Mon amie Nane | Page 8

Paul Jean Toulet
Mais son front se plisse.
--Quel monte-en-bas, dit-elle tout �� coup, que ce Jacques. Vous savez qu'il m'a lach��e. Monsieur ��pouse un sac.
--C'est pour la rime, sans doute.
A ce moment la porte s'ouvre (ne donnez jamais votre clef �� une femme) et Noctiluce entre en temp��te. D��j�� je flaire une sc��ne; mais les choses tournent plus heureusement.
--Vous me trompez tous les deux, dit-elle de son rire blanc (et, retenant les poignets de Nane dans une seule de ses mains vigoureuses, de l'autre elle feint de la battre), voil��, voil�� pour vous.
--Mais d'Iscamps devait venir, dis-je, et nous l'attendions.
--Les pieds sous la table.
--Mais non, en causant de son mariage.
--C'est vrai, donc, cette affaire-l��?
--Oui, ma ch��re, avec la fille �� Blokh-Rosenbuisson.
--Ah! le vieux Refiens-y.
--Pourquoi Refiens-y?
--Il para?t que c'est ?a qu'il dit, cet homme, pendant le temps. C'est une amie qui m'a racont��, qui avait ��t�� �� son cin��matographe: vous savez qu'il en a un, avec des tableaux obsc��nes, des choses qui se passent �� Naples. Alors il y m��ne des petites femmes, une �� une; il se figure que ce sera meilleur march��, pour l'excitation. Le comble est que son concierge le montre pour de l'argent pendant ses absences.
--Est-ce qu'ils partagent, au retour?
--Je ne sais pas. Et quant �� sa fille, elle est belle. Je l'ai vue �� l'Hippique: elle avait une jupe grise l��g��re, avec un transparent rose vif. Partout o�� ?a plaquait, on aurait jur�� la peau: c'��tait rafra?chissant, comme, ces past��ques, vous savez, qu'on vend dans les rouges rues de Delhi.
--Je ne sais pas. Et votre s��ance?
--Ne m'en parlez pas; je commence �� croire que dans votre pays tout est chiqu��; et j'avais vu aussi bien �� M��nilmontant. A peine s'il y a eu un peu d'��motion, une fois ou deux.
--Quoi donc? demande Nane.
Noctiluce le lui explique, �� mi-voix: Nane semble int��ress��e; sa langue pointe entre ses l��vres, deux ou trois fois, et, l'histoire finie:
--Ah! dit-elle tendrement, quelle horreur!
--Mais je vous laisse, reprend Noctiluce. Vous attendrez bien M. d'Iscamps sans moi. Non, ne me retenez pas: rendez-vous pressant. Vous, je vous laisse votre clef, en cas que Nane saigne du nez.
Sur cette d��testable plaisanterie, elle se sauve, sans rien vouloir entendre, me laissant en proie aux m��mes devoirs que tout �� l'heure. Le soir, rouge maintenant, entre par les fen��tres, et brouille, de ses reflets fantasques, l'aspect de toutes choses: c'est une heure sinistre.
Et je reprends mon poste de combat, sur le divan.
--Il va faire nuit tant?t, dit Nane.
--C'est le demi-jour propice aux doux larcins, dont on vous a sans doute d��j�� parl��. Non, ne me repoussez pas les mains, elles reviendraient.
Mais elle n'oppose plus qu'une faible r��sistance: elle calcule peut-��tre que d'ici l'heure du d?ner il reste peu de temps �� perdre.
--Est-ce que vous avez mis le verrou? demande-t-elle.

Ma flamme vient d'��tre couronn��e: ces choses-l�� ne vont pas sans qu'elle en soit d'abord sinon ��teinte, au moins affaiblie. Nane elle-m��me, parmi de nombreux coussins, semble appartenir tout enti��re �� ses pens��es, et un grand silence p��se sur nous de toute part.
--Je voudrais, dit-elle tout �� coup, que Jacques nous voie comme cela.
Mais Jacques ne nous verrait pas (et il vaut autant), car il fait maintenant presque nuit noire. Et tout en allumant les lampes je songe, non sans quelque regret, au cercle, o�� l'on se nourrit si bien entre hommes; et qu'il va falloir d?ner en cabinet avec Nane, et le gar?on, comme compagnie, de temps en temps.

III
L'ap��ritif chez la Marquise
?Patribus cum plebe connubii nec esto. > (Leg. XII Tab.)
Les mariages mixtes ne sont pas tous des unions mod��les.
Ce ne fut pas un mariage d'inclination, que fit Jacques d'Iscamps. Il approchait de la trentaine, sans avoir pu d��cider encore, des tripots ou des hippodromes, o�� il est le plus ais�� de perdre son argent. Du moins en avait-il avec ardeur embrass�� l'occasion sur toutes les plaines vertes qui s'��taient offertes �� ses yeux, pour ne rien dire de quelques-unes de ses contemporaines o�� il s'��tait plu co?teusement. Aujourd'hui, il songeait, la bouche am��re, qu'enfin il ��tait �� la c?te lui aussi: c?te facheuse o�� tant de ses amis avaient d��j�� fait naufrage, c?te inhospitali��re o��, parmi le roc, sous des huttes enfum��es, rampent et se nourrissent huileusement de poisson des g��rants de cercles, quelques notaires coriaces, et la puante tribu des fournisseurs au sourire mince.
L'id��e du mariage flottait autour de Jacques: ?Je ne puis pourtant plus taper maman?, pensait-il; de fait, la marquise d'Iscamps ��tait bien capable de se ruiner toute seule et sans qu'on l'y aidat. Jusqu'ici le monceau de sa fortune avait r��sist��; mais il semblait enfin qu'il s'entamat secr��tement, et l'on y pouvait deviner des l��zardes comme dans ces blocs de glace, au d��gel, qui frissonnent �� la base longtemps avant de s'abymer dans les eaux.
Mais des embarras o�� elle s'��tait trouv��e sans doute, ayant depuis
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