
auprès de lui en souffraient également. En 1670, Laforêt, son ancien
serviteur, chercha à s'introduire dans le château dans le but de le
délivrer, mais sa tentative fut découverte et Foucquet put voir son corps
balancé à la potence. Du reste sa résignation était des plus grandes et
Saint-Mars pouvait écrire de lui à Louvois «M. Foucquet est un
agneau.»
Il n'en disait pas autant d'un autre prisonnier qui lui avait été envoyé en
1671, Lauzun, dont la principale occupation fut de faire endiabler son
gardien. Les ordres les plus sévères avaient été donnés pour empêcher
les deux prisonniers de communiquer, et cependant, un jour, Lauzun,
dans son esprit inventif, trouva le moyen de pénétrer dans la chambre
de Foucquet et chaque jour il y revenait, lui racontant ce qui s'était
passé depuis quinze ans qu'il était séparé du monde.
En 1679, Lauzun et Foucquet furent autorisés à communiquer ensemble,
mais
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