souvenirs, l'autre dans le mécompte des espérances. Dans ces deux journées et devant ces deux cercueils, les sentiments étaient, à coup s?r, très-divers et très-diversement manifestés: en décembre 1840, autour du cercueil de Napoléon, il y avait plus de curiosité que de tristesse, et les passions politiques essayaient, par moments, de faire du bruit; en juillet 1842, un regret inquiet et un silence universel régnaient autour du cercueil du duc d'Orléans. Pourtant, dans les deux circonstances, et au-dessus de ces impressions si différentes, un même sentiment s'élevait et dominait au sein de ces vastes foules, le respect instinctif de la grandeur et de la mort. Le coeur humain est naturellement généreux et sympathique. C'est dommage que ses beaux élans soient si courts.
Cinq jours après les pompes de Notre-Dame, le 4 ao?t, une cérémonie moins éclatante s'accomplit au sein d'une douleur plus intime et plus longue: les obsèques de famille succédèrent aux obsèques d'état. La profanation des tombes royales de Saint-Denis avait laissé dans l'ame du roi Louis-Philippe une horreur profonde; il ne supportait pas la pensée que les restes mortels de sa femme, de ses enfants, de sa soeur, de tous les siens, courussent la chance de telles indignités. Il ne voulut pas que sa race allat rejoindre, dans les caveaux où ils les avaient subies, ses royaux ancêtres, et au lieu de l'église de Saint-Denis, il adopta, pour la sépulture de la maison d'Orléans, la chapelle que, sous l'empire du même sentiment, la duchesse d'Orléans, sa mère, avait fait construire à Dreux, sur les ruines du vieux chateau des comtes de Dreux, dans les anciens domaines du bon et populaire duc de Penthièvre. Ce fut là que, dans le caveau où le cercueil du duc d'Orléans prit sa dernière demeure, le roi vint dire au prince, son fils, un dernier adieu, et que la reine, recueillie dans sa pieuse ferveur maternelle, adressa à Dieu, pour l'ame de son premier-né, des prières qui durent encore.
Au retour de Dreux, et dans l'intérieur de la famille royale, un changement fut remarqué dans la physionomie et l'attitude de la reine; la douleur y restait empreinte, mais toute agitation, toute préoccupation exclusive avaient cessé; une résignation pieuse avait remplacé l'amertume des regrets; cette grande ame semblait se reporter tout entière sur les affections et les devoirs qui lui restaient: ?A Neuilly, la reine allait prier près du corps de son fils; la présence de ce corps était encore un lien; la sépulture à Dreux l'avait rompu; le sacrifice était accompli. La reine voulut l'offrir à Dieu, et le rendre plus complet encore en le manifestant moins.?
Pendant que toutes ces cérémonies funèbres s'accomplissaient, couvrant de leurs pompes les douleurs et les inquiétudes paternelles et publiques, au milieu de cette situation si grave, nous étions en présence d'une question aussi grave que la situation: quelle serait la régence pendant la minorité de l'héritier du tr?ne? Ni en 1814, ni en 1830, la Charte n'avait résolu cette question qui s'élevait tout à coup, en 1842, entière et pressante. C'était pour le pays un intérêt suprême, et pour les conseillers de la couronne, un devoir impérieux de la vider sans réserve, sans délai: ?Le roi ne meurt point en France, dit le duc de Broglie dans le rapport qu'il fit à ce sujet, le 27 ao?t, à la Chambre des pairs; c'est l'excellence du gouvernement monarchique que l'autorité suprême n'y souffre aucune interruption, que le rang suprême n'y soit jamais disputé, que la pensée même n'y puisse surprendre, entre deux règnes, le moindre intervalle d'attente ou d'hésitation. C'est par là surtout que ce gouvernement domine les esprits et contient les ambitions. La monarchie est l'empire du droit, de l'ordre et de la réglé. Tout doit être réglé dans la monarchie; tout ce qui peut être prévu raisonnablement doit l'être; rien n'y doit être livré, par choix ou par oubli, à l'incertitude des événements. Sous un tel gouvernement, en effet, la royauté est le support de l'état; quand ce support vient à manquer, tout s'écroule; tout s'ébranle, dès qu'il para?t chanceler. Nous l'avons éprouvé naguère. A l'instant où la main de Dieu s'est appesantie, sur nous, quand cette sagesse infinie, dont les voies ne sont pas nos voies, a frappé la nation dans le premier-né de la maison royale, et moissonné dans sa fleur notre plus chère espérance, les coeurs se sont sentis glacés d'un secret effroi; l'anxiété publique s'est fait jour à travers les accents de la douleur; l'inquiétude était sur tous les fronts en même temps que les larmes coulaient de tous les yeux. Chacun comptait, dans sa pensée, quel nombre d'années sépare désormais l'héritier du tr?ne de l'age où il pourra saisir d'une main ferme le sceptre de son a?eul et l'épée de son père; chacun se demandait ce qu'il adviendrait d'ici là si les jours
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