grand jugement, il faut bien le dire; ils broutent o�� ils se trouvent et ne quittent la place que lorsqu'il n'y a plus que de la terre �� mordre. C'est bien d'eux qu'on peut dire qu'ils ne voient pas plus loin que leur nez, �� cause de leur paresse �� regarder. J'avais soin aussi de ne pas la presser, �� l'heure o�� je la rentrais �� l'��table, sur le chemin rempli de la poussi��re soulev��e par les troupeaux. Je l'avais vue tousser en avalant cette poussi��re et je savais que les brebis ont la poitrine d��licate. J'avais soin encore de ne pas mettre dans sa liti��re des herbes nuisibles comme la folle avoine dont la graine quand elle est m?re, entre dans les narines ou pique les yeux et cause des enflures ou des plaies. Pour la m��me raison, je lui lavais la figure tous les jours, et c'est ce qui m'apprit �� me laver et �� me tenir propre moi-m��me, chose qu'on ne m'avait pas enseign��e et que j'imaginai, avec raison, ��tre aussi n��cessaire �� la sant�� des gens qu'�� celle des b��tes. En devenant active et en me sentant n��cessaire, je pris la crainte de la maladie, et, quoique maigre et ch��tive d'apparence, je devins vite tr��s forte et presque infatigable.
Ne croyez pas que j'aie fini de parler de mon mouton. Il ��tait ��crit que mon amiti�� pour lui d��ciderait du reste de ma vie. Mais, pour l'intelligence de ce qui va suivre, il faut que je vous parle de notre paroisse et de ses habitants.
Nous n'��tions gu��re plus de deux cents ames, c'est-��-dire environ cinquante feux r��partis sur un espace d'une demi-lieue en longueur, car nous habitions en montagne, le long d'une gorge tr��s ��troite qui s'��largissait au milieu et formait un joli vallon rempli par le moutier de Valcreux et ses d��pendances. Ce moutier ��tait tr��s grand et bien bati, entour�� de hauts murs avec des portes en arcades cintr��es d��fendues par des tours. L'��glise ��tait ancienne, petite, mais tr��s haute et assez richement orn��e en dedans. On y entrait par la grande cour, sur les c?t��s et au fond de laquelle il y avait de beaux batiments, r��fectoire, salle de chapitre et logements pour douze religieux, sans compter les ��curies, ��tables, granges et remises aux ustensiles; car les moines ��taient propri��taires de presque toute la paroisse et ils faisaient cultiver leurs terrains et rentrer leurs r��coltes par corv��es; moyennant quoi, ils louaient �� bas prix les maisons occup��es par leurs paysans. Toutes ces maisons leur appartenaient.
Malgr�� cette grande richesse, les religieux de Valcreux ��taient fort g��n��s. C'est une chose singuli��re que les gens qui n'ont point de famille ne sachent pas tirer bon parti de leur avoir. J'ai vu des vieux gar?ons entasser leurs ��cus en se privant de tout et mourir sans avoir song�� �� faire leur testament, comme s'ils n'avaient jamais aim�� ni eux ni les autres. J'en ai vu aussi qui se laissaient piller pour avoir la paix et non pour faire le bien; mais j'ai vu surtout ces derniers moines, et je vous assure qu'ils n'avaient aucun esprit d'am��nagement. Ils ne songeaient ni �� la famille qu'ils ne devaient point avoir, ni �� l'avenir de leur communaut�� dont ils ne pouvaient avoir aucun souci. Ils ne se souciaient pas non plus du bon rendement de la terre et des soins qu'elle m��rite. Ils vivaient au jour le jour comme des voyageurs dans un campement, faisant trop de culture sur un point, pas assez sur un autre, ��puisant le sol qui se trouvait �� leur convenance, n��gligeant celui qu'ils ne pouvaient pas ou ne savaient pas surveiller. Ils avaient dans le pays de plaine de grands ��tangs qu'ils auraient bien pu dess��cher et ensemencer; mais il aurait fallu acheter du poisson pour leur car��me et ils avaient beaucoup de paresse et coupaient le bois qui se trouvait dans leur voisinage, laissant d��t��riorer tout le reste. On les pillait beaucoup, et ils eussent rendu service au pauvre monde en lui apprenant l'honn��tet�� et en ne souffrant pas la paresse, qui rend voleur. Ils ��taient trop indolents ou trop craintifs, ils ne disaient rien.
Il faut dire aussi que le temps ne leur ��tait pas bien commode pour se faire respecter. Les gens de chez nous n'avaient pas �� se plaindre de ces moines, qui n'��taient, pour la plupart, ni bons, ni m��chants, qui n'eussent pas demand�� mieux que de faire le bien, mais qui ne savaient pas le faire. Eh bien! quelque doux qu'ils fussent, on s'en plaignait, on ne voulait plus les supporter, on ne les respectait plus, on commen?ait m��me �� les m��priser. C'est assez la coutume du paysan, de faire peu de cas des gens qui gouvernent mal leurs affaires. Je peux dire comment le paysan voit les choses, puisque je
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