Maria Chapdelaine | Page 6

Louis Hamon
r��solus sous son casque de fourrure.
--Charles-Eug��ne, marche! Marche donc! cria-t-il de sa grande voix rude.
Le vieux cheval planta dans la neige semi-liquide les crampons de ses sabots et s'en alla vers la rive par bonds, avec de grands coups de collier. Au moment o�� ils atterrissaient, une plaque de glace vira un peu sous les patins du tra?neau et s'enfon?a, laissant �� sa place un trou d'eau claire.
Samuel Chapdelaine se retourna.
--Nous serons les derniers �� traverser, cette saison, dit-il.
Et il laissa son cheval souffler un peu avant de monter la c?te.
Bient?t apr��s ils quitt��rent le grand chemin pour un autre qui s'enfon?ait dans les bois. Celui-l�� n'��tait gu��re plus qu'une piste rudimentaire encore encombr��e de racines, et qui d��crivait de petites courbes opportunistes pour ��viter les rochers ou les souches. Il grimpa une mont��e, serpenta sur un plateau au milieu du bois br?l��, laissant parfois un aper?u sur la descente du flanc abrupt, les masses de pierre du rapide, le versant oppos�� qui devenait plus haut et plus escarp�� au-dessus de la chute, puis rentrant dans la d��solation des arbres couch��s �� terre et des chicots noircis.
Des coteaux de pierre, une fois contourn��s, sembl��rent se refermer derri��re eux; les br?l��s firent place �� la foule sombre des ��pinettes et des sapins; les montagnes de la rivi��re Alec se montr��rent deux ou trois fois dans le lointain; et bient?t les voyageurs per?urent �� la fois un espace de terre d��frich��, une fum��e qui montait, les jappements d'un chien.
--Ils vont ��tre contents de te revoir, Maria, dit le p��re Chapdelaine. Tout le monde s'est ennuy�� de toi.

CHAPITRE II
L'heure du souper ��tait venue que Maria n'avait pas encore fini de r��pondre aux questions, de raconter, sans en omettre aucun, les incidents de son voyage, de donner les nouvelles de Saint-Prime et de P��ribonka, et toutes les autres nouvelles qu'elle avait pu recueillir au cours du chemin.
Tit'B��, assis sur une chaise, en face de sa soeur, fumait pipe sur pipe sans d��tourner les yeux d'elle une seconde, craignant de laisser ��chapper quelque r��v��lation importante qu'elle aurait tue jusque-l��. La petite Alma-Rose, debout pr��s d'elle, la tenait par le cou; T��lesphore ��coutait aussi, tout en r��parant avec des ficelles l'attelage de son chien. La m��re Chapdelaine attisait le feu dans le grand po��le de fonte, allait, venait, tirait de l'armoire les assiettes et les couverts, le pain, le pichet de lait, penchait au-dessus d'un pot de verre la grande jarre de sirop de sucre. Fr��quemment elle s'interrompait pour interroger Maria ou l'��couter et restait songeuse quelques instants, les poings sur les hanches, revoyant par la pens��e les villages dont elle entendait parler.
--Alors, l'��glise est finie: une belle ��glise en pierre, avec des peintures en dedans et des chassis de couleur... Que ?a doit donc ��tre beau! Johnny Bouchard a bati une grange neuve l'��t�� dernier, et c'est une petite Perron, une fille d'Ab��lard Perron, de Saint-J��r?me, qui fait la classe... Huit ans que je n'ai pas ��t�� �� Saint-Prime, quand on pense! C'est une belle paroisse, et qui m'aurait bien ?adonn��?; du beau terrain ?planche? aussi loin qu'on peut voir, pas de crans ni de bois, rien que des champs carr��s avec de bonnes cl?tures droites, de la terre forte, et les chars �� moins de deux heures de voiture... C'est peut-��tre p��ch�� de le dire; mais tout mon r��gne, j'aurai du regret que ton p��re ait eu le go?t de mouver si souvent et de pousser plus loin et toujours plus loin dans le bois, au lieu de prendre une terre dans une des vieilles paroisses.
Par la petite fen��tre carr��e elle contemplait avec m��lancolie les quelques champs nus qui s'��tendaient derri��re la maison, la grange de bois brut aux planches mal jointes, et plus loin l'��tendue de terre encore sem��e de souches, en lisi��re de la for��t, qui ne faisait que laisser esp��rer une r��compense de foin ou de grain aux longues patiences.
--Tiens, fit Alma-Rose, voil�� Chien qui vient se faire flatter aussi.
Maria baissa les yeux vers le chien qui venait lui mettre sur les genoux sa t��te longue aux yeux tristes, et elle le caressa avec des mots d'amiti��.
--Il s'est ennuy�� de toi tout comme nous, dit encore Alma-Rose. Tous les matins, il allait regarder dans ton lit pour voir si tu n'��tais pas revenue.
Elle l'appela �� son tour.
--Viens, Chien; viens que je te flatte aussi.
Chien allait de l'une �� l'autre, docile, fermant �� moiti�� les yeux �� chaque caresse. Maria regarda autour d'elle, cherchant quelque changement �� vrai dire improbable qui se f?t fait pendant son absence.
Le grand po��le �� trois ponts occupait le milieu de la maison; un tuyau de t?le en sortait, qui apr��s une mont��e verticale de quelques pieds d��crivait un angle droit et se prolongeait horizontalement jusqu'�� l'ext��rieur, afin que rien de la pr��cieuse chaleur ne se perd?t.
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