Mémoires du duc de Rovigo, pour servir à lhistoire de lempereur Napoléon | Page 7

Duc de Rovigo
rapportée à l'empereur par des personnes dont le zèle officieux est toujours prêt à nuire.
Je commen?ais à prendre racine dans des fonctions dont je n'avais aucune idée quelques mois auparavant, et j'avais déjà moins peur du contact dans lequel j'étais obligé d'entrer avec toutes les imperfections humaines.

CHAPITRE III.
Bal de la garde impériale.--Fête du prince Schwartzenberg.--Incendie de la salle de bal.--L'empereur.--Impression que fait cet accident.--Composition du cabinet.--Intrigues diverses.--M. Ferrand.--Le chambellan.--Coteries, faux rapports.--Manière dont je les déjoue.
Ce fut au mois de juillet ou d'ao?t de cette année 1810 qu'arriva l'horrible événement de l'incendie de la salle du bal à l'h?tel du prince Schwartzenberg.
Il donnait ce jour-là un bal à l'occasion du mariage de l'empereur avec la fille de son souverain. Je crois que celui que donna la garde impériale à la même occasion n'eut lieu que quelque temps après; toute la ville de Paris fut à cette fête, qui eut lieu à l'école-Militaire, où il ne se passa pas le moindre accident. Mais il n'en fut pas de même chez l'ambassadeur d'Autriche.
L'on avait construit, à c?té de l'appartement principal de son h?tel, une vaste salle de bal, en charpente extrêmement légère. La tenture était en toile, recouverte d'étoffe brillante. En général, l'élégance et la grace étaient tout ce que l'architecte chargé de cette construction avait cherché. Cette vaste salle, magnifiquement décorée, était éclairée par une grande quantité de lustres qui étaient suspendus à sa vo?te.
On y arrivait par une galerie décorée de la même manière.
Les personnes invitées eurent bient?t rempli la salle ainsi que tous ses dégagemens. L'empereur avec l'impératrice, la reine de Westphalie, la vice-reine d'Italie étaient arrivés, et le bal était dans sa plus grande vivacité, lorsqu'une bougie mit le feu en s'inclinant à une des guirlandes de fleurs artificielles qui décoraient le pourtour de la galerie. Le courant d'air étendit le feu avec la rapidité de l'éclair et le porta jusqu'à la salle du bal, qui fut enflammée dans un clin d'oeil.
L'empereur était au milieu de la salle; il attendait le secours des pompiers, et fut fort mécontent de leur lenteur. Le danger devenant imminent, il emmena l'impératrice, la reconduisit aux Tuileries, et revint chez le prince de Schwartzenberg pour voir ce qui s'y passait; il avait déjà jugé que cet horrible accident serait accompagné de quelques malheurs. Aussit?t qu'il fut sorti avec l'impératrice, la peur s'était saisie de tout le monde; chacun avait fui par toutes les issues et cherchait à s'échapper.
Il y avait quelques degrés pour descendre de cette salle dans le jardin, l'ambassadeur de Russie, le prince Kourakin, ne les voyant pas, tomba, et fut foulé aux pieds de tout le monde. Comme il tardait à se relever, la flamme le saisit dans cette position et le mit dans un état qui fit craindre long-temps pour sa vie.
Les pièces de bois principales de cette légère architecture furent consumées en un instant, et sa vaste entrée avec tous les lustres tomba sur les personnes qui n'avaient pas encore pu sortir. Les pompiers ne firent pas preuve de vigilance dans cette occasion: à la vérité ils n'eussent pu, dans aucun cas, sauver la salle; mais s'ils avaient été en mesure, ils auraient retardé les progrès de l'incendie de manière à donner à tout le monde le temps de l'évacuer.
Ils n'avaient même pas d'eau dans leurs pompes; il s'était passé plus d'une demi-heure avant qu'ils fussent en état d'agir. L'empereur était présent et ne se retira que quand le feu fut tout-à-fait éteint. Il prenait part à l'affliction du prince de Schwartzenberg, à qui il disait des choses rassurantes. Il envoya chercher le préfet de police, auquel il témoigna beaucoup de mécontentement, et je crois que c'est de ce jour qu'il résolut de le changer aussit?t qu'il aurait trouvé quelqu'un pour le remplacer. La place exigeait un homme particulièrement propre aux détails sans nombre qui en dépendent, et il y en a peu qui soient en état de la bien remplir. Lorsque le feu fut éteint, l'empereur retourna à Saint-Cloud, et me fit dire de venir le lendemain de bonne heure lui rendre compte des résultats de cet événement. Ce ne fut qu'au jour que l'on retrouva sous les restes des bois br?lés de la salle le corps de la princesse Schwartzenberg, femme du frère a?né de l'ambassadeur; sortie heureusement de la salle, elle était rentrée pour chercher ses enfans qu'elle n'avait pas vus sortir. à peine était-elle sous cette vo?te enflammée, que la charpente s'écroula, et la consuma au point qu'on ne put la reconna?tre qu'à quelques débris de bijoux.
La comtesse de la Leyen mourut quelques jours après de ses br?lures, ainsi que la femme du consul-général de Russie, et madame Touzard, femme d'un officier-général du génie; beaucoup d'autres furent grièvement blessées et souffrirent long-temps des suites de cet horrible événement, qui fut pendant long-temps le sujet des
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