Moeurs et coutumes des Français dans les différents temps de la monarchie | Page 5

Tacitus
premiers jours de mars et
de mai; les évêques, les abbés, les ducs et les comtes y assistaient.
C'était là qu'on faisait le procès aux personnes de distinction; qu'on
délibérait sur la guerre et sur la paix; qu'on donnait des tuteurs aux
enfants du souverain; qu'on établissait de nouvelles lois; qu'on
partageait les États et les trésors du roi mort, lorsqu'il n'avait pas
pourvu lui-même à sa succession, et que le jour était fixé pour la
proclamation du nouveau roi. Enfin c'était dans ces diètes, ou
assemblées générales, qu'on réglait tout ce qui avait rapport au
gouvernement.
Ce ne fut que plus de trois cents ans après Hugues Capet, qu'on connut
en France ce que nous appelons formalités de justice. Dans les premiers
temps de la monarchie, les particuliers étaient jugés par des personnes
de leur profession: le clergé par les ecclésiastiques, la milice par les

guerriers, la noblesse par les gentilshommes; cet usage d'être jugés par
ses pairs, par des hommes de même état que soi, s'est conservé jusqu'à
présent en Angleterre, et la justice n'en est pas plus mal administrée.
Ainsi les affaires ne traînaient pas en longueur comme aujourd'hui; on
n'avait pas encore trouvé le secret d'embrouiller les choses les plus
claires par les coupables subtilités d'une chicane ruineuse. La seule
juridiction des évêques s'étendait à la plus grande partie des affaires.
Cet ordre jouissait parmi nous d'une autorité presque sans bornes, soit
par respect pour leur caractère, soit par l'opinion qu'on avait de leur
capacité et de leurs vertus. De là cette extension d'autorité, qui depuis a
été restreinte dans ses limites naturelles.
Tous les crimes, à l'exception des cas de lèse-majesté, n'étaient punis
que par des amendes pécuniaires. Les Français étaient moins sévères
dans les premiers temps de la monarchie, qu'ils le sont devenus, à punir
les crimes qui intéressent la société. Les Germains, au contraire,
pendaient les traîtres et les déserteurs; ils plongeaient les fainéants de
profession dans la bourbe d'un marais, et les y laissaient expirer.
Dans tous les divertissements des Germains, on voyait la simplicité, ou
plutôt la rusticité de leurs moeurs. Ils n'avaient qu'une sorte de
spectacle: leurs jeunes gens sautaient tout nus entre des pointes d'épées
et de javelots[1]. Ceux qui montraient le plus d'adresse dans cet
exercice étaient fort applaudis: c'était leur unique récompense. Les
Français, par leur fréquentation avec les Romains, qui étaient
passionnés pour les spectacles, avaient contracté le même goût, et
voyaient avec beaucoup de satisfaction les plaisantins, les jongleurs et
les pantomimes. On sait jusqu'à quel degré de perfection les derniers
avaient porté leur art; les plaisantins étaient des bouffons qui débitaient
des contes ou des facéties, et les jongleurs jouaient de la vielle. Notre
passion pour les spectacles, qui s'est manifestée de bonne heure, n'en a
point hâté les progrès. Ils ont été lents à se former; ce n'est qu'après
bien des tâtonnements que nous avons eu un théâtre, et il y a bien loin
des mystères aux chefs-d'oeuvre tragiques et comiques qui font
l'honneur de la scène française.
[Note 1: Les Suisses en ont conservé quelque chose: leur danse aux

épées rappelle cet usage.]
Les Francs, peuple tout guerrier, qui ne respirait que les armes,
négligeaient entièrement les lettres; et les anciens peuples de la Gaule
étaient plongés comme eux dans une profonde ignorance. Mais, par
quelques monuments qui subsistent encore, on voit que, dès le siècle
même qui précéda nos premiers rois, les langues savantes n'étaient pas
tout à fait inconnues aux Gaulois; et sans doute les relations de ce
peuple avec les Romains lui procurèrent des connaissances qui n'étaient
point parvenues jusqu'en Germanie. En effet, il y eut peu de temps
après des académies à Marseille, à Toulouse, à Bordeaux, à Autun, etc.;
mais ces établissements furent détruits au commencement du Ve siècle,
par l'inondation des barbares qui vinrent fondre dans les Gaules. Ce ne
fut que sous Charlemagne que les sciences commencèrent à refleurir;
toutefois elles ne jetèrent pas un grand éclat jusqu'au règne de François
Ier; ce n'était que l'aurore d'un beau jour. Il était réservé à Louis XIV de
porter la littérature et les arts à leur plus brillante époque. Depuis ce
siècle heureux, qu'on distingue comme ceux d'Alexandre et d'Auguste,
nos moeurs se sont de plus en plus éloignées de celles des anciens
Germains, dont nous tirons en partie notre origine, et de celles des
peuples de la Gaule, dont nous descendons plus directement.

DES MOEURS DES GERMAINS
PAR TACITE.
I. La Germanie, depuis les Gaules, le pays des Grisons et la Hongrie,
est renfermée entre le Rhin et le Danube. Du côté des Daces et des
Sarmates, elle est bornée par des montagnes et par des nations
très-belliqueuses. L'océan y forme de grands golfes et des îles
immenses, dans lesquelles on a découvert, par la voie des
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