miroir, et devant son visage d'une irr��guli��re et fra?che beaut��, devant sa blonde et magnifique chevelure, ses yeux bleus, d'un bleu saphir, son nez gracieux, ses l��vres vermeilles et d'une chair neuve, ses jolies dents, elle sourit d'un sourire qui disait �� la fois l'orgueil de se trouver belle et le chagrin d'��tre seule �� aimer.
Au-dessus d'elle, un dais de soie vieux rose broch��e de blanches marguerites, avec des hampes d'��tendards que terminaient des gueules de dragons en bronze, lui faisait une lumi��re douce, dans la fantasmagorie des ��toffes, l'��clat des ors, des plumes et des fleurs. ?�� et l��, des palmiers, des dracoenas, des gyn��riums, des corbeilles de lilas blanc, des ��ventails de plumes d'autruche, des paons et des aigles empaill��s, des mimosas, des jasmins d'Espagne, des cam��lias, des primev��res, des rhododendrons, une orgie de roses, une sardanapale de verdure, et tout le long du temple, des peaux de b��tes jet��es, gardant des apparences vivantes de lions, de tigres, de jaguars, de buffles, de castors, de renards, de loups, d'ours, d'hy��nes et de crocodiles.
Les dressoirs d'��b��ne supportaient un nombre infini d'artistiques richesses, des curiosit��s de tous les ages et de tous les peuples: ��maux, saxes, ivoires, laques, bibelots de marbre, de serpentine, de bronze, d'argent et d'or.
En face de la monumentale chemin��e de granit, une immense voli��re aux barreaux dor��s et aux cascades versicolores, comme les fontaines lumineuses de l'Exposition, donnait asile �� un monde d'oiseaux, et sous le ruissellement des gerbes liquides et des plumages, une cassolette odorante exaltait un millier de chanteurs.
Si les panoplies vari��es remontaient au fanon de pourpre des rois francs pour se terminer au javelot des Howas, les tableaux, les marbres et les bronzes, tous les chefs-d'oeuvre des ma?tres anciens et modernes, offraient un pittoresque assemblage: les Rubens, les Benvenuto Cellini, touchaient les Carpeaux, les Falgui��re et les Meissonier; une t��te de Ribot avait �� sa droite un paysage de Guillemet; une ��tude de Puvis de Chavannes avait �� sa gauche une aquarelle de Forain, et l��-bas, sur son estrade de velours blanc, tr?nait un piano �� queue, le dernier cri d'Erard. Enfin une chasse ��tincelait de joyaux, lyres, colliers, bracelets, vases, rivi��res, ciboires, hanaps, miniatures, cam��es, palmes d'argent, fleurs de rubis, couronnes d'or,--des souvenirs de princes, de rois, d'empereurs, autant d'hommages, autant de lyriques victoires.
Maintenant, la Stradowska allait et venait, fi��vreuse, en relisant une lettre de Pontaillac, une lettre de banales excuses o�� Raymond cherchait �� justifier son absence.
--Il ment! grondait-elle... Il ment!... Il ment!...
Sa taille imposante se dressait dans un vent de col��re, et ses petits doigts claquaient, rageurs. Elle s'arr��ta pr��s d'un gu��ridon encombr�� de livres, de journaux, de partitions, de feuilles illustr��es. On voyait l�� des d��dicaces de musiciens et d'auteurs illustres, des articles ��logieux, des portraits du dernier r?le, des lettres de Gounod, de Massenet, de Saint-Sa?ns, les f��licitations enthousiastes des grands compositeurs russes, Cui, Rimsky-Korsakoff, Glazounow, Liadow, Lavroff, Beleff, une v��ritable moisson de gloire--et Christine, d��sol��e, envoya d'un coup d'escarpin, toute la moisson au diable-vauvert.
Fille d'un officier russe, orpheline ��lev��e �� Moscou, dans l'Institut-Catherine qui est pour les grandes demoiselles de l��-bas ce que sont nos maisons de la L��gion d'honneur pour les filles des l��gionnaires, Christine avait une ame d'artiste. Elle charmait directrices et compagnes de sa voix chaude et vibrante, et au sortir de l'Institut, elle courut l'Europe. Les succ��s de P��tersbourg, de Milan, de Vienne et de Londres l'appelaient en France, et ce fut apr��s un m��morable triomphe �� l'Op��ra, que le brillant capitaine lui dit les premiers mots d'amour.
Elle aimait Raymond: elle l'aimait de toute sa jeunesse, de tout son sang; elle s'��tait livr��e tout enti��re, et elle le voulait tout entier. Ses autres amants--les amours de passage--elle les oubliait, rajeunie d'une foi nouvelle.
Pourquoi l'abandonnait-il? D'abord, elle attribua la cause des nervosit��s du jeune officier �� la sinistre liqueur dont elle cherchait vainement �� interdire l'usage, mais, l'autre soir, en voyant Raymond dans la loge de Mme de Montreu, la Stradowska eut la pens��e d'une rivale. Tandis que sur la sc��ne, elle jouait pour lui, indiff��rente aux bravos et au feu des jumelles, Pontaillac se tenait �� la droite de la marquise Blanche, et il ne regardait Christine que lorsque le marquis Olivier regardait Madame. Lui, si ��l��gant, il prenait l��-haut des allures de coll��gien, et la diva le vit trembler et rougir, quand le marquis aida sa femme �� mettre une sortie de bal.
La trahison ��tait-elle accomplie ou seulement en voie d'esp��rance? Christine l'ignorait encore. Que pouvait-il reprocher �� sa fid��le ma?tresse? Est-ce qu'elle lui co?tait trop d'argent? Non, car outre que l'engagement �� l'Op��ra et les honoraires des soir��es mondaines assuraient le train de l'h?tel, la diva poss��dait quelques rentes. Pontaillac la comblait de fleurs et de bijoux, et si elle faisait mine de refuser, il se fachait. Elle l'aimait, l'adorait, millionnaire,
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