l'un de ses sommets, quand elle est double. C'est la
barrière de l'horizon définitivement franchie par le Soleil, qui s'apprête
à bondir au delà. Dans cette attitude, la figure, encore vêtue de son
riche costume, tient toujours, avec un grand geste, la palme élevée
devant elle. Un des cylindres du Louvre reproduit la scène avec plus de
détails qu'à l'ordinaire (fig. 2). La porte du ciel a ses battants surmontés
de deux lions; entre les lieutenants du dieu, qui la tiennent grande
ouverte, un adorateur s'approche timidement et présente un
chevreau[10].
[Note 10: Variantes plus simples sur un autre cylindre du Louvre, cf.
Coll. De Clercq, n° 85 et Menant, numéros 68 et 72.]
[Illustration: Fig. 8.]
Infiniment plus rares sont les représentations où le dieu Soleil s'empare
d'une montagne, sans doute distincte de la précédente, non plus par
simple escalade, mais en livrant bataille à un premier occupant, dieu
comme lui. Le cylindre, dont nous reproduisons l'empreinte, donne un
exemple remarquable et tout à fait dramatique de ce nouvel acte de la
légende.
Ici la porte du ciel n'est plus figurée; nous sommes à une autre étape
dans la marche diurne de l'astre. Les deux acolytes divins, qui tout à
l'heure jouaient le rôle de portiers, n'ont pas cependant abandonné leur
chef; ils le suivent maintenant et font partie de son escorte guerrière,
portant ses armes sacrées, une masse d'armes de rechange et le bâton
coudé qui lancé revient à la main. Le dieu lui-même se montre dans un
redoutable appareil de combat. Complètement nu, la taille seule sanglée
d'une étroite ceinture, tout environné de flammes, qui lui sortent même
des jambes, il aborde de près son adversaire et le menace de sa masse
d'armes. Après lui, pour lui prêter main forte, vient encore un terrible
personnage, qui n'est caractérisé par aucune arme ni par aucun attribut,
si ce n'est qu'il brûle et flamboie de la tête aux pieds; c'est l'incendie qui
marche. Il ne faut pas hésiter, croyons-nous, à y reconnaître le démon
du feu ou mieux le Feu en personne[11], plus d'une fois célébré dans
les hymnes de l'ancienne Chaldée.
[Note 11: Is ou Ghi-bil; voir particulièrement les fragments d'hymnes
déjà rassemblés par F. Lenormant, La Magie chez les Chaldéens, p.
169-173.]
[Illustration: Fig. 3.]
Quant au dieu menacé d'être brûlé vif, rien n'est plus curieux ni plus
naïvement expressif que son attitude. Assis sur la montagne, dont il
était jusque-là le paisible possesseur, nu comme son ennemi et n'ayant
aussi qu'un lien autour de la taille, il est de plus tout à fait désarmé
contre cette irruption soudaine. Aussi se contente-t-il d'écarter ses
mains ouvertes et abaissées dans un geste d'impuissante protestation. Il
semble cependant qu'il n'ait pas cédé la place sans résistance; c'est ce
qu'indiquent plusieurs cylindres de plus petite dimension[12], dont le
Louvre possède un bon exemplaire. Au revers de la représentation
précédente, sommairement reproduite, on voit une scène de palestre où
les deux adversaires se mesurent corps à corps; mais déjà le dieu de la
montagne a fléchi le genou et la victoire du Soleil n'est pas douteuse.
Dans plusieurs variantes curieuses de la collection de Clercq,
l'agresseur saisit son ennemi par sa longue barbe; souvent encore il
tient sa masse d'armes et ne l'abandonne que vers la fin de la lutte[13].
[Note 12: Tous les cylindres ici figurés sont reproduits à la grandeur
réelle de l'exécution.]
[Note 13: Catalogue de la Collection de Clercq, pl. XIX, numéros 176,
180 et surtout 181; cf. 178. La présence des ailes de feu est significative
et devrait bien faire abandonner une fois pour toutes l'ancienne
explication des sacrifices humains par de prétendus pontifes.]
[Illustration: Fig. 4.]
Avant d'étudier la signification, d'ailleurs assez transparente, de cette
lutte épique, je voudrais faire connaître un cylindre du Louvre, qui
donne une disposition un peu différente de la scène d'agression. Le
travail soigné, minutieux, cherche à rendre jusqu'au fond rocheux du
paysage, ce qui paraît marquer une époque assez avancée dans l'art
chaldéen.
Ici la montagne, beaucoup plus développée dans ses lignes, brûle tout
entière autour du dieu, qui n'est pas seulement assis, mais adossé contre
ses hautes pentes. Bien que le Soleil n'ait pas ses ailes de feu, sans
doute à cause du champ restreint qui l'entoure, il est désigné par une
torche à triple flamme dont il menace son adversaire, en même temps
qu'il le saisit par une des cornes de sa tiare. Les ailes flamboyantes ont
passé à une déesse, peut-être Aa ou Malka, l'épouse même du
Soleil[14], tenant une couronne en signe de victoire. Les deux
lieutenants ne sont pas figurés, non plus que le démon du feu, à moins
que l'on ne reconnaisse ce dernier dans un petit personnage qui est
agenouillé derrière la montagne et semble attiser l'incendie.
[Note 14: Voir la fin de la
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