égalaient presque en rapidité ceux de
la cavalerie. Lorsqu'il n'y avait point de guerre chez eux, la noblesse
allait chercher ailleurs l'occasion de se signaler. Ils étaient obligés de
prendre ce parti; car un peuple qui négligeait la culture des terres ne
pouvait se soutenir que par le brigandage. Les Germains abandonnaient
le soin de l'agriculture aux femmes, aux vieillards et aux infirmes; en
temps de paix, la jeunesse passait ses jours dans l'inaction. «C'est une
chose tout à fait surprenante, dit Tacite, que ces mêmes hommes qui ne
peuvent vivre en repos aiment tant l'oisiveté.» On voit ici plusieurs
traits qui peuvent convenir aux anciens habitants de la France.
C'était la bravoure, et non l'argent, qui faisait anciennement parvenir
aux premiers emplois de l'armée. On n'achetait point l'honneur de se
sacrifier pour la patrie; mais la soif du pillage mettait les armes à la
main de la plupart des soldats; car tout le butin qu'ils faisaient était pour
eux: on sait ce qui arriva au sujet du vase de Soissons. On suit
aujourd'hui le parti des armes par des motifs plus nobles: l'honneur,
l'amour de la gloire, le service de l'État et celui du prince, font encore
des héros parmi les Français; mais l'oisiveté de la noblesse en temps de
paix n'a que trop de conformité avec celle des Germains.
Un autre trait de ressemblance qui se trouve entre nous et les anciens
Germains, c'est que les guerres générales de la nation n'empêchaient
point les combats particuliers. Chez eux, chacun prenait parti et
s'engageait dans les querelles selon les liaisons des familles; mais les
haines n'étaient pas immortelles: les torts mêmes et les injures se
réparaient par des amendes. Convenons, à la honte de nos moeurs, que
nous poussons quelquefois plus loin la vengeance; mais aussi félicitons
notre siècle de s'être bien corrigé de la folie des duels.
Tacite rapporte que les femmes de la Germanie suivaient leurs maris à
la guerre. Il ne dit pas s'il entrait dans cette pratique, qui a été aussi
celle des premiers Gaulois, d'autre raison que l'usage; mais aujourd'hui
nos dames françaises, infiniment plus délicates, ne supporteraient pas le
plus court voyage, et nos moeurs sur ce point ne sauraient souffrir la
moindre comparaison avec celles de ces peuples. D'ailleurs une
meilleure discipline a banni presque partout des armées cet attirail si
contraire au bon ordre et aux opérations de la guerre. Cependant, sans
que les femmes s'en mêlent, malgré les règlements les plus sévères,
malgré les lois les plus sages, la mollesse semble s'introduire de plus en
plus dans nos armées; un officier riche ne pense qu'à se procurer au
milieu d'un camp toutes les commodités et tous les plaisirs de la vie
oisive. Bonne table, excellents vins, domestiques nombreux et
magnifiques équipages, aucune recherche ne lui manque. On n'y est pas
même privé de spectacles, et l'on a vu dans les guerres de Flandres, à la
suite de nos armées, des troupes de comédiens et de courtisanes. Cette
condescendance des commandants est pourtant bien dangereuse,
puisque c'est par là que les peuples les plus belliqueux ont
insensiblement dégénéré de leur valeur et se sont abâtardis. Les délices
de Capoue ruinèrent l'armée d'Annibal; et les Carthaginois, après tant
de victoires éclatantes, furent ensevelis sous les ruines de leur
république. L'histoire est remplie de pareils exemples, qui doivent faire
trembler les nations les plus distinguées par leur courage. Dans la
guerre qu'Alexandre fit à Darius, le roi de Perse lève des troupes
innombrables et marche à leur tête avec son harem; les femmes dans
cette armée égalaient presque le nombre des combattants. L'armée
macédonienne, qui ne faisait qu'une poignée d'hommes en comparaison
de celle des Perses, n'était composée que de soldats, et Alexandre fut
vainqueur. Tant que les Romains vécurent dans la pauvreté, rien ne put
résister à leurs armes. Le luxe, la mollesse, le goût des plaisirs
s'introduisent chez ces fiers conquérants; ils sont assujettis à leur tour,
et l'univers est vengé.
..........Sævior armis Luxuria incubuit, victumque utciscitur orbem.
Les Germains faisaient peu de cas des richesses, et leur pauvreté fit leur
force. On sait bien qu'il ne faut pas toujours regarder comme une vertu
le mépris que certains peuples barbares ou sauvages ont pour l'or et
l'argent; telle nation n'est souvent bornée aux seuls besoins de la vie
que parce que son indigence lui laisse ignorer ce qui peut en faire les
douceurs. Heureuse ignorance, qui produit les mêmes effets que la
vertu! car enfin il faut convenir que l'amour excessif des richesses est
très-préjudiciable aux moeurs. L'indifférence des Germains pour l'or et
l'argent, et en général pour les richesses, fait dire à Tacite qu'ils avaient
une bonne foi et une fidélité à toute épreuve dans leurs affaires. La
candeur, que ce judicieux historien met à si haut prix, est très-rare en
effet
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.