vous instruire mieux que moi sur la cause de sa disgrace; il l'a suivie depuis Paris, sans cesser presque un moment de pleurer Il faut que ce soit son fr��re ou son amant. Je me tournai vers le coin de la chambre o�� ce jeune homme ��tait assis. Il paraissait enseveli dans une r��verie profonde. Je n'ai jamais vu de plus vive image de la douleur. Il ��tait mis fort simplement; mais on distingue, au premier coup d'oeil, un homme qui a de la naissance et de l'��ducation. Je m'approchai de lui. Il se leva; et je d��couvris dans ses yeux, dans sa figure et dans tous ses mouvements, un air si fin et si noble que je me sentis port�� naturellement �� lui vouloir du bien. Que je ne vous trouble point, lui dis-je, en m'asseyant pr��s de lui. Voulez-vous bien satisfaire la curiosit�� que j'ai de conna?tre cette belle personne, qui ne me para?t point faite pour le triste ��tat o�� je la vois? Il me r��pondit honn��tement qu'il ne pouvait m'apprendre qui elle ��tait sans se faire conna?tre lui-m��me, et qu'il avait de fortes raisons pour souhaiter de demeurer inconnu. Je puis vous dire, n��anmoins, ce que ces mis��rables n'ignorent point, continua-t-il en montrant les archers, c'est que je l'aime avec une passion si violente qu'elle me rend le plus infortun�� de tous les hommes. J'ai tout employ��, �� Paris, pour obtenir sa libert��. Les sollicitations, l'adresse et la force m'ont ��t�� inutiles; j'ai pris le parti de la suivre, d?t-elle aller au bout du monde. Je m'embarquerai avec elle; je passerai en Am��rique. Mais ce qui est de la derni��re inhumanit��, ces laches coquins, ajouta-t-il en parlant des archers, ne veulent pas me permettre d'approcher d'elle. Mon dessein ��tait de les attaquer ouvertement, �� quelques lieues de Paris. Je m'��tais associ�� quatre hommes qui m'avaient promis leur secours pour une somme consid��rable. Les tra?tres m'ont laiss�� seul aux mains et sont partis avec mon argent. L'impossibilit�� de r��ussir par la force m'a fait mettre les armes bas. J'ai propos�� aux archers de me permettre du moins de les suivre en leur offrant de les r��compenser. Le d��sir du gain les y a fait consentir. Ils ont voulu ��tre pay��s chaque fois qu'ils m'ont accord�� la libert�� de parler �� ma ma?tresse. Ma bourse s'est ��puis��e en peu de temps, et maintenant que je suis sans un sou, ils ont la barbarie de me repousser brutalement lorsque je fais un pas vers elle. Il n'y a qu'un instant, qu'ayant os�� m'en approcher malgr�� leurs menaces, ils ont eu l'insolence de lever contre moi le bout du fusil. Je suis oblig��, pour satisfaire leur avarice et pour me mettre en ��tat de continuer la route �� pied, de vendre ici un mauvais cheval qui m'a servi jusqu'�� pr��sent de monture.
Quoiqu'il par?t faire assez tranquillement ce r��cit, il laissa tomber quelques larmes en le finissant. Cette aventure me parut des plus extraordinaires et des plus touchantes. Je ne vous presse pas, lui dis-je, de me d��couvrir le secret de vos affaires, mais, si je puis vous ��tre utile �� quelque chose, je m'offre volontiers �� vous rendre service. H��las! reprit-il, je ne vois pas le moindre jour �� l'esp��rance. Il faut que je me soumette �� toute la rigueur de mon sort. J'irai en Am��rique. J'y serai du moins libre avec ce que j'aime. J'ai ��crit �� un de mes amis qui me fera tenir quelque secours au Havre-de-Grace. Je ne suis embarrass�� que pour m'y conduire et pour procurer �� cette pauvre cr��ature, ajouta-t-il en regardant tristement sa ma?tresse, quelque soulagement sur la route. H�� bien, lui dis-je, je vais finir votre embarras. Voici quelque argent que je vous prie d'accepter. Je suis fach�� de ne pouvoir vous servir autrement. Je lui donnai quatre louis d'or, sans que les gardes s'en aper?ussent, car je jugeais bien que, s'ils lui savaient cette somme, ils lui vendraient plus ch��rement leurs secours. Il me vint m��me �� l'esprit de faire march�� avec eux pour obtenir au jeune amant la libert�� de parler continuellement �� sa ma?tresse jusqu'au Havre. Je fis signe au chef de s'approcher, et je lui en fis la proposition. Il en parut honteux, malgr�� son effronterie. Ce n'est pas, monsieur, r��pondit-il d'un air embarrass��, que nous refusions de le laisser parler �� cette fille, mais il voudrait ��tre sans cesse aupr��s d'elle; cela nous est incommode; il est bien juste qu'il paye pour l'incommodit��. Voyons donc, lui dis-je, ce qu'il faudrait pour vous emp��cher de la sentir. Il eut l'audace de me demander deux louis. Je les lui donnai sur-le-champ: Mais prenez garde, lui dis-je, qu'il ne vous ��chappe quelque friponnerie; car je vais laisser mon adresse �� ce jeune homme, afin qu'il puisse m'en informer, et comptez
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