coeur, que mon coeur . . . . . . . a de
peine...
Que Dieu vous garde, mes amis.
Nous, par la grâce de Dieu,
Marie.
À sa mère. Florence.
Chère maman,
Nous descendons à l'hôtel de France. Ah! je suis habituée à voyager...
je ne fais que cela depuis quelque temps. Je suis gaie et bien portante.
Ce qui est vilain, c'est que nous ne connaissons pas une âme, moi et ma
tante, deux femmes seules, enfin résignons-nous!
Quelle vie, quelle animation! des chants, des cris partout. Je me sens
bien ici. Nous sommes comme dans une forêt sauvage, comme le Dante
_una selva reggia_, je ne sais où l'on va, quelle fête il y a, rien, rien,
rien! Mais, comme a dit un poète russe: notre bonheur est dans notre
misérable ignorance. C'est vrai, je ne sais rien ici et je suis à peu près
tranquille. J'en voudrai beaucoup à la personne qui me tirera de _cette
misérable ignorance_: qui me dira, il y a bal là, fête ici; j'en voudrais
être et je serais tourmentée.
Il fait un clair de lune superbe et notre hôtel est situé sur la seule partie
de l'Arno qui ne soit laide et desséchée, comme le Paillon de Nice. À
demain les visites aux galeries, aux palais!
Ah! comme on vit bien ici! Nous avons visité le Palazzo Pitti, puis la
galerie de tableaux. Le tableau qui m'a le plus frappé, c'est le jugement
de Salomon en costume moyen âge,--il y a plusieurs autres naïvetés
pareilles. Tu sais que je respecte les tableaux très anciens, ce qui ne
m'empêche pas cependant de voir leurs défauts. Une Vénus avec des
pieds si mal faits, qu'on dirait qu'elle a porté des souliers à grands
talons. Mes pieds sont bien mieux.
Il y a de très belles et très curieuses choses dans ce palais, il y en a pour
des millions. Ce que j'aime le mieux, ce sont des portraits, parce que ce
n'est pas inventé, composé, arrangé. Il y a aussi une curieuse collection
de miniatures. Pourquoi donc ne s'habille-t-on pas comme avant? Les
modes d'à présent sont laides. Tu sais, une fois mariée, mon genre est
tout décidé, genre mythologique, empire ou plutôt directoire, mais plus
décent, très décent. Il y a de ces délicieuses robes, croisées comme par
hasard, et serrées devant par une ceinture. Oh! les femmes d'à présent
ne savent pas s'habiller, les plus élégantes sont mal mises. Enfin, ayez
patience, si Dieu m'accorde la grâce de faire ce que je veux, vous
verrez une femme un peu bien arrangée.
De là nous allons à la maison de Buonarotti; mais il y a une telle foule,
qu'on ne peut pas bien voir. Ensuite al Museo del Pietre D. Superbe
mosaïque. Ensuite al galeria del Belorta. Je ne vais pas la décrire.
Quand tu seras bien portante, nous irons ensemble; d'ailleurs il faudrait
un volume et la description n'en donnerait aucune idée. Tu sais que
j'adore la peinture, la sculpture, l'art enfin.
Au revoir, à bientôt. Je t'embrasse.
À son grand-père. Florence, mercredi, 15 septembre 1875.
Cher grand-papa,
Nous sommes allées à la galerie Degli uffici qui communique avec le
Palais Pitti et que j'ai vue hier autant qu'on peut voir en passant.
Aujourd'hui, c'est autre chose; j'y suis restée une heure et demie. Les
statues et les bustes grecs me retiennent longtemps.
Je suis désappointée à la vue de la tête d'Alcibiade; jamais je ne me le
figurais avec le front charnu, cette petite bouche montrant les dents,
cette petite barbe.
Cicéron est assez (je ne le prends pas pour un Grec, soyez tranquille)
bien, mais ce pauvre Socrate! Oh! Il a bien fait de faire de la
philosophie et de causer avec son génie, il ne pouvait pas faire autre
chose! Quelle laideur ridicule!
Enfin me voilà devant la fameuse Venera Medica! Cette petite poupée
est une déception nouvelle. Ces chevilles ressortantes n'excitent pas
mon admiration, et la tête et les traits communs à toutes les statues
grecques! Non ce n'est pas là Vénus, la déesse charmante, la mère de
l'amour. La bouche est froide, les yeux sans expression; certes les
proportions sont admirablement gardées, mais que lui resterait-il donc,
si les proportions étaient moins parfaites! Qu'on me nomme barbare,
ignorante, arrogante, stupide, mais c'est mon avis. La Vénus de Milo
est beaucoup plus Vénus.
Je passe aux peintures et trouve enfin une chose digne du nom de
Raphaël, pas une image plate et effacée comme ces madones, pas un
Christ enfant comme en papier mâché, mais une tête vivante, belle,
fraîche. La Fornarina. Peut-être est-ce parce que je n'y comprends rien,
mais je préfère de beaucoup cette tête à toutes ses madones ensemble.
Une femme de Titien, blonde et grasse, est admirable en Flore, on la
retrouve au
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