absent, pendant que lui
s'occuperait de sa symphonie. Le devoir n'avançait pas vite, car j'étais,
en effet, fort distrait, prêtant beaucoup l'oreille aux sons du piano qui
m'arrivaient de l'autre côté du jardin, du cabinet de Georges. M. Pigot a
raconté dans son livre l'histoire du Scherzo et de la symphonie. Je n'ai
donc simplement qu'à insérer dans cette introduction les lignes
suivantes extraites de ma brochure de 1877:
«Le titre, Souvenirs de Rome, a dû être choisi au dernier moment, car
Bizet ne m'en avait jamais parlé. Il voulait d'abord écrire une
symphonie dans la forme de celles de Beethoven et de Mendelssohn, où
eût pris place un Scherzo joué à l'Institut après son retour de Rome, et
plus tard par l'orchestre de M. Pasdeloup. On a vu qu'en la retouchant,
il ne paraissait pas songer à écrire de la musique descriptive.»
Pour la Jolie Fille de Perth, je dois faire remarquer, à propos du résumé
du premier acte qu'il m'envoyait dans sa première lettre de septembre
1866, que, plus tard, deux morceaux ont été supprimés: une romance de
Smith après la sortie des forgerons, et un duo entre Smith et Mab. Ce
duo a été remplacé par les couplets de Mab. Je trouve encore un
passage à prendre, touchant cet ouvrage, dans la brochure de 1877.
J'écrivais alors:
«On a vu[6] qu'il s'était plusieurs fois déclaré satisfait de son oeuvre. Il
tenait à faire le moins de concessions possible au faux goût du public,
ayant au plus haut degré le respect de son art, et dédaignant les succès
obtenus par des moyens que réprouvait sa conscience d'artiste. Lorsque,
en 1867, il me fit connaître sa partition, il me communiqua d'abord les
morceaux qu'il croyait avoir le plus de valeur. Ce sont: au premier acte,
le duo de Smith et de Catherine, au moins la phrase principale; au
deuxième, le choeur de la ronde de nuit, la danse bohémienne et l'air de
Ralph, où M. Lutz se fit tant applaudir; le duo de Mab et du duc avec le
menuet dans la coulisse, au troisième acte; au quatrième, le duo de
Smith et de Ralph avec choeur et le choeur de la Saint-Valentin.»
[Note 6: Dans des fragments de ses lettres.]
En me jouant la ballade à roulades de Catherine au quatrième acte, il
me dit qu'il était obligé de céder là-dessus, qu'il avait tâché de faire en
même temps quelque chose qui restât musical, et me demanda s'il y
avait réussi. On connaît la lettre qu'il écrivit à Johannès Weber après la
première représentation, lettre que le critique publia dans son feuilleton
du Temps, numéro du 15 juin 1875[7], et où on lisait ces mots: «J'ai fait
cette fois encore des concessions que je regrette, je l'avoue. J'aurais
bien des choses à dire pour ma défense, etc.»
[Note 7: Elle a été reproduite par M. Pigot dans son volume Georges
Bizet et son oeuvre, p. 113.]
Pendant l'exposition universelle de 1867, on avait ouvert un concours
entre les musiciens pour la composition d'une cantate et d'un hymne.
Bizet et Guiraud prirent part à ce concours sous un pseudonyme inscrit
dans le pli cacheté joint aux manuscrits. On verra dans la première
lettre de juin 1867 que celui de Bizet était Gaston de Betsi, et Tésern,
celui de Guiraud, mais Guiraud, je crois, n'avait adopté le pseudonyme
que pour l'hymne. Tous deux avaient donné l'adresse des compositeurs
imaginaires à Montauban; Bizet, chez moi, Guiraud, chez un de mes
amis. La cantate était jugée par eux intéressante; ils pensaient qu'on
pouvait écrire avec elle de la vraie musique, et celle de Bizet était belle,
en effet. L'hymne, au contraire, accompagné par une fanfare, leur
paraissait n'être qu'un choeur d'orphéon, et ils le tournaient en charge,
s'étudiaient à être vulgaires. Bizet, pour qu'on ne reconnût pas son
écriture, me le faisait copier, et je me souviens d'une bonne soirée de
travail à nous trois, au mois de mai, rue Fontaine, Guiraud et lui
orchestrant leurs cantates, moi transcrivant son hymne. Quand je fus
rentré à Montauban, je reçus de Guiraud un billet qui contenait, au sujet
de l'hymne, un mot bien caractéristique puisqu'il me parlait du cas où il
aurait réussi à faire assez mauvais pour que son enveloppe fût
décachetée.
Bizet se servit du même pseudonyme pour signer le seul article de lui
qui parut à la Revue Nationale; il modifia seulement l'orthographe,
mettant Betzi, avec un z, au lieu de Betsi. Nous n'avons pas, plus tard,
en 1868, beaucoup causé de cet article. Il me semble qu'il n'en était pas
très satisfait. On verra dans sa première lettre d'octobre 1867 comment
le second, qu'il avait préparé, ne fut pas inséré. Depuis lors, il ne
s'occupa plus de critique.
Sur Noé, je disais en 1877:
«Après la Jolie Fille de Perth on
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