Moeurs et coutumes des Français dans les différents temps de la monarchie | Page 4

Tacitus
chez les peuples qui aiment trop le faste, la magnificence, la
bonne chère et les amusements de tout genre, parce qu'ils emploient
toute leur industrie à se procurer ces biens factices, dont la privation les
rendrait malheureux. Or, pour parvenir à ce but, on a toujours recours
aux moyens les plus prompts et les plus faciles, sans s'inquiéter de
savoir s'ils sont légitimes ou non. C'est pour cela qu'on voit aujourd'hui
tant d'artifices ouverts ou cachés, tant de fraudes, de parjures et de
mauvaise foi.
L'article du luxe nous conduit naturellement à ce qui regarde les
femmes. Le sexe était en grande considération chez les Germains. On
dit que des armées entières, près d'être défaites, furent soutenues par les
femmes, qui venaient se présenter aux coups et à une captivité certaine;
ce que leurs maris appréhendaient encore plus pour elles que pour
eux-mêmes. Lorsqu'il s'agissait de recevoir des otages, les Germains
demandaient surtout des filles de familles distinguées, et les regardaient
comme le plus sûr garant des conventions. Ils croyaient même que le
sexe avait quelque chose de divin, et ses avis ou ses conseils étaient
écoutés. Il y eut même plusieurs femmes regardées par ces peuples
comme des divinités ou des prophétesses, et cela d'après une véritable
conviction, et non par flatterie.
Mais, malgré l'extrême respect qu'ils avaient généralement pour le sexe,

ils punissaient sévèrement les femmes qu'ils surprenaient en adultère.
On commençait par leur raser la tête, on les dépouillait ensuite en
présence de leur famille, et on les conduisait par tout le pays à coups de
bâton.
Les Germains, dans toutes les actions et les circonstances de la vie
civile, marquaient le même goût pour la modestie et les bonnes moeurs.
Il n'était pas permis aux jeunes gens de communiquer de trop bonne
heure ensemble. On ne mariait les filles que dans la force de l'âge, pour
qu'elles fussent plus en état de supporter les travaux, les peines et les
fatigues du ménage. Quant au mariage, les Germains, dans le choix
d'une épouse, ne suivaient que les penchants de leur coeur, et les
femmes n'apportaient point de dot à leurs époux. Nous ne savons pas si
les Gaulois étaient aussi désintéressés; mais parmi nous, c'est presque
toujours l'intérêt qui préside aux mariages. On associe la plupart du
temps deux personnes, parce qu'il existe entre elles égalité de biens et
de naissance; mais la figure, le caractère, l'esprit, sont comptés à peu
près pour rien.
Du temps de Tacite, les Germains étaient plongés dans les ténèbres de
l'idolâtrie; ils adoraient principalement Mercure, et dans certains
sacrifices ils immolaient des victimes humaines. Ces peuples avaient
aussi une grande foi aux augures, et n'entreprenaient rien sans avoir
consulté le vol des oiseaux ou le hennissement des chevaux. Lorsqu'il
s'agissait de faire la guerre, un de leurs soldats se battait contre un des
prisonniers ennemis, et par ce combat particulier on jugeait du succès
de l'entreprise.
Les prêtres avaient beaucoup d'autorité chez les Gaulois, ainsi que chez
leurs voisins; on trouve parmi les premiers à peu près les mêmes dieux,
et quelques-unes des cérémonies religieuses qui s'observaient chez les
Germains. Le christianisme abolit entièrement ce faux culte et les
autres restes du paganisme. Il fit surtout d'heureux progrès sous nos
premiers rois; mais les peuples, quoique chrétiens, conservèrent
longtemps des restes de leur ancienne barbarie. Clovis lui-même laisse
échapper de temps en temps des traits de cruauté qui font frémir. Si les
Français ne consultaient plus, comme autrefois, les devins et les

entrailles des animaux, il régnait encore parmi eux beaucoup de
superstitions absurdes. Telles sont les preuves prétendues juridiques qui
se faisaient par le fer, par le feu, par l'eau, par le duel.
Les Germains, dans les assemblées générales de la nation, étaient
accroupis par terre, ayant leurs genoux près de leurs oreilles;
quelquefois ils étaient couchés sur le dos ou sur le ventre, et dans ces
bizarres postures ils réglaient les affaires d'État avec autant de gravité
que les sénateurs romains. Les sauvages de l'Amérique et ceux de
l'Afrique tiennent leurs assemblées dans les mêmes postures, qui
paraissent avoir été habituelles à toutes les nations, dans les premiers
temps où elles se sont rassemblées en société après la dispersion
générale. Les phases de la lune réglaient les temps des assemblées
ordinaires; elles se tenaient communément à la pleine lune, et
quelquefois à la nouvelle. Les affaires de peu d'importance étaient
décidées sommairement par les principaux du pays; mais il fallait le
concours de toute la nation pour celles qui étaient plus graves. Le
peuple était juge en certaines matières, et il rendait la justice dans un
conseil général de la nation.
Les assemblées des Français, dont parle l'abbé Le Gendre, avaient
quelque chose de plus imposant, elles sont aussi d'un temps bien plus
moderne. On les tenait en rase campagne, les
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