de ceux qui n'en sont pas atteints.
Il voyait, d'un c?t��, l'aristocratie morale, la distinction de l'intelligence, la puret�� des moeurs, la noblesse des instincts, et il se disait: ?Soyons avec ceux-l��.? De l'autre, il voyait l'abrutissement, la bassesse, la folie, la d��bauche, et il ne se disait pas: ?Allons �� ceux-ci pour les ramener, s'il est possible.?--Non! lui avait-on appris �� dire, ils sont perdus! Donnons-leur du pain et des v��tements, mais ne compromettons pas notre ame au contact de la leur. Ils sont endurcis et souill��s, abandonnons leur esprit �� la cl��mence de Dieu.?
Cette habitude de se pr��server devient, �� la longue, une sorte d'��go?sme, et il y avait un peu de cette s��cheresse au fond du coeur de la princesse. Il y en avait chez elle pour son fils encore plus que pour elle-m��me. Elle l'isolait avec art des jeunes gens de son age, d��s qu'elle les soup?onnait de folie ou seulement de l��g��ret��. Elle craignait pour lui ce frottement avec des natures diff��rentes de la sienne; et c'est pourtant ce contact qui nous rend hommes, qui nous donne de la force, et qui fait qu'au lieu d'��tre entra?n��s �� la premi��re occasion, nous pouvons r��sister �� l'exemple du mal et garder de l'influence pour faire pr��valoir celui du bien.
Sans ��tre d'une d��votion ��troite et farouche, la princesse ��tait d'une pi��t�� assez rigide. Catholique sinc��re et fid��le, elle voyait bien les abus, mais elle n'y savait pas d'autre rem��de que de les tol��rer en faveur de la grande cause de l'��glise. ?Le pape peut s'��garer, disait-elle, c'est un homme; mais la papaut�� ne peut faillir: c'est une institution divine.? D��s lors, les id��es de progr��s n'entraient point facilement dans sa t��te, et son fils apprit de bonne heure �� les r��voquer en doute et �� ne point esp��rer que le salut du genre humain p?t s'accomplir sur la terre. Sans ��tre aussi r��gulier que sa m��re dans les pratiques religieuses (car en d��pit de tout, au temps o�� nous sommes, la jeunesse se d��gage vite de tels liens), il resta dans cette doctrine qui sauve les hommes de bonne volont�� et ne sait pas briser la mauvaise volont�� des autres; qui se contente de quelques _��lus_ et se r��signe �� voir les nombreux _appel��s_ tomber dans la g��henne du mal ��ternel: triste et lugubre croyance qui s'accorde parfaitement avec les id��es de la noblesse et les privil��ges de la fortune. Au ciel comme sur la terre, le paradis pour quelques-uns, l'enfer pour le plus grand nombre. La gloire, le bonheur et les r��compenses pour les exceptions: la honte, l'abjection et le chatiment pour presque tous.
Les ames naturellement bonnes et g��n��reuses, qui tombent dans cette erreur, en sont punies par une ��ternelle tristesse. Il n'appartient qu'aux insensibles ou aux stupides d'en prendre leur parti. La princesse de Roswald souffrait de ce fatalisme catholique, dont elle ne pouvait secouer les arr��ts farouches. Elle avait pris une habitude de gravit�� solennelle et sentencieuse qu'elle communiqua peu �� peu �� son fils, pour le fond sinon pour la forme. Le jeune Karol ne connut donc point la gaiet��, l'abandon, la confiance aveugle et salutaire de l'enfance. A vrai dire, il n'eut point d'enfance: ses pens��es tourn��rent �� la m��lancolie, et lors m��me que vint l'age d'��tre romanesque, ce ne furent que des romans sombres et douloureux qui remplirent son imagination.
Et malgr�� cette fausse route que suivait l'esprit de Karol, c'��tait une adorable nature d'esprit que la sienne. Doux, sensible, exquis en toutes choses, il avait �� quinze ans toutes les graces de l'adolescence r��unies �� la gravit�� de l'age mur. Il resta d��licat de corps comme d'esprit. Mais cette absence de d��veloppement musculaire lui valut de conserver une beaut�� charmante, une physionomie exceptionnelle qui n'avait, pour ainsi dire, ni age ni sexe. Ce n'��tait point l'air male et hardi d'un descendant de cette race d'antiques magnats, qui ne savaient que boire, chasser et guerroyer; ce n'��tait point non plus la gentillesse eff��min��e d'un ch��rubin couleur de rose. C'��tait quelque chose comme ces cr��atures id��ales, que la po��sie du moyen age faisait servir �� l'ornement des temples chr��tiens; un ange, beau de visage, comme une grande femme triste, pur et svelte de forme comme un jeune dieu de l'Olympe, et pour couronner cet assemblage, une expression �� la fois tendre et s��v��re, chaste et passionn��e.
C'��tait l�� le fond de son ��tre. Rien n'��tait plus pur et plus exalt�� en m��me temps que ses pens��es; rien n'��tait plus tenace, plus exclusif et plus minutieusement d��vou�� que ses affections. Si l'on e?t pu oublier l'existence du genre humain, et croire qu'il s'��tait concentr�� et personnifi�� dans un seul ��tre, c'est lui qu'on aurait ador�� sur les ruines du monde. Mais cet ��tre n'avait pas assez de relations avec ses semblables. Il ne comprenait que ce
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