Manon Lescaut | Page 4

Abbé Prévost
que j'aurai le pouvoir de vous faire punir. Il m'en co?ta six louis d'or. La bonne grace et la vive reconnaissance avec laquelle ce jeune inconnu me remercia, achev��rent de me persuader qu'il ��tait n�� quelque chose, et qu'il m��ritait ma lib��ralit��. Je dis quelques mots �� sa ma?tresse avant que de sortir. Elle me r��pondit avec une modestie si douce et si charmante, que je ne pus m'emp��cher de faire, en sortant, mille r��flexions sur le caract��re incompr��hensible des femmes.
��tant retourn�� �� ma solitude, je ne fus point inform�� de la suite de cette aventure. Il se passa pr��s de deux ans, qui me la firent oublier tout �� fait, jusqu'�� ce que le hasard me f?t rena?tre l'occasion d'en apprendre �� fond toutes les circonstances. J'arrivais de Londres �� Calais, avec le marquis de..., mon ��l��ve. Nous logeames, si je m'en souviens bien, au Lion d'Or, o�� quelques raisons nous oblig��rent de passer le jour entier et la nuit suivante. En marchant l'apr��s-midi dans les rues, je crus apercevoir ce m��me jeune homme dont j'avais fait la rencontre �� Pacy Il ��tait en fort mauvais ��quipage, et beaucoup plus pale que je ne l'avais vu la premi��re fois. Il portait sur le bras un vieux portemanteau, ne faisant qu'arriver dans la ville. Cependant, comme il avait la physionomie trop belle pour n'��tre pas reconnu facilement, je le remis aussit?t. Il faut, dis-je au marquis, que nous abordions ce jeune homme. Sa joie fut plus vive que toute expression, lorsqu'il m'eut remis �� son tour. Ah! monsieur, s'��cria-t-il en me baisant la main, je puis donc encore une fois vous marquer mon immortelle reconnaissance! Je lui demandai d'o�� il venait. Il me r��pondit qu'il arrivait, par mer, du Havre-de-Grace, o�� il ��tait revenu de l'Am��rique peu auparavant. Vous ne me paraissez pas fort bien en argent, lui dis-je. Allez-vous-en au Lion d'Or, o�� je suis log��. Je vous rejoindrai dans un moment. J'y retournai en effet, plein d'impatience d'apprendre le d��tail de son infortune et les circonstances de son voyage d'Am��rique. Je lui fis mille caresses, et j'ordonnai qu'on ne le laissat manquer de rien. Il n'attendit point que je le pressasse de me raconter l'histoire de sa vie. Monsieur, me dit-il, vous en usez si noblement avec moi, que je me reprocherais, comme une basse ingratitude, d'avoir quelque chose de r��serv�� pour vous. Je veux vous apprendre, non seulement mes malheurs et mes peines, mais encore mes d��sordres et mes plus honteuses faiblesses. Je suis s?r qu'en me condamnant, vous ne pourrez pas vous emp��cher de me plaindre.
Je dois avertir ici le lecteur que j'��crivis son histoire presque aussit?t apr��s l'avoir entendue, et qu'on peut s'assurer par cons��quent, que rien n'est plus exact et plus fid��le que cette narration. Je dis fid��le jusque dans la relation des r��flexions et des sentiments que le jeune aventurier exprimait de la meilleure grace du monde. Voici donc son r��cit, auquel je ne m��lerai, jusqu'�� la fin, rien qui ne soit de lui.
J'avais dix-sept ans, et j'achevais mes ��tudes de philosophie �� Amiens, o�� mes parents, qui sont d'une des meilleures maisons de P., m'avaient envoy��. Je menais une vie si sage et si r��gl��e, que mes ma?tres me proposaient pour l'exemple du coll��ge. Non que je fisse des efforts extraordinaires pour m��riter cet ��loge, mais j'ai l'humeur naturellement douce et tranquille: je m'appliquais �� l'��tude par inclination, et l'on me comptait pour des vertus quelques marques d'aversion naturelle pour le vice. Ma naissance, le succ��s de mes ��tudes et quelques agr��ments ext��rieurs m'avaient fait conna?tre et estimer de tous les honn��tes gens de la ville. J'achevai mes exercices publics avec une approbation si g��n��rale, que Monsieur l'��v��que, qui y assistait, me proposa d'entrer dans l'��tat eccl��siastique, o�� je ne manquerais pas, disait-il, de m'attirer plus de distinction que dans l'ordre de Malte, auquel mes parents me destinaient. Ils me faisaient d��j�� porter la croix, avec le nom de chevalier des Grieux. Les vacances arrivant, je me pr��parais �� retourner chez mon p��re, qui m'avait promis de m'envoyer bient?t �� l'Acad��mie. Mon seul regret, en quittant Amiens, ��tait d'y laisser un ami avec lequel j'avais toujours ��t�� tendrement uni. Il ��tait de quelques ann��es plus ag�� que moi. Nous avions ��t�� ��lev��s ensemble, mais le bien de sa maison ��tant des plus m��diocres, il ��tait oblig�� de prendre l'��tat eccl��siastique, et de demeurer �� Amiens apr��s moi, pour y faire les ��tudes qui conviennent �� cette profession. Il avait mille bonnes qualit��s. Vous le conna?trez par les meilleures dans la suite de mon histoire, et surtout, par un z��le et une g��n��rosit�� en amiti�� qui surpassent les plus c��l��bres exemples de l'antiquit��. Si j'eusse alors suivi ses conseils, j'aurais toujours ��t�� sage et heureux. Si j'avais, du moins, profit�� de ses reproches
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