comme elle l'aimerait, l'adorerait demain, si les millions venaient �� s'��vanouir.
Et ce qui prouvait le d��sint��ressement absolu de Christine, c'est qu'elle ne songeait point �� ��pouser Raymond: femme, elle le pr��f��rait �� un rang social; artiste, elle le pr��f��rait �� son art.
--Monsieur Rajileff est l��, madame, vint annoncer une des servantes.
--Qu'il entre!
De nouveau, couch��e sur l'amas de fourrures, Christine ��loigna ses l��vriers et tendit la main au visiteur.
--Je m'ennuie, Loris.
Tr��s respectueusement, l'homme, un grand et maigre vieillard �� favoris grisatres, parla de la r��p��tition quotidienne.
--Non, je ne chanterai pas aujourd'hui, et je ne chanterai peut-��tre plus jamais, d��clara Christine qui allumait une cigarette.
--Par les Saintes-Images! C'est impossible! fit l'accompagnateur habituel de la diva.
--Loris?
--Madame?
--Est-ce que je suis aussi jolie que les Parisiennes?
--Bien plus belle! Et le Tout-Paris est unanime �� c��l��brer votre talent et votre beaut��!... Vous avez lu les journaux?
--Je m'en moque!
--Les illustr��s donnent votre portrait, et je vous signale un article du Rabelais.
--?a m'est ��gal!
--Il faut vous distraire, madame; il faut travailler. Allons, donnez-moi la joie de vous entendre.
--Pas encore, mon bon Rajileff.
Ils ��voqu��rent leur pays, les steppes immenses, les fleuves, les merveilles du Kremlin, et comme au souvenir des choses lointaines et b��nies, le calme renaissait sur le visage de la jeune Russe, on entendit vibrer le timbre de l'antichambre.
Christine ��couta et ne put r��primer l'effet d'une d��sillusion.
--Madame, dit la cam��riste en entrant, il y a l�� un monsieur qui insiste pour voir Madame. Voici sa carte.
La Stradowska lut sur le bristol: ?C��sar Houdrequin, r��dacteur au Rabelais.?
--Je ne connais pas ce monsieur; je ne re?ois pas. Sais-tu ce qu'il veut?
--Il a parl�� d'une interview.
--Les interviews, j'en ai assez!
Mais la diva r��fl��chit, et anim��e de cette id��e qu'�� force d'��clat, elle arriverait �� reconqu��rir son amant, elle pria Loris Rajileff de passer dans un salon voisin et re?ut le journaliste.
C��sar Houdrequin, jeune gommeux �� monocle, t��te brune et fris��e, avec un nez en lame de sabre et une barbiche de chasseur �� pied, s'inclinait en homme du monde.
--Madame, je vous apporte d'abord les compliments du Rabelais.
--Votre journal, monsieur, r��pondit la diva, est toujours aimable, et j'en suis bien reconnaissante... Veuillez vous asseoir.
Et pleine de bienveillance, elle offrit une cigarette orientale �� l'interviewer, qui commen?a, entre deux bouff��es:
--Ch��re madame, on a d��j�� beaucoup ��crit sur vous, sur votre talent, sur vos charmes, sur votre g��nie d'artiste; on sait les propositions qui vous sont faites chaque jour par les plus grands impressarii de l'Am��rique; on n'ignore pas votre refus hautain d'aller chanter en Allemagne: vous Russe, vous vous ��tes montr��e plus Fran?aise que bien des Fran?ais. Mais, ce n'est pas l�� le motif de notre interview. Aujourd'hui, le public a des exigences consid��rables, et je dirais que le Rabelais peut les satisfaire, si ma modestie n'y ��tait int��ress��e. Un journal bien inform�� doit �� ses lecteurs... presque des indiscr��tions. Pardonnez-moi donc, madame, et daignez me r��pondre. Est-il vrai qu'un des grands-ducs de Russie a d��jeun�� chez vous, ce matin, et que...
La Stradowska l'interrompit vivement:
--Je n'ai re?u la visite d'aucun duc, monsieur, et je ne comprends pas votre interrogation tout au moins bizarre. Je vis ici comme il me pla?t, et mon existence priv��e ne regarde personne.
--Ah! madame, ne vous fachez pas! Je vous le r��p��te, et vous le savez, le Rabelais est oblig�� par ses lecteurs...
--Tant pis pour vos lecteurs!
--Mais la visite d'un grand-duc n'a rien de blessant, au contraire, et votre c��l��brit�� va y gagner.
--Assez, monsieur.
Houdrequin murmura des paroles courtoises. Oh! il n'entendait pas abuser! Il soumettrait �� Christine son interview, avant de la livrer au journal. Vraiment, il n'y serait point gliss�� de choses galantes, et le public verrait l�� un simple hommage rendu par une imp��riale altesse �� une illustre compatriote.
--Vous m'ennuyez, monsieur! Je n'ai jamais eu de relations avec les grands-ducs.
--M��me... platoniques?
--M��me platoniques.
--Et le prince de Galles?
--Eh bien, quoi, le prince de Galles?
--Est-ce que vous n'avez pas soup�� vendredi avec Son Altesse au Pavillon Chinois?
--Jamais de la vie!
--Alors, le directeur du Rabelais va me flanquer �� la porte.
--Et pourquoi ?a?
--Parce que, sur le ragot d'un confr��re, je lui ai promis des r��v��lations russes et anglaises.
--Votre confr��re s'est amus�� de vous!
--Et il me le payera! Au revoir, madame.
--Adieu, monsieur.
Demeur��e seule, Christine appela Rajileff et furieuse de la visite du reporter, se d��tendit les nerfs, aux accords du piano, avec des roulades.
* * * * *
Vers les quatre heures, un landau, attel�� d'une magnifique paire d'orloffs, s'arr��ta devant l'h?tel de la villa Sa?d, et le capitaine de Pontaillac en descendit.
--Ah! te voil�� enfin! g��mit la Stradowska, toute ��plor��e entre les bras de Raymond.
Ils rest��rent un moment serr��s l'un contre l'autre. L'officier inventait des excuses, mais Christine lui ferma la bouche d'un baiser.
--Ne mens pas?... Tu ne m'aimes plus... Tu aimes une autre femme?...
--Je te jure...
--Ne mens pas!
Le souvenir de la marquise de Montreu lui br?lait le coeur et les
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