nous pour obtenir justice; nous avons même obtenu des promesses que
nous croyions officielles; aujourd'hui, nous constatons avec regret
qu'elles ont été oubliées, nous partageons votre mécontentement et
nous n'avons pas manqué de nous plaindre auprès des autorités...»
Malheureusement, ni ces plaintes, ni les pétitions, ni les autres réunions
qui se tinrent pendant l'automne et pendant l'hiver ne purent décider le
gouvernement à sortir de son mutisme. La consigne à Ottawa était de
ronfler; et chacun sait comment Sir David Macpherson s'en acquittait, à
la satisfaction du maître.
Sir John A. Macdonald avait eu cependant une idée qui est le résumé de
toute sa politique. Il avait eu l'idée de ne rien accorder aux Métis, et de
les faire taire en achetant leurs chefs.
C'est ainsi que Schmidt avait été nommé commis au bureau des terres
de Prince Albert, Dumas, instructeur des Sauvages, et que des offres
avaient été faites à Dumont et Isbester.
Mais, pendent ce temps-là, on n'aboutissait à rien. Le mécontentement
et l'agitation des esprits augmentaient de jour en jour. Des nouvelles
spoliations étaient commises par des spéculateurs; et les arpenteurs
soulevaient incessamment de nouvelle réclamations.
Tout était mûr pour la révolte. Nous verrons, plus tard, comment elle se
produisit, et qui tira le premier coup de feu. Mais il est dès à présent
prouvé que les griefs des Métis étaient fondés;--qu'ils étaient soutenus
depuis huit ans par les autorité ecclésiastiques;--que, depuis huit ans, on
n'avait pas su leur rendre justice; on n'avait pas même su leur répondre,
et que s'il y a jamais eu un soulèvement excusable au monde, c'est celui
de pauvres gens que, ayant usé de tous les moyens légaux pour faire
valoir leurs droits, ont été constamment trompés, remis au lendemain et,
finalement, n'ont rien pu obtenir.
CHAPITRE III
LOUIS RIEL--UN MARTYR ET UNE FAMILLE DE PATRIOTES
On peut apprécier différemment la conduite de Louis Riel en 1871 et en
1885.
Il y a quelques individus, se disant Canadien-français, qui ne manquent
pas une occasion d'insulter les patriotes de 1837.
Ce sont les mêmes qui n'ont cessé d'insulter Riel.
D'autres, qui ne sont pas des traîtres, ont hésité, au moment où l'on se
battait au Nord-Ouest, et nous comprenons leur hésitation.
Tout homme, qui a eu le malheur d'être placé par les circonstances à la
tête d'un mouvement insurrectionnel, est responsable même de ce qu'il
n'a pas voulu faire; il est exposé à être condamné par tous ceux qui
mettent le respect de la loi écrite au-dessus du droit naturel et des
principes d'humanité foulés aux pieds.
Mais, dans tous les cas, il y a trois qualités qu'on ne refusera pas à Riel.
D'abord, c'était un brave. Ses calomniateurs ont essayé, même sur ce
point, de ternir sa renommée. Mais la façon dont il est mort, ferme la
bouche à la calomnie et rend témoignage de la fermeté de son âme.
Ensuite, son désintéressement était indéniable; son dévouement à ses
frères a été le guide de toute sa vie; et c'est pour eux qu'il est mort. Là
encore la calomnie a essayé de l'atteindre. On l'a représenté comme un
ambitieux vulgaire. Mais de telles accusations ne résistent pas à
l'examen. Riel vivait heureux et tranquille au Montana, lorsque les
Métis du Nord-Ouest sont venu réclamer son appui. Il n'avait rien à
gagner avec eux, il avait tout à perdre. Il n'a pas hésité un instant devant
ce qu'il considérais comme un grand devoir à remplir; un grand devoir
qui l'a mené à l'échafaud, mais qui sera peut-être l'origine de
l'émancipation d'une race.
Une troisième qualité qu'on ne saurait contester à Riel, c'est la
séduction profonde qu'il exerçait sur tous ceux qui avaient affaire à lui.
Cette séduction ne venait point seulement de l'éloquence abondante et
mêlée d'une inexprimable douceur, dont ont rendu témoignage tous
ceux qui l'ont connu et qui ont assisté à ses dernières épreuves.
Ce qui faisait la toute-puissance de l'éloquence de Riel, c'est qu'on
sentait qu'elle partait du coeur.
Comme tous les enthousiastes, comme tous les visionnaires, il était
sujet à se tromper, à exagérer le devoir, parfois à le déplacer. Mais tous
ses compagnons savaient qu'il leur était dévoué corps et âme, et, qu'au
besoin, il donnerait sa vie pour eux.
Il avait pris part à l'insurrection de 1870. Il avait été vaincu, il avait été
proscrit; mais il était resté pour les siens un héros légendaire. On se
racontait à la veillée, les actes d'audace par lesquels il s'était rendu
célèbre, et lorsqu'il revint en 1884, à la région de Prince Albert, il
n'avait rien perdu de tout son prestige. Français, Anglais et Écossais,
tous les Métis lui avaient tendu les mains et avaient applaudi à ses
discours, parce qu'ils avaient reconnu en lui un désintéressement absolu
et un dévouement sans bornes.
Ce dévouement à sa race était, chez
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