Nanon | Page 6

George Sand
donner �� ceux qui demandent au nom du Seigneur. Elle ne servirait �� rien si elle ne servait �� r��pandre la charit��.
J'ouvrais de grands yeux et ne comprenais gu��re, car, sans ��tre bien m��chants, les moines de Valcreux se d��fendaient tant qu'ils pouvaient contre les pillards, et il y avait le p��re Fructueux qui remplissait les fonctions d'��conome, et qui faisait grand bruit et de grosses menaces aux patours pris en faute. Il les poursuivait avec une houssine, pas bien loin, il est vrai, il ��tait trop gras pour courir; mais il faisait peur tout de m��me et on le disait m��chant, encore qu'il n'e?t pas battu un chat.
Je demandai au jeune gar?on si le p��re Fructueux serait _consentant _de voir mon mouton manger son herbe.
-- Je n'en sais rien, r��pondit-il; mais je sais que l'herbe n'est point �� lui.
-- Et �� qui donc est-elle?
-- Elle est �� Dieu, qui la fait pousser pour tous les troupeaux. Tu ne me crois pas?
-- Dame! je ne sais. Mais ce que vous me dites l�� m'arrangerait bien! Si ma pauvre petite Rosette pouvait manger sa faim chez vous pendant la grande s��cheresse, je vous r��ponds que je ne ferais pas la paresseuse pour ?a. Sit?t les gazons repouss��s dans la montagne, je me remettrais �� l'y conduire, je vous dis la v��rit��.
-- Eh bien, laisse-la o�� elle est, et viens la chercher ce soir.
-- Ce soir? oh! nenni! Si les moines la voient, ils la mettront chez eux, en fourri��re, et mon grand-oncle sera forc�� d'aller la redemander et d'endurer leurs reproches: et moi, il me grondera et me dira que je suis une vilaine comme les autres, ce qui me fera beaucoup de peine.
-- Je vois que tu es une enfant bien ��lev��e. O�� donc demeure-t-il, ton grand-oncle?
-- L��-haut, la plus petite maison �� la moiti�� du ravin. La voyez- vous? celle apr��s les trois gros chataigniers?
-- C'est bien, je te conduirai ton mouton quand il aura assez mang��.
-- Mais si les moines vous grondent?
-- Ils ne me gronderont pas. Je leur expliquerai leur devoir.
-- Vous ��tes donc ma?tre chez eux?
-- Moi? pas du tout. Je ne suis rien qu'un ��l��ve. On m'a confi�� �� eux pour ��tre instruit et pour me pr��parer �� ��tre religieux quand je serai en age.
-- Et quand est-ce que vous serez en age?
-- Dans deux ou trois ans. J'en ai bient?t seize.
-- Alors, vous ��tes novice, comme on dit?
-- Pas encore, je ne suis ici que depuis deux jours.
-- C'est donc ?a que je ne vous ai jamais vu? Et de quel pays ��tes- vous?
-- Je suis de ce pays; as-tu entendu parler de la famille et du chateau de Franqueville?
-- Ma foi, non. Je ne connais que le pays de Valcreux. Est-ce que vos parents sont pauvres, pour vous renvoyer comme ?a d'avec eux?
-- Mes parents sont tr��s riches; mais nous sommes trois enfants, et, comme ils ne veulent pas diviser leur fortune, ils la gardent pour le fils a?n��. Ma soeur et moi, nous n'aurons qu'une part une fois faite, pour entrer chacun dans un couvent.
-- Quel age est-ce qu'elle a, votre soeur?
-- Onze ans: et toi?
-- Je n'ai pas encore treize ans faits.
-- Alors, tu es grande, ma soeur est plus petite que toi de toute la t��te.
-- Sans doute que vous l'aimez, votre petite soeur?
-- Je n'aimais qu'elle.
-- Ah bah! et vos p��re et m��re?
-- Je ne les connais presque pas.
-- Et votre fr��re?
-- Je le connais encore moins.
-- Comment ?a se fait-il?
-- Nos parents nous ont fait ��lever �� la campagne, ma soeur et moi, et ils n'y viennent pas souvent, ils vivent avec le fils a?n�� �� Paris. Mais tu n'as jamais entendu parler de Paris, puisque tu ne connais pas seulement Franqueville.
-- Paris o�� il y a le roi?
-- Justement.
-- Et vos parents demeurent chez le roi!
-- Oui, ils servent dans sa maison.
-- Ils sont les domestiques du roi?
-- Ils sont officiers; mais tu ne comprends rien �� tout cela et cela ne peut t'int��resser. Parle de ton mouton. Est-ce qu'il t'ob��it quand tu l'appelles?
-- Pas trop, quand il est affam�� comme aujourd'hui.
-- Alors, quand je voudrai te le ramener, il ne m'ob��ira pas?
-- ?a se peut bien. J'aime mieux attendre, puisque vous le souffrez un peu chez vous.
-- Chez moi? Je n'ai pas de chez moi, ma petite, et je n'en aurai jamais. On m'a ��lev�� dans cette id��e-l�� que rien ne devait m'appartenir, et toi qui as un mouton, tu es plus riche que moi.
-- Et ?a vous fait de la peine de ne rien avoir?
-- Non, pas du tout; je suis content de n'avoir pas �� me donner de mal pour des biens p��rissables.
-- _P��rissables?_ Ah! oui, mon mouton peut p��rir!
-- Et vivant, il te donne du souci?
-- Sans doute, mais je l'aime et ne
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