le pouvoir enfin d'un esprit aveuglé.
PAMPHILIE.
Un pere asseurement vous veut porter au change? Et que soubs d'autres loix l'inconstance vous range?
GENEST.
Il le veut, Pamphilie, il le veut: mais apprends Que d'injustes desirs me sont indifferends, Et qu'avant que mon coeur consente à cette envie, Mon amour à tes pieds immolera ma vie.
PAMPHILIE.
Je ne souhaitte pas un si funeste effet, Et peut estre son choix est-il assez parfait Pour porter son esprit à ces douces contraintes Qui causent vos transports, & peut estre vos feintes.
GENEST.
Ha! de tous les malheurs dont je ressens les coups, Voila le plus sensible, & plus rude de tous! Quoy? quand tout m'est fatal, lors que tout m'abandonne, Pamphilie elle mesme aujourd'huy me soup?onne? Non non, Madame, non, ne me soup?onnez pas, D'avoir voulu trahir mes voeux, ny vos appas; Ce change malheureux que mon pere m'ordonne, Regarde nos autels, & non vostre personne; Il ne m'empesche pas que j'adore vos yeux, Mais il veut pour le sien que je quitte nos Dieux, Et que suivant l'abus de son erreur extréme, Contre mes sentimens je le suive au baptéme. Mais plutot que je change ou d'amour, ou de loy, Plutost que je viole ou mes voeux, ou ma foy, Que ces puissantes mains qui gouvernent la foudre, D'un rouge traict de feu me reduisent en poudre. Puissé-je estre des Dieux, & des hommes l'horreur, De tous les elemens esprouver la fureur, Et si jusqu'à ce point mon jugement s'oublie, Que je sois à jamais hay de Pamphilie.
ARISTIDE.
Quoy, c'est là le sujet qui te trouble si fort? C'est là l'occasion qui cause ton transport? Et l'importunité d'une soeur, & d'un Pere, Est le mal qui t'afflige, & qui te desespere? Tesmoigne, cher Amy, tesmoigne plus de coeur, Mesprise leurs discours, & brave leur rigueur; C'est dedans les malheurs, & les plus grands orages, Que se font admirer les plus fermes courages. Laisse, laisse esclatter ce foudre, & ces esclairs, Dont les traits impuissans ne frapent que les airs, Les Dieux interessez en ces vaines menaces, Arresteront bientot le cours de tes disgraces, Et quand mesme le sort les voudroit achever, Il ne t'abaisseroit que pour te relever, Que pour rendre dans peu ton ame plus contente, Ta fortune plus haute, & bien plus esclattante, Et te faire advouer qu'il ne t'est rigoureux, Que pour te faire un jour plus grand, & plus heureux. Tous les jours le Soleil sort d'une couche noire, Et la honte est souvent un chemin à la gloire. Il est vray que chocquant un injuste pouvoir, Tu peux perdre tes biens, mais non pas ton espoir, Puis que des immortels la haute providence Peut donner à ta perte une ample recompence, Et te faire trouver loing d'un pere irrité Les fruicts de ton courage, & de ta pieté.
GENEST.
Aristide croy moy; le soin de ma fortune, N'est point dans mes malheurs ce qui plus m'importune, Puis que comme tu dis, je puis trouver ailleurs, Et de plus doux espoirs, & des destins meilleurs. Mais comment penses tu que l'amour qui me lie, Me permette jamais de quitter Pamphilie? Peux tu t'imaginer qu'il soit en mon pouvoir, L'aymant infiniment de vivre sans la voir? Non, non, loing des attraits de ses graces divines, Les plus aymables fleurs me seroient des espines, Je hayrois un trosne, & des sceptres offerts Me plairoient beaucoup moins que l'honneur de mes fers. Mais si la cruauté d'un pere inexorable, A moy mesme aujourd'huy me rend mesconnoissable, S'il faut que je demeure en ce funeste Estat, Qui m'oste mes Amis, mes biens, & mon esclat, (Pardonnez ce discours à ma melancholie,) Que deviendront nos feux aymable Pamphilie? Je s?ay que vostre coeur est grand, & genereux, Mais quoy, vous estes femme, & je suis malheureux.
PAMPHILIE.
Il est vray, je suis femme, & je le tiens à gloire, Puis qu'aujourd'huy ce nom releve ma victoire, Et faict voir en mon sexe un esprit assez fort, Pour vaincre mieux que vous les malices du sort, Je ne rediray point icy que je vous ayme, Qu'ainsi que vos vertus mon amour est extréme, Mes yeux & mes souspirs vous l'ont dit mille fois, Et vous l'ont exprimé beaucoup mieux que ma voix: Mais de quelques rigueurs dont le sort vous accable, Fussiez vous en un point encor plus deplorable, Je vous puis asseurer que ma fidelité Sera jusqu'au tombeau sans inegalité.
GENEST.
He! bien, je croiray donc dans le mal qui m'afflige, Que la nature en vous aura faict un prodige, Et qu'en vous faisant naistre elle aura mis au jour, Un miracle parfaict de constance, & d'amour, Bien qu'en cette bonté dont mon ame se flatte, Vostre adresse plutot que mon bon heur esclatte, Je veux bien toutesfois pour calmer ma fureur, Decevoir mon esprit d'une si douce erreur. Ouy, Madame, je veux que mon ame
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