bien voir que c'estoit la demeure d'un Dieu. Il vescut, dites vous, ainsi qu'on le raconte, Dedans l'ignominie, & mourut dans la honte, Abandonné des siens, trahy, desadvoué, Sur un infame bois honteusement cloué; Mais c'est par ce moyen si difficile à croire, Qu'il pretend sur sa honte establir vostre gloire, Et par l'unique prix de son sang precieux Qu'il vous veut acheter le partage des Cieux.
GENEST.
Que d'un trompeur espoir vostre ame est possedée, S'il n'a pour fondement que cette vaine idée! Et qu'un bonheur est faux, quand par un triste effort La honte le produit aussi bien que la mort. Rangez-vous du party de ces hautes puissances Qui donnent à nos voeux d'illustres recompences, Qui se font adorer en cent climats divers, Et rendent nos Cesars Maistres de l'Univers. Nous ne s?aurions faillir en suivant leurs exemples; Comme dans leurs Palais suivons-les dans les Temples, Et puis que le destin nous a faits leurs sujets, N'ayons pas en nos voeux de differents objets. Mais changeons de discours: Anthenor qui s'advance, Ne prendroit pas plaisir à cette conference: Sans doute que blessé d'un mesme traict que vous, Il me vient assaillir, & seconder vos coups.
SCENE III.
Anthenor. Genest. Luciane.
ANTHENOR.
Hé bien, s'est-il rendu ce rebelle courage?
LUCIANE.
Aussi peu qu'un Rocher qui battu de l'orage Mesprise les assauts, & de l'onde & du vent, Et paroit à nos yeux plus ferme que devant.
GENEST.
Cette comparaison n'est pas mal assortie, Mon coeur & le Rocher ont de la sympathie, Car si l'un par les vents ne se peut esmouvoir, Les souspirs ont sur l'autre aussi peu de pouvoir.
ANTHENOR.
Ha, mon fils! si ce coeur te permets de connoistre Que celuy qui te parle est l'autheur de ton estre, Fust-il cent fois plus ferme, & plus dur qu'un Rocher, Cette obligation a droit de le toucher.
GENEST.
Ouy, je vous dois le jour, je vous dois ma naissance, Et ce corps pour ce droict vous doit obeissance: Mais l'esprit qui m'anime, & que je tiens des Cieux Est un noble tribut que je ne dois qu'aux Dieux.
ANTHENOR.
Mais à ce Dieu puissant...
GENEST.
Qui n'est qu'une chimere Qu'autrefois vous blasmiez.
ANTHENOR.
Qu'à present je revere.
GENEST.
Dites plutost un Dieu que vous avez resvé.
ANTHENOR.
Un Dieu par qui tout vit, & tout est conservé, Et qui pour te donner une immortelle vie Voulut bien qu'icy bas elle luy fust ravie.
GENEST.
Pour moy? je desadvoue un si puissant effort, Et ne tiens pas ma vie un effet de sa mort.
ANTHENOR.
Horrible impieté! detestable blasphéme!
GENEST.
Mais qu'on peut effacer avec l'eau du Baptéme.
ANTHENOR.
Ouy, mon fils, vien m'y suivre.
GENEST.
Ha! ne me pressez pas.
ANTHENOR.
Quoy d'un si beau sentier tu retires tes pas?
GENEST.
Ouy, je m'en veux tirer comme d'un precipice, Où vous avez dessein qu'avec vous je perisse.
ANTHENOR.
Mais plutost où je veux te sauver avec moy.
GENEST.
Ayez soing de vous seul, & me laissez.
ANTHENOR.
Pourquoy?
GENEST.
Parce qu'importuné de vos contes frivoles Je me lasse d'ouyr tant de vaines paroles.
ANTHENOR.
Hé bien, puis que ma voix ne te peut esmouvoir, Cessant de m'escouter, cesse aussi de me voir: Va, Monstre, je suivray la loy que tu me donnes, Et t'abandonneray comme tu m'abandonnes.
LUCIANE.
Mon frere!
ANTHENOR.
Laissez-là cet objet odieux Implorer à loisir le secours de ses dieux: Ils vont en un haut poinct eslever sa fortune, Et vostre affection le choque, & l'importune.
SCENE IV.
Genest. Pamphilie. Aristide.
GENEST.
Cet orage, Anthenor, touche peu mes esprits, Comme je l'attendois il ne m'a pas surpris, Et depuis quelque temps j'ay bien p? me resoudre En ayant veu l'esclair, d'ouyr gronder la foudre. Mais ainsi que l'esclat du celeste flambeau Qu'on voit apres l'orage & plus clair, & plus beau, Les divines clartez des yeux de Pamphilie Viennent chasser l'horreur de ma melancholie, Et par les doux regards de ces astres d'amour Dans mon adversité me rendre un plus beau jour. Exemple merveilleux d'une rare constance, Cher objet de mes voeux, & de mon esperance, C'est de vous seule enfin qui gouvernez mon sort Que j'attends desormais ou ma vie ou ma mort. Tout me trahit, Madame, & tout me persecute, Aux plus grands des malheurs le ciel m'a mis en butte, Et leurs traits toutesfois me sembleroient bien doux S'ils me laissoient l'honneur d'estre estimé de vous. Cet espoir tient encor ma fortune en balance, Luy seul est le secours qui reste en ma deffence, Et comme vostre coeur est grand & genereux, Je n'oze pas encor me dire malheureux.
PAMPHILIE.
Quel est vostre malheur, & quelle est cette crainte? Desja sans les s?avoir j'en partage l'atteinte, Et mon amour est tel que vous luy feriez tort De le croire sujet aux caprices du sort. Vos rares qualitez, vos voeux, & vostre flame L'ont depuis trop long-temps imprimé dans mon ame, Et malgré vos soup?ons je vous puis asseurer, Qu'il n'est point de malheur qui le puisse alterer. Mais enfin dictes nous quelle est vostre infortune?
GENEST.
C'est une passion à mes veux importune, Un zele sans raison, un desir dereglé, Et
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