Micah Clarke - Tome III | Page 5

Arthur Conan Doyle
nous trouvâmes sur la route assez tôt pour voir
l'escadron disparaître dans le lointain et nous trouver face à face avec
l'officier isolé.
C'était un homme brûlé par le soleil, aux traits fortement marqués, aux
moustaches noires.
Il montait un grand cheval osseux, de robe châtain.
À notre apparition sur la route, il fit halte pour nous examiner de près.
Puis s'étant convaincu de nos intentions hostiles, il dégaina son épée,

tira de son arçon un pistolet, avec la main gauche, puis mettant la bride
entre ses dents, il planta ses éperons dans les flancs de son cheval, et se
lança sur nous à fond de train.
Comme nous nous élancions sur lui, Ruben à sa gauche, et moi à droite,
il me lança un violent coup de sabre, et en même temps fit feu sur mon
camarade.
La balle effleura la joue de Ruben, laissant sur son passage une ligne
rouge semblable à celle qu'aurait produite un coup de fouet, en même
temps que la poudre lui noircissait la figure.
Mais le coup de sabre ne m'atteignit pas.
Au moment où nos chevaux se touchaient presque dans leur course, je
l'arrachai de sa selle et l'attirai en travers de la mienne, la figure en
haut.
Le brave Covenant partit un peu ralenti par son double fardeau, et avant
que les Gardes se fussent aperçus qu'ils avaient perdu leur officier, nous
avions amené celui-ci, malgré, ses efforts et ses mouvements
désespérés jusqu'en vue du camp de Monmouth.
--Il m'a rasé de près, l'ami, dit Ruben en portant la main à sa joue; il m'a
tatoué la figure avec de la poudre, si bien qu'on va me prendre pour le
frère cadet de Salomon Sprent.
--Grâce à Dieu, vous n'avez pas de mal, dis-je. Regardez, voici notre
cavalerie qui s'avance sur le haut de la route. Lord Grey est à sa tête. Ce
que nous avons de mieux à faire, c'est d'amener notre prisonnier au
camp, puisque nous ne servons à rien ici.
--Au nom du Christ, s'écria celui-ci, tuez-moi ou mettez-moi à terre, je
ne saurais souffrir d'être porté de cette façon comme un enfant à moitié
sevré, à travers tout votre campement de rustauds qui ricanent.
--Je ne veux nullement me divertir aux dépens d'un brave, répondis-je.
Si vous consentez à donner votre parole de rester avec nous, vous

marcherez entre nous.
--Volontiers, dit-il en se laissant glisser à terre et rajustant son uniforme
froissé. Par ma foi, messieurs, vous m'aurez appris à ne point faire fi de
mes ennemis. Je serais resté auprès de mon escadron, si j'avais cru à la
possibilité de rencontrer des avant-postes ou des vedettes.
--Nous étions sur la hauteur, avant de vous avoir coupé, dit Ruben. Si
cette balle de pistolet était allée plus droit, c'est plutôt moi qui aurais
été coupé. Diable! Micah! Il n'y a qu'un instant je grognais parce que
j'avais maigri, mais si j'avais eu la joue aussi ronde que jadis, le
morceau de plomb l'aurait traversée.
--Où vous ai-je déjà vus? demanda notre prisonnier, en fixant sur moi
ses yeux noirs. Ah! oui, j'y suis, c'était à l'hôtellerie de Salisbury, où
notre écervelé de camarade, Horsford, a dégainé contre un vieux soldat
qui était avec vous. Pour moi, je me nomme Ogilvy... Major Ogilvy,
des Horseguards bleus. J'ai été vraiment enchanté d'apprendre que vous
aviez échappé aux mâtins. Après votre départ, quelques mots ont fait
entrevoir votre véritable destination, et un ou deux faiseurs d'embarras,
en qui le zèle étouffe l'humanité, ont lancé les chiens sur votre piste.
--Je me souviens bien de vous, répondis-je. Vous allez trouver au camp
le colonel Décimus Saxon, mon ancien compagnon. Sans doute vous
serez bientôt échangé contre quelqu'un de nos prisonniers.
--Il est bien plus probable que je serai égorgé, dit-il en souriant. Je
crains que Feversham, dans ses dispositions présentes, ne s'arrête guère
à faire des prisonniers et Monmouth sera peut-être tenté de le payer de
la même monnaie. Après tout, c'est la fortune de la guerre et je dois
expier mon défaut de prudence militaire. À dire vrai, j'avais à ce
moment là l'esprit bien loin des batailles et des embuscades, car il errait
dans la direction de l'eau régale et de son action sur les métaux,
jusqu'au moment où votre apparition m'a rappelé à l'état militaire.
--La cavalerie est hors de vue, dit Ruben, en jetant un coup d'oeil
derrière lui, la nôtre aussi bien que la leur. Mais je vois un groupe
d'hommes, là-bas, de l'autre côté de l'Avon, et ici, sur le flanc de la

hauteur, n'apercevez-vous pas le reflet de l'acier?
--Il y a là de l'infanterie, dis-je, en fermant à demi les yeux. Il me
semble que je peux distinguer quatre ou cinq régiments et autant
d'étendards de cavalerie. Il faut informer de cela, sans aucun retard,
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