regrette pas mon soin. Vous n'aimez donc rien, vous?
-- J'aime tout le monde.
-- Mais pas les moutons?
-- Je ne les aime ni ne les hais.
-- C'est pourtant des b��tes bien douces. Est-ce que vous aimez les chiens?
-- J'en ai eu un que j'aimais. On n'a pas voulu qu'il me suive au couvent.
-- Alors vous avez du chagrin d'��tre comme ?a tout seul de chez vous, en p��nitence chez les autres?
Il me regarda d'un air ��tonn��, comme s'il n'avait pas encore pens�� �� ce que je lui disais, et puis, il r��pondit:
-- Je ne dois me faire de peine �� propos de rien. On m'a toujours dit: ?Ne vous m��lez de rien, ne vous attachez �� rien, apprenez �� ne vous affecter de rien. C'est votre devoir et vous n'aurez de bonheur qu'en faisant votre devoir.?
-- C'est dr?le, ?a! mon grand-oncle me dit tout �� fait la m��me chose; mais il dit que mon devoir est de m'occuper de tout, d'��tre bonne �� tout dans la maison et d'avoir du coeur pour toute sorte d'ouvrages. Sans doute qu'on dit ?a aux enfants des pauvres et qu'on dit autrement aux enfants riches.
-- Non! on dit cela aux enfants qui doivent entrer dans les couvents. Mais voil�� l'heure de me rendre aux offices de la v��pr��e. Tu rappelleras ton mouton quand tu voudras, et, si tu veux le ramener demain...
-- Oh! je n'oserais!
-- Tu peux le ramener, je parlerai �� l'��conome.
-- Il fera votre volont��?
-- Il est tr��s bon, il ne me refusera pas.
Le jeune homme me quitta et je le vis qui rentrait par les jardins, au son de la cloche. Je laissai encore un peu paturer Rosette, et puis je la rappelai et la ramenai �� la maison. Depuis ce jour-l��, je me suis tr��s bien souvenue de tout ce qui est survenu dans ma vie. Je ne fis d'abord pas de grandes r��flexions sur mon entretien avec ce jeune moine. J'��tais toute �� l'id��e riante que peut-��tre il m'obtiendrait un permis de paturage de temps en temps pour Rosette. Je me serais content��e de peu. J'��tais comme port��e naturellement �� la discr��tion, mon oncle m'ayant donn�� en tout des exemples de politesse et de sobri��t��.
Je n'��tais pas grande conteuse, mes cousins, tr��s moqueurs, ne m'y encourageaient point; mais, le permis de paturage me trottant par la t��te, je racontai ce soir-l�� �� souper tout ce que je viens de raconter, et je le fis m��me assez exactement pour attirer l'attention de mon grand-oncle.
-- Ah! oui-d��! fit-il, ce jeune monsieur qu'ils ont amen�� au couvent lundi soir et que personne n'avait encore vu, c'est le petit Franqueville! un cadet de grande maison, c'est comme cela qu'on dit. -- Vous connaissez bien Franqueville, mes gars? un beau manoir, da!
-- J'y ai pass�� une fois, dit le plus jeune. C'est loin, loin du c?t�� de Saint-L��onard en Limousin.
-- Bah! douze lieues, dit Jacques, en riant, ?a n'est pas si loin! j'y ai ��t�� une fois aussi, la fois que le sup��rieur de Valcreux m'a donn�� une lettre �� porter et qu'il m'a pr��t�� la bourrique du moutier pour gagner du temps. Sans doute que c'��tait affaire pressante, car il ne la pr��te pas volontiers, la grand'bourrique!
-- Ignorant! reprit mon grand-oncle, ce que tu appelles bourrique c'est une mule.
-- ?a ne fait rien, grand-p��re! j'ai bien vu la cuisine du chateau et j'ai parl�� �� l'homme d'affaires, qui s'appelle M. Pr��mel. J'ai bien vu aussi le jeune monsieur, et �� pr��sent je comprends que la lettre, c'��tait pour manigancer son entr��e au couvent.
-- C'��tait une affaire maniganc��e depuis qu'il est au monde, reprit le p��re Jean. On n'attendait que l'age, et moi, qui vous parle, j'ai eu ma d��funte ni��ce, la m��re �� la petite que voil��, vach��re dans le chateau en question. Je peux tr��s bien dire ce qui en est de la famille. C'est des gens qui ont pour deux cent mille bons ��cus de terre au soleil, et des terres bien en rapport. ?a n'est pas n��glig�� et pill�� comme celles du moutier d'ici. L'homme d'affaires, l'intendant, comme ils l'appellent, est un homme entendu et tr��s dur; mais c'est comme ?a qu'il faut ��tre quand on est charg�� d'une grosse r��gie.
Pierre observa que ce n'��tait pas la peine d'��tre si riche, quand on mettait de c?t�� deux enfants sur trois. Il blama, au point de vue des id��es nouvelles qui commen?aient �� p��n��trer jusque dans nos chaumi��res, le parti que prenaient encore certains nobles �� l'��gard de leurs cadets.
Mon oncle ��tait un paysan de la vieille roche; il d��fendit le droit d'a?nesse, disant que, sans cela, tous les grands biens seraient gaspill��s.
On se querella un peu. Pierre, qui avait la t��te vive, parla haut �� son grand-p��re et finit par lui dire:
-- C'est bien heureux que les pauvres n'aient rien ��
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