membres de sa famille et être ainsi «l'homme de crédit dans le
public.» Mais il n'est pas le seul compétiteur; Servien, Le Tellier, Molé,
le président de Maisons et même les maréchaux de L'Hôpital et de
Villeroy se mettent sur les rangs. S'inspirant de la maxime de Richelieu
qu'il est impossible à deux hommes jaloux l'un de l'autre de divertir les
deniers de l'épargne, parce que chacun craint d'être découvert par son
collègue, Mazarin nomme simultanément, au lendemain de sa rentrée à
Paris, Servien et Foucquet comme surintendants. De plus, il leur adjoint
comme commis ou contrôleur un marchand d'argent, né à Lyon de
parents allemands, Herwarth.
De la collaboration de ces trois hommes naissent les combinaisons les
plus variées, non pour équilibrer le budget, on n'y songeait pas alors
plus qu'aujourd'hui, mais pour procurer au Trésor les ressources qui lui
faisaient défaut. Au début, Foucquet devait avoir la trésorerie et
Servien l'ordonnancement. Mais, Mazarin, passant sur les formalités, ne
tarda pas à demander directement au premier les sommes qu'il voulait
toucher chaque mois pour la guerre, la marine, l'artillerie, les
ambassades, les suisses, le jeu, les ballets et... l'opéra. Toutes dépenses
dont le cardinal se chargeait à forfait, sans entrer dans le détail, ni
même en rendre compte aux surintendants, mais en ayant soin d'ajouter
qu'il ne voulait ni assignations sur les places, ni billets à terme, rien que
de l'argent comptant.
Nous n'en finirions pas s'il nous fallait expliquer les expédients
auxquels durent recourir les surintendants et Mazarin pour rétablir en
partie le crédit du roi dans les premières années qui suivirent la Fronde.
Tantôt ce sont les monnaies dont on annonce la refonte et la
dépréciation et que l'on offre cependant de racheter en échange de
rentes, en attendant qu'après un court séjour dans les caisses, un édit
vienne leur rendre leur ancienne valeur, tantôt c'est le clergé qu'il s'agit
d'imposer, ou le marc d'or qu'il est question d'aliéner; Mazarin parle
d'emprunter sur ses pierreries et ses tapisseries, mais avec le désir de
voir Herwarth ne pas mener à bien cette négociation, Colbert offre la
dot de sa femme et le chancelier Séguier avance quelques fonds, mais
sur gages. On est aux abois, comment subvenir aux frais de la
campagne de 1656, comment subventionner les alliés et entretenir les
troupes? Le 24 juillet 1656, Foucquet fait passer par Compiègne un
convoi dirigé sur La Fère et les charrettes qui le composent renferment
900,000 livres en argent. On ne sait comment remercier le surintendant.
«Il faut, lui écrit Mazarin, au nom du roi, que vous repreniez cette
somme sur le premier argent qui viendra des affaires qui sont sur le
tapis». Cette lettre fut le seul profit que tira Foucquet de cette heureuse
négociation et jamais il n'en reçut un sou.
Après avoir tracé le tableau de la situation des divers membres de la
famille du surintendant à l'apogée de sa puissance en 1656, M. Lair
entre dans d'intéressants détails sur sa vie et examine notamment les
amours qu'on lui prête: A-t-il été l'amant ou seulement l'ami de
Madame de Sévigné? Mademoiselle de Trécesson fut-elle plus que sa
confidente politique, enfin Madame Scarron a-t-elle vu Foucquet avant
la mort de son mari? M. Lair ne paraît ajouter foi à aucune de ses
suppositions et sauf Madame de Brancas et une inconnue, on ne voit à
Foucquet aucune maîtresse.
Les habitations du surintendant, son hôtel de la rue Michel-le-Comte,
sa retraite de Saint-Mandé, son domaine paternel de Vaux, dont il fit
rebâtir le château et qui devint un sujet d'envie pour tous les courtisans
et même, dit-on, pour le roi, son domaine de Concarneau et enfin
Belle-Isle-en-Mer, dont on lui a prêté l'intention de se faire roi, sont
décrits avec grand soin.
Mais, au milieu de cela, Foucquet ne paraît pas avoir joui d'un bonheur
réel, la mort de son fils aîné, ses préoccupations politiques et jusqu'à la
responsabilité qui pesait sur lui, au moment du mariage de sa fille aînée
avec le marquis de Charost, dans le jugement de Chenailles, conseiller
au parlement, accusé d'avoir voulu vendre la place de Saint-Quentin à
M. le Prince, lui causaient de nombreux soucis. Dans cette dernière
affaire, il prononça un réquisitoire impitoyable, dont les termes
devaient être un jour retournés contre lui. De même qu'il avait fait
soumettre celui-ci au secret le plus absolu, privé de papier, de plumes et
d'encre, sans pouvoir obtenir ni le secours d'un avocat, ni la
communication des pièces de l'accusation, de même Talon devait en
user avec lui quelques années plus tard. Puis vient le procès du cardinal
de Retz trop connu pour qu'il soit nécessaire de s'y arrêter.
Et toujours le Trésor restait vide d'argent, mais bourré de papiers et à
peine ces billets se convertissaient-ils en or, que l'or était absorbé par
les fournisseurs des
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