le
Roi Monmouth.
--Il est au fait, dit Ruben. Le voici là-bas, sous les arbres, entouré du
conseil. Voyez, l'un d'eux arrive à cheval de ce côté-ci.
En effet, un cavalier s'était détaché du groupe et galopait vers nous.
--Monsieur, dit-il, en saluant, si vous êtes le Capitaine Clarke, le roi
vous ordonne de vous rendre au Conseil.
--Alors, m'écriai-je, je laisse le major sous votre garde, Ruben. Veillez
à ce qu'il soit aussi bien que le comportent nos ressources.
Sur ces mots, j'éperonnai mon cheval et je rejoignis bientôt le groupe
formé autour du Roi.
Il y avait là Grey, Wade, Buyse, Ferguson, Saxon, Hollis, et une
vingtaine d'autres.
Tous avaient l'air très grave et examinaient la vallée à l'aide de leurs
longues-vues.
Monmouth lui-même avait mis pied à terre et était adossé au tronc d'un
arbre, les bras croisés sur sa poitrine, et le plus profond désespoir était
peint sur sa figure.
Derrière l'arbre, un laquais allait et venait, promenant son cheval noir à
la robe lustrée, qui faisait des gambades, agitait sa magnifique crinière,
comme un vrai roi de la race chevaline.
--Vous le voyez, mes amis, dit Monmouth, promenant tour à tour sur
les chefs ses yeux éteints, il semblerait que la Providence soit contre
nous. Nous avons sans cesse aux talons quelque nouvelle mésaventure.
--Ce n'est pas la Providence, Sire. C'est notre propre négligence, s'écria
hardiment Saxon. Si nous avions marchés sur Bristol hier soir, nous
serions à l'heure actuelle du bon côté des remparts.
--Mais nous ne nous doutions pas que l'infanterie ennemie était si
proche, s'écria Wade.
--Je vous ai dit ce qui en résulterait et le colonel Buyse l'a dit également,
ainsi que le digne Maire de Taunton, répondit Saxon. Mais je n'ai rien à
gagner en pleurant sur une cruche cassée. Nous devons même faire de
notre mieux pour la raccommoder.
--Avançons sur Bristol et mettons notre confiance dans le Très-Haut,
dit Ferguson. Si c'est sa puissante volonté que nous la prenions, eh bien
nous y entrerons, quand même fauconneaux et sacres seraient aussi
nombreux que les pavés des rues.
--Oui, oui, en route pour Bristol! Dieu avec nous! crièrent avec ardeur
plusieurs Puritains.
--Mais c'est folie, sottise, le comble de la sottise! dit Buyse, éclatant
avec violence. Vous avez l'occasion et vous ne voulez pas la saisir.
Maintenant l'occasion est partie et vous voilà tous pressés de partir. Il y
a là une armée forte, autant que je puis en juger, de cinq mille hommes
sur la rive droite de la rivière. Nous sommes du mauvais côté et
cependant vous parlez de la passer et d'assiéger Bristol sans pièces de
siège, sans bêches, et avec ces forces sur nos derrières. La ville se
rendra-t-elle, alors qu'elle peut voir du haut de ses remparts
l'avant-garde de l'armée qui vient à son secours? Est-ce que cela nous
aidera à combattre l'ennemi, que de le faire dans le voisinage d'une
place forte, d'où la cavalerie et l'infanterie peuvent sortir pour faire une
attaque sur notre flanc? Je le répète, c'est de la folie.
Ce que disait le guerrier allemand était d'une vérité si évidente que les
fanatiques eux-mêmes furent réduits au silence.
Au loin dans l'est, de longues lignes d'acier brillaient, et les taches
rouges, qu'on voyait sur les hauteurs vertes, étaient des arguments que
les plus téméraires ne pouvaient dédaigner.
--Alors que conseillez-vous? demanda Monmouth en frappant avec
impatience de la cravache ornée de pierres précieuses sur ses bottes de
cheval.
--De passer la rivière et de les prendre corps à corps avant qu'ils aient
pu recevoir des secours de la ville, dit le gros Allemand d'un ton bourru.
Je ne peux pas comprendre pourquoi nous sommes ici, si ce n'est pour
nous battre. Si nous gagnons la partie, la ville tombera forcément. Si
nous la perdons, nous aurons toujours tenté un coup hardi et nous ne
pouvons faire davantage.
--Est-ce aussi votre opinion, Colonel Saxon? demanda le Roi.
--Certainement, Sire, si nous pouvons livrer bataille avantageusement.
Mais nous ne pouvons guère le faire en traversant la rivière, sur un seul
pont étroit en face d'une armée aussi forte. Je suis d'avis de détruire le
pont de Keynsham et de descendre la rive du sud pour imposer la
bataille dans une position que nous pourrons choisir.
--Nous n'avons pas encore sommé Bath, dit Wade. Faisons ce que
propose le Colonel Saxon, et en attendant, marchons dans cette
direction et envoyons un trompette au gouverneur.
--Il y a encore un autre plan, dit Sir Stephen Timewell, c'est de marcher
rapidement sur Gloucester, d'y passer la Severn, et alors de traverser le
comté de Worcester pour se rendre dans le Shropshire et le Cheshire.
Votre Majesté a bien des partisans dans ce pays-là!
Monmouth allait et venait la main sur son front, de l'air d'un homme
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.