p��n��trer, auraient dit qu'il ��tait plus aimable qu'aimant; et, en ce qui les concernait, c'e?t ��t�� vrai. Mais comment eussent-ils devin�� cela, lorsque ses rares attachements ��taient si vifs, si profonds et si peu r��cusables?
Ainsi donc, on l'aimait toujours, sinon avec la certitude, du moins avec l'espoir d'��tre pay�� de quelque retour. Ses jeunes compagnons, le voyant faible et paresseux dans les exercices du corps ne songeaient pas �� d��daigner cette nature un peu infirme, parce que Karol ne s'en faisait point accroire sous ce rapport. Lorsque, s'asseyant doucement sur l'herbe, au milieu de leurs jeux, il leur disait avec un triste sourire: ?Amusez-vous, chers compagnons; je ne puis ni lutter, ni courir; vous viendrez vous reposer pr��s de moi.? Comme la force est naturellement protectrice de la faiblesse, il arrivait que, parfois, les plus robustes renon?aient g��n��reusement �� leur ardente gymnastique, et venaient lui faire compagnie.
Parmi tous ceux qui ��taient charm��s et comme fascin��s par la couleur po��tique de ses pens��es et la grace de son esprit, Salvator Albani fut toujours le plus assidu. Ce bon jeune homme ��tait la franchise m��me; et, pourtant, Karol exer?ait sur lui un tel empire qu'il n'osait jamais le contredire ouvertement, lors m��me qu'il remarquait de l'exag��ration dans ses principes et de la bizarrerie dans ses habitudes. Il craignait de lui d��plaire et de le voir se refroidir �� son ��gard, comme cela ��tait arriv�� pour tant d'autres. Il le soignait comme un enfant, lorsque Karol, plus nerveux et impressionnable que r��ellement malade, se retirait dans sa chambre pour d��rober aux yeux de sa m��re son malaise, dont elle se tourmentait trop. Salvator Albani ��tait donc devenu n��cessaire au jeune prince. Il le sentait, et lorsqu'une ardente jeunesse le sollicitait de se distraire ailleurs, il sacrifiait ses plaisirs ou il les cachait avec une g��n��reuse hypocrisie, se disant �� lui-m��me que si Karol venait �� ne plus l'aimer, il ne souffrirait plus ses soins, et tomberait dans une solitude volontaire et funeste. Ainsi Salvator aimait Karol pour le besoin que ce dernier avait de lui, et il se faisait, par une ��trange mis��ricorde, le complaisant de ses th��ories opiniatres et sublimes. Il admirait avec lui le sto?cisme, et, au fond, il ��tait ce qu'on appelle un ��picurien. Fatigu�� d'une folie de la veille, il lisait �� son chevet un livre asc��tique. Il s'enthousiasmait na?vement �� la peinture de l'amour unique, exclusif, sans d��faillance et sans bornes, qui devait remplir la vie de son jeune ami. Il trouvait r��ellement cela superbe, et pourtant il ne pouvait se passer d'intrigues amoureuses, et il lui cachait le chiffre de ses aventures.
Cette innocente dissimulation ne pouvait durer qu'un certain temps, et peu �� peu Karol d��couvrit avec douleur que son ami n'��tait pas un saint. Mais lorsque arriva cette ��preuve redoutable, Salvator lui ��tait devenu si n��cessaire, et il avait ��t�� forc�� de lui reconna?tre tant d'��minentes qualit��s de coeur et d'esprit, qu'il lui fallut bien continuer a l'aimer; beaucoup moins, �� la v��rit��, qu'auparavant, mais encore assez pour ne pouvoir se passer de lui. N��anmoins il ne put jamais prendre son parti sur ses escapades de jeunesse, et cette affection, au lieu d'��tre un adoucissement �� sa tristesse habituelle, devint douloureuse comme une blessure.
Salvator, qui redoutait la s��v��rit�� de la princesse de Roswald encore plus que celle de Karol, lui cacha le plus longtemps possible ce que Karol avait d��couvert avec tant d'effroi. Une longue et douloureuse maladie �� laquelle elle succomba, contribua aussi �� la rendre moins clairvoyante dans ses derni��res ann��es; et lorsque Karol la vit froide sur son lit de mort, il tomba dans un tel accablement de d��sespoir, que Salvator reprit sur lui tout son empire, et fut seul capable de le faire renoncer au dessein de se laisser mourir.
C'��tait la seconde fois que Karol voyait la mort frapper �� ses c?t��s l'objet de ses affections. Il avait aim�� une jeune personne qui lui ��tait destin��e. C'��tait l'unique roman de sa vie, et nous en parlerons en temps et lieu. Il n'avait plus rien �� aimer sur la terre que Salvator. Il l'aima; mais toujours avec des restrictions, de la souffrance, et une sorte d'amertume, en songeant que son ami n'��tait pas susceptible d'��tre aussi malheureux que lui.
Six mois apr��s cette derni��re catastrophe, la plus sensible et la plus r��elle des deux, �� coup s?r, le prince de Roswald parcourait l'Italie, en chaise de poste, emport�� malgr�� lui, dans un tourbillon de poussi��re embras��e, par son courageux ami. Salvator avait besoin de plaisirs et de gaiet��; pourtant il sacrifia tout �� celui qu'on appelait devant lui son enfant gat��. Quand on lui disait cela, ?dites mon enfant ch��ri, r��pondait-il; mais tout choy�� que Roswald ait ��t�� par sa m��re et par moi, son coeur ni son caract��re ne se sont gat��s. Il
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