Ma Cousine Pot-Au-Feu | Page 7

Leon de Tinseau
de ma m��re un tel sentiment de contrari��t�� �� la seule id��e de cette question pr��vue, que je renon?ai �� en savoir davantage pour le moment. D'ailleurs, ce qui se passait depuis quatre jours, ce que j'avais appris ce soir-l�� ��tait d��j�� pour mon esprit une pature suffisante. Enfin j'avais pour ma m��re une v��ritable adoration, et la crainte de lui d��plaire, �� d��faut de la discipline s��v��re o�� j'��tais ��lev��, m'aurait ferm�� la bouche. Feignant un calme que je n'avais gu��re, je r��pondis:
--C'est bien, maman, je ne dirai rien. Soyez tranquille!
Un de ces bons baisers, tant regrett��s �� l'heure o�� ils manquent, me r��compensa de ma soumission, et je fis semblant de m'endormir. Mais, de toute la nuit, je ne pus fermer l'oeil, et, dans l'obscurit�� de ma chambre d'enfant, je voyais toujours ? la femme de l'oncle Jean ?, l'Italienne qu'aucun membre de la famille n'avait jamais connue. Je me la figurais, d'apr��s une gravure d'un de mes livres, tr��s brune, avec de grands yeux noirs et de lourdes nattes retenues par les boules d'or de deux ��pingles. Je l'apercevais distinctement, avec sa serviette pli��e en carr�� sur sa t��te, son collier de corail au cou, son corsage blanc aux manches bouffantes, et le panier rempli de fleurs qu'elle portait, sans doute pour son agr��ment, car il m'��tait impossible d'admettre que la baronne de Vaudelnay vend?t des roses comme la premi��re Transt��v��rine venue.
Au jour naissant, le sommeil s'empara de moi pour une heure, et lorsqu'on vint me r��veiller pour la messe, qui r��unissait chaque matin la plupart des habitants du chateau, il me sembla que je sortais d'un r��ve compliqu�� et fatigant. Mais en voyant, un quart d'heure plus tard, des flots d'��toffe noire s'engouffrer dans le banc de famille, en apercevant les ornements fun��bres sur les ��paules du cur��, dont j'��tais r��guli��rement l'acolyte, il me fallut bien me rendre �� l'��vidence.
D'ailleurs, sauf l'absence de l'oncle Jean, la couleur de nos costumes et une recrudescence effroyable dans la s��v��rit�� de la discipline, rien n'indiquait que les Vaudelnay venaient de perdre un des leurs, et ma pauvre cousine,--j'aurais eu bien de la peine �� la d��signer par son pr��nom,--ne faisait gu��re plus de bruit apr��s sa mort qu'elle n'en avait fait pendant sa vie.
Mais cette tranquillit�� trompeuse ne devait pas durer longtemps.

IV
Deux jours apr��s, une heure avant le d?ner, la nuit d��j�� tomb��e, j'��tais dans le vestibule, occup�� �� la manoeuvre de mes soldats de plomb, lorsqu'une voiture s'arr��ta devant la porte. Au bruit des grelots f��l��s, j'avais reconnu un carabas de louage de la ville; je sortis pr��cipitamment, laissant mes troupes se tirer d'affaire toutes seules, pour savoir qui venait chez nous si tard sans ��tre attendu. J'avais oubli�� tout �� fait l'oncle Jean, disparu d��j�� depuis plus d'une semaine. C'��tait lui, mais j'eus peine �� le reconna?tre sous les manteaux et les cache-nez qui le couvraient. Aussi bien, depuis que je savais son histoire, un peu superficiellement, il faut l'avouer, il me semblait que ce n'��tait plus le m��me homme. Ce fut donc avec une sorte de timidit�� que je m'avan?ai vers lui pour lui souhaiter la bienvenue; mais il parut �� peine faire attention �� moi.
--Bonsoir, bonsoir! me r��pondit-il en me tournant le dos, pour prendre dans les profondeurs t��n��breuses de la voiture un paquet lourd et volumineux que lui tendit une ombre �� peine visible.
Il monta, non sans un peu d'effort, les marches du perron, tandis que l'ombre, une ombre f��minine autant qu'on pouvait en juger, mettait pied �� terre �� son tour.
--Ouvre-moi la porte du salon, commanda-t-il d'une voix br��ve.
J'ob��is; nous entrames dans la vaste pi��ce �� peine ��clair��e par une lampe br?lant sous son abat-jour au milieu de l'immense table. Mon oncle se dirigea vers un canap��, y d��posa son fardeau, ��carta quelques plis d'��toffe et j'aper?us, on devine avec quelle surprise, une petite fille endormie.
J'eus peine �� retenir un cri d'effroi, d'abord parce que l'enfant, dans une immobilit�� rigide, avait l'air d'une morte, et ensuite parce que mon pauvre oncle, cit�� dans toute la province, huit jours plus t?t, pour sa verdeur ��tonnante, semblait avoir tout �� coup vieilli de vingt ans. Il ��tait bris��, courb��, d��form��, pour ainsi dire, comme il arrivait �� mes soldats de plomb lorsque, d'aventure, mon pied se posait sur eux. Son beau visage, nagu��re si plein d'une ��nergie que certains jugeaient trop hautaine, s'��tait d��tendu comme un masque mouill��. On n'y lisait plus qu'une sorte d'humilit�� douloureuse, un doute de soi-m��me et de toutes choses, navrants m��me pour un observateur aussi peu profond que je l'��tais alors. Je restais l��, les yeux et la bouche ouverts, ne sachant que dire et que faire, plus attrist�� que curieux, sentant que j'allais fondre en larmes si la situation se prolongeait encore une minute. Fort heureusement mon oncle y
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