1748), lorsque Chevert fut obligé d'abandonner la ville
de Moncalvo, il y laissa, dit le duc de Broglie, à qui nous empruntons ces lignes, ses
blessés et ses malades, en les recommandant à la clémence du vainqueur, qui, entrant
dans la ville sans résistance, n'aurait eu aucune raison pour maltraiter des infortunés.
Mais avant que les Piémontais eussent paru devant les remparts, un de ces pauvres
abandonnés, un sergent, qui portait le nom de guerre de Va-de-bon-coeur, se soulevant
sur son grabat et se retournant vers ses compagnons: «Camarades, leur dit-il, est-ce que
nous allons nous rendre sans souffrir au moins pour deux liards de siège?» Et il leur fit
comprendre que, moyennant quelques vieilles pièces de canon rouillées, mises en place
sur les remparts, on pouvait faire un simulacre de défense qui leur donnerait droit aux
conditions d'une capitulation honorable. Aussitôt dit, aussitôt fait, et quand le baron de
Leutrum arriva aux portes de la ville, il fut reçu, à sa grande surprise, par une décharge
d'artillerie qui mit quelques-uns de ses hommes hors de combat. Touché lui-même de ce
trait d'énergie, il fit tout de suite offrir à ces défenseurs improvisés de leur accorder le
traitement qui leur conviendrait. «Non, répondit Va-de-bon-coeur, nous ne nous rendrons
pas que vous n'ayez fait une tranchée, ne fût-elle que de la longueur de ma pipe.»
Leutrum se prêta à la plaisanterie, et après une heure de bombardement assez mollement
opéré, il accorda aux assiégés une capitulation qui leur permettait de sortir avec les
honneurs de la guerre. Le régiment des infirmes défila alors devant lui, chacun portant, en
guise des armes qu'il n'aurait peut-être pas été en état de soutenir, quelque signe de sa
maladie ou de sa blessure: celui-ci brandissant sa béquille, cet autre le bras en écharpe,
quelques-uns montés sur les épaules de leurs camarades, et ce fut dans cet appareil qu'ils
rejoignirent l'armée française, où ils furent reçus avec de joyeuses acclamations.
N'était-ce pas un sous-off, encore, que ce sergent Dubois, qui, avec le chevalier d'Assas,
poussa, à Klostercamp, un cri héroïque et légendaire, qui lui valut la mort: «A moi,
Auvergne, ce sont les ennemis!»
Mais qu'est-il besoin de citer des exemples empruntés à l'histoire du siècle dernier? Sans
parler des quatre sergents de la Rochelle, les récentes guerres sont pleines de traits
d'héroïsme accomplis par des sous-officiers.
Le 4 juin 1853, à Magenta, l'adjudant Savière du 2e bataillon des zouaves, s'élance sur un
porte-drapeau autrichien et à la gloire de s'emparer de l'étendard ennemi.
Le 24 juin 1859, c'est le sergent Garnier, de la 1re compagnie du 10e bataillon de
chasseurs, qui s'empare du drapeau du 60e de ligne autrichien.
Au Mexique, à l'affaire du Borezzo, un drapeau est enlevé par le sergent de grenadiers
Picarent. Le fourrier Besançon, le 28 janvier 1865, s'empare d'un drapeau de la division
Rojas.
A la bataille de l'Alma, le sergent-clairon Gesland, le poignet brisé par un boulet, se fait
amputer, et revient se placer à la tête de ses clairons.
Est-il besoin de retracer les exploits du sergent Blandan en Algérie? La France
reconnaissante élevait hier un monument à sa mémoire, et le récit de ses exploits est
encore dans toutes les bouches.
C'était aussi un sous-off, que ce sergent Bobillot, tombé au champ d'honneur, dans ce
Tonkin dont, au dire de M. Descaves, les Français ont peur, et où ils ne vont point.
Savez-vous ce qu'il écrivait dans une lettre, la dernière peut-être qu'on ait reçue de lui:
«Moi, je rêve de quelque grand projet irréalisable, d'une flèche iroquoise, d'une fièvre
jaune ou d'un chemin de fer transatlantique.
«... Il paraît qu'il faut passer par la mort pour naître à la gloire.
«Je voudrais mourir comme Chénier sur l'échafaud, comme Dolet sur le bûcher, comme
Mürger à l'hôpital. Mais l'hôpital est encore si peu. Oh! qu'il vienne une guerre sibérienne,
chinoise ou patagonienne, mais qu'elle vienne et que j'y tombe: je me relèverai roi.»
Dans un court billet, écrit à la veille de sa mort, il disait encore:
«J'AI LE PRESSENTIMENT JOYEUX QUE JE NE REVIENDRAI PAS EN
FRANCE...»
Et l'illustre sergent Hoff, le héros du siège de Paris, qui attend aujourd'hui, entre le
revolver d'honneur qui lui a été offert, et ses bottes déjà graissées pour le départ, l'heure
où il faudra marcher pour la Revanche, savez-vous en quelle estime le tiennent ses chefs
hiérarchiques?
Le général Le Flô, dans une lettre datée de 9 mars 1873 raconte ce qui suit:
«Chaque fois que je l'ai vu, il m'a touché par sa simplicité, sa modestie, et j'ajoute: par
son désintéressement. Au moment de quitter Paris pour essayer de porter une lettre de
moi au maréchal Bazaine, et ayant reçu la promesse d'une récompense de 20,000 francs,
s'il me rapportait une réponse à cette dépêche, il me dit: merci, mon
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