également celles de ses contemporains. Mais pour l'intelligence des événements et des caractères, pour ce mélange de bon sens et de finesse qui démêle si bien la vérité, il est incomparable, c'est là son génie. "Il a autorité et gravité, comme dit Montaigne, et sent partout son homme de bon lieu, élevé aux grandes affaires."
Villemain.
VII.
POéSIE.
1. Si c'est en prose qu'ont été écrites les oeuvres fran?aises les plus remarquables du Moyen ?ge, la poésie n'a pas manqué. Il y eut des poètes dans tous les genres et quelques uns de leurs po?mes ont été très populaires.
De ce nombre sont: les poèmes épiques nationaux, Chansons de geste, dont le plus célèbre est la Chanson de Roland, les po?mes de la Table Ronde, les po?mes du Saint-Graal, le roman de la Rose (po?me allégorique), et le roman du Renard (po?me satirique). Il y eut ensuite des po?mes d'un ordre moins élevé, mais de plus d'intérêt et de charme: ce sont les fabliaux et les contes.
On appelle ainsi des histoires gaies ou mélancoliques, composées sur un rhythme familier et ayant pour sujet les accidents de la vie commune. On y trouve la peinture des moeurs réelles, et les qualités distinctives de l'esprit fran?ais, la finesse, la grace, le don de railler et l'art de conter. Ce qui gate la plupart de ces po?mes c'est une excessive liberté de langage. Un de ceux qui échappent à ce reproche et un des plus connus est le joli conte de Grisélidis.
2. La poésie dramatique était à l'origine d'un caractère religieux. Les pièces tirées de la légende des saints s'appelaient miracles; celles qu'on tirait de l'évangile étaient les mystères. Le plus grand des mystères fut celui de la Passion.
à c?té de ce drame grave et édifiant il y eut des pièces légères et amusantes. On les appelait moralités, sottises et farces. Une des plus populaires est la farce de l'avocat Patelin. Arrangée au 18e siècle pour la scène moderne par Bruéis et Palaprat, elle est encore aujourd'hui un modèle d'esprit et de franche gaieté.
3. La poésie lyrique fut d'abord cultivée avec succès par les troubadours, po?tes du midi. Les Fran?ais du nord moins vifs, moins expansifs, ne s'y exercèrent qu'après eux. Ils y déployèrent moins de grace, moins de sensibilité et de coquetterie, mais plus de force et d'esprit.
Les principaux po?tes qui se distinguèrent dans ce genre sont: LE COMTE THIBAUT DE CHAMPAGNE, contemporain de Louis IX; CHARLES D'ORLéANS, fait prisonnier à la bataille d'Azincourt et moins illustre comme po?te que comme père du bon roi Louis XII; VILLON, qui avait en lui l'étoffe d'un vrai po?te, mais qui gata son talent au contact de la misère et du vice. Une de ses ballades est fort connue et fort jolie: Les Dames du temps jadis. En voici deux stances:
Dictes-moy où, n'en quel pays Est Flora, la belle Romaine; Archipiada, ne Tha?s, Qui fut sa cousine germaine; écho, parlant, quand bruyt on maine Dessus rivière ou sus estan, Qui beauté eut trop plus qu'humaine?... Mais où sont les neiges d'antan[3]?
La royne Blanche comme un lys, qui chantoit à voix de sereine, Berthe au grand pied, Bietris, Allys; Harembourges, qui tint le Mayne, Et Jehanne, la bonne Lorraine, Qu'Anglois bruslèrent à Rouen; Où sont-ils, Vierge souveraine?... Mais où sont les neiges d'antan?
[Footnote 3: D'antan, de l'année dernière, du latin ante, annus.]
RENAISSANCE.
La prise de Constantinople par les Turcs en 1453 marque la fin du Moyen ?ge.
C'est un événement qui eut un grand retentissement en Europe. Il en résulta des changements avantageux au développement des lumières.
L'invention de l'imprimerie par Jean Gutenberg vers 1450 en produisit encore davantage.
Ces deux événements, aidés de l'esprit de critique et de polémique qui caractérise la réformation religieuse au XVIe siècle, inaugurent une époque féconde en travaux intellectuels: on l'appelle la RENAISSANCE.
Les principaux prosateurs fran?ais de cette époque sont: RABELAIS, MONTAIGNE, CALVIN, et AMYOT.
I.
RABELAIS. Né à Chinon en Touraine vers 1483; mort en 1553.
Fran?ois Rabelais est un des écrivains dont les oeuvres embarrassent la critique. Il est plein de grands contrastes, tour-à-tour bon et mauvais, sérieux et bouffon, délicat et indécent. Il a écrit un livre de haute fantaisie, un des plus extraordinaires qu'il y ait; mais il n'est pas facile à comprendre et ne pratique pas assez le respect des convenances.
Ce livre est le ROMAN DE GARGANTUA ET DE PANTAGRUEL. C'est une oeuvre philosophique-satirique, dont le but est d'amuser et d'instruire par la peinture de ce qu'il y a de bon et de mauvais dans toutes les classes de la société et dans toutes les conditions. Ce qui y frappe le plus c'est l'imagination, l'érudition et l'obscénité. Les idées les plus belles abondent au milieu des détails les plus indécents.
En matière d'éducation Rabelais a des vues admirables. Les plus grands humoristes procèdent de lui: Swift et Sterne, La Fontaine, Molière, Le Sage et Paul Louis Courier.
Sa langue
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