l'emploi de moyens extraordinaires. Pendant que Guidal était à Paris,
on éventa à Marseille une affaire semblable qui mena à la découverte
d'un ancien espionnage exercé à la côte de Provence par des Français,
au bénéfice de l'amiral anglais qui croisait devant Toulon. Guidal fut
accusé d'avoir été lui-même à la flotte anglaise, et d'y avoir envoyé son
fils. Cet espionnage durait depuis nombre d'années, sans qu'on s'en fût
douté. Par suite des dépositions des personnes qui avaient été arrêtées
on redemanda Guidal à Marseille, pour le juger, et il y avait plus de
quinze jours que j'avais envoyé à la gendarmerie tout ce dont elle avait
besoin pour le reconduire à cette destination; elle différa à exécuter
l'ordre que j'avais donné, et Guidal se trouvait encore dans la prison de
la Force le 23 octobre.
Il en était de même de Lahorie. Depuis le procès du général Moreau, il
était caché en France. L'empereur avait souvent réitéré l'ordre de le
faire partir; M. Fouché l'avait laissé à Paris. Lahorie était Breton, et il
avait facilement trouvé les protecteurs dont il avait besoin. L'empereur
m'ordonna de le faire partir pour l'Amérique, et de l'arrêter d'abord; ce
qui fut fait. J'avais également mis de la diligence à préparer son départ
sur un vaisseau qui devait mettre à la voile de Nantes pour les
États-Unis.
J'avais, depuis plus de quinze jours, signé tous les ordres nécessaires
pour le faire conduire dans cette ville, et il se trouvait comme Guidal à
la Force par suite de la même négligence.
Mallet, toujours occupé de son projet de changer le gouvernement, crut
ne pouvoir saisir une meilleure circonstance que celle où le grand
éloignement des armées et de l'empereur lui aplanissait les difficultés
d'une entreprise aussi hardie, et dont le succès reposait sur une
supposition qu'on n'aurait pu éclaircir assez tôt pour détruire la
crédulité dont il avait besoin pour réussir.
Après avoir beaucoup pensé aux divers moyens d'exécuter son projet, il
s'arrêta à celui-ci. Il supposa l'empereur mort le 8 octobre sous les murs
de Moscou, il ne pouvait pas prendre un autre jour sans se trouver
contredit par l'estafette, qui pouvait arriver, comme cela avait lieu
chaque jour. L'empereur mort, il concluait que le sénat devait être
investi du suprême pouvoir; ce fut donc l'organe du sénat qu'il choisit
pour parler à la nation et à l'armée. Il fit aux soldats une proclamation
dans laquelle il déplorait la mort de l'empereur; après avoir annoncé
l'abolition du régime impérial, et le retour du gouvernement populaire,
il fit connaître la nouvelle organisation de ce gouvernement, en désigna
les branches et en nomma les directeurs. Toutes les pièces étaient
revêtues des signatures de plusieurs sénateurs dont il avait retenu les
noms, mais avec lesquels il n'avait eu aucun rapport depuis un bon
nombre d'années.--C'était lui-même qui avait signé le nom de tous ces
sénateurs, il fit un décret au nom de ces mêmes sénateurs par lequel lui,
Mallet, était nommé gouverneur de Paris, et commandant des troupes
dans la première division militaire.
Cela posé, il fit aussi des décrets semblables pour promouvoir à des
grades plus élevés tous ceux qu'il comptait employer à l'exécution de
son projet.
C'était le général Hullin qui alors était commandant de Paris; l'adjudant
commandant Doucet était son chef d'état-major. Il nommait celui-ci
général de brigade, lui conservait sa place, et joignait à l'instruction
qu'il lui donnait un bon de cent mille francs à vue sur le trésor public.
Il y avait derrière la maison de santé où était Mallet une caserne dans
laquelle était établie la 10e cohorte de garde nationale et un dépôt du
32e régiment de ligne.
Cette 10e cohorte était commandée par le colonel Soulier, un des
braves et anciens officiers de l'armée d'Italie, mais en revanche aussi
borné qu'il était brave. Il était venu depuis très peu de jours d'Espagne
pour prendre le commandement de cette 10e cohorte.
Mallet était marié, et sa femme demeurait fort loin de lui à Paris; elle
allait le voir fréquemment, et ne s'apercevait pas qu'il roulait quelque
projet dans son esprit.
Il y avait peu de temps qu'un prêtre espagnol qui était détenu dans la
même maison que Mallet, avait été mis en liberté et s'était retiré dans
un appartement qu'il avait loué à la Place Royale. Mallet était dans sa
maison de santé avec un certain abbé Lafond, qui avait été arrêté depuis
longtemps pour des affaires de religion. Comme il était toute la journée
avec cet abbé, il avait été obligé de lui confier ce qu'il allait
entreprendre. L'abbé Lafond attira à lui, sans leur faire aucune
confidence, deux jeunes gens de sa connaissance qui étaient à Paris;
l'un était un jeune caporal de la garde de Paris, qui était de son pays, et
le second était un jeune Vendéen qui étudiait
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