Micah Clarke - Tome II | Page 7

Arthur Conan Doyle

comme moi, les uns et les autres, des ouvriers dans le même champ, et
nous buvons aux mêmes sources de vie. Ainsi donc je prierai avec vous,

je prêcherai avec vous, je vous donnerai des éclaircissements, je ferai
tout ce qui peut convenir à un frère de pèlerinage sur la route fatigante.
Mais écoutez bien, amis, quand nous sommes sous les armes, et qu'il y
a de bonne besogne à faire, en marche, ou sur le champ de bataille, ou à
la revue, que votre tenue soit régulière, militaire, scrupuleuse. Soyez
vifs à entendre, alertes à obéir, car je ne veux pas de flemmards, ni de
traînards, et s'il s'en trouvait, je leur ferais sentir le poids de ma main.
Oui, j'irai même jusqu'à les supprimer. Je vous le déclare, il n'y aura
point de pitié pour des gens de cette sorte.
Sur ces mots il s'arrêta, promena ses regards sur sa troupe d'un air
sévère, ses paupières très baissées sur ses yeux brillants et mobiles.
--Si donc, reprit-il, un homme se trouvait parmi vous qui redoute de se
soumettre à une discipline rigoureuse, qu'il sorte des rangs, et qu'il se
mette en quête d'un chef plus indulgent car je vous le dis, tant que je
commanderai ce corps, le régiment d'infanterie de Wiltshire, qui a pour
chef Saxon, sera digne de faire ses preuves en cette cause sainte et si
propre à élever les âmes.
Le colonel se tut et resta immobile sur sa jument.
Les paysans, formés en longue ligne levèrent les yeux, les uns d'un air
balourd, les autres d'un air d'admiration, certains avec une expression
de crainte devant ses traits sévères, osseux, et son regard plein de
menaces.
Mais personne ne bougea.
Il reprit:
--L'honorable Maître Timewell, Maire de cette belle ville de Taunton,
laquelle a été une tour de force pour les fidèles pendant ces longues
années pleines d'épreuves pour l'esprit, se dispose à nous passer en
revue, quand les autres corps se seront réunis. Ainsi donc, capitaines, à
vos commandements... Là, les mousquetaires! Formez les rangs, avec
trois pas d'intervalle entre chaque ligne. Faucheurs, prenez place sur la
gauche; que les sous-officiers se postent sur les flancs et en arrière.

Comme cela! Voilà qui est bien manoeuvré pour un premier essai,
quoiqu'un bon adjudant avec sa trique, à la façon impériale, puisse
trouver encore ici pas mal de besogne.
Pendant que nous étions occupés ainsi à nous organiser d'une manière
rapide et sérieuse un régiment, d'autres corps de paysans, plus ou moins
disciplinés, s'étaient rendus sur la Place du Marché et y avaient pris
position.
Ceux de notre droite étaient venus de Frome et de Radstock, dans le
nord du comté de Somerset.
C'était une simple cohue dont les armes consistaient en fléaux, maillets,
et autres outils de ce genre, et sans autres signes de ralliement que des
branches vertes fixées dans les rubans de leurs chapeaux.
Le corps, qui se trouvait à notre gauche, portait un drapeau indiquant
qu'il se composait d'hommes du comté de Dorset.
Ils étaient moins nombreux, mais mieux équipés, car leur premier rang
tout entier était comme le nôtre, armé de mousquets.
Pendant ce temps, les bons bourgeois de Taunton, leurs femmes et leurs
filles, s'étaient groupés sur les balcons et aux fenêtres qui avaient vue
sur la place du Marché, et d'où ils pouvaient assister au défilé.
Ces graves bourgeois, aux barbes taillées en carré, aux vêtements de
drap, avec leurs imposantes moitiés en velours et taffetas à triple poil,
regardaient du haut de leurs observatoires, tandis que çà et là
s'entrevoyait sous la coiffe puritaine une jolie figure timide et très
propre à confirmer la renommée de Taunton, ville aussi célèbre par la
beauté de ses femmes que pour les prouesses de ses hommes.
Les côtés de la place étaient occupés par la masse compacte des gens
du peuple, vieux tisseurs de laine à la barbe blanche, matrones aux
faces revêches, villageoises avec leurs châles posés sur la tête, essaims
d'enfants, qui de leurs voix aiguës acclamaient le Roi Monmouth et la
succession protestante.

--Sur ma foi, dit Sir Gervas, en faisant reculer son cheval jusqu'à ce
qu'il se trouvât sur la même ligne que moi, nos amis aux bottes carrées
ne devraient pas être si pressés d'aller au ciel, alors qu'ils ont parmi eux,
sur terre, des anges en si grand nombre. Par le Corps Dieu! ne
sont-elles pas belles! Et à elles toutes, elles n'ont pas une mouche, pas
un diamant, et pourtant que ne donneraient pas vos belles fanées du
Mail ou de la Piazza pour avoir leur innocence et leur fraîcheur?
--Je vous en prie, au nom du ciel, ne leur envoyez pas de ces sourires et
de ces saluts, dis-je. Ces politesses sont de mise à Londres, mais elles
seraient entendues de travers parmi ces
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