Les voix intimes | Page 8

J.-B. Caouette
que la vertu romaine vit toujours?Et que sa male voix--sa voix des anciens jours--
Parle à des coeurs d'élite!
C'est là que Cartier vint, pour la première fois,?Ennoblir notre sol en y plantant la croix
Sous l'ombrage des hêtres;?C'est là que sont empreints les pas des découvreurs,?C'est là qu'ont abordé nos vaillants laboureurs
Avec nos premiers prêtres!
C'est là d'où sont partis ces humbles conquérants?Qui portaient à travers forêts, monts et torrents
La parole bénie?A l'enfant des déserts que la foi réclamait...?C'est enfin le berceau grandiose où germait
La noble colonie!
J'aime ce vieux faubourg coquet et florissant,?Où le riche à sa table accueille le passant
Qui demande une obole;?Car c'est là que s'exerce avec simplicité?La bienfaisante loi de l'hospitalité
Qui ravit et console!
Oui, je t'aime, ? Saint-Roch! A ton passé rêvant,?Parfois je crois ou?r un poème émouvant
Dans la rumeur de l'onde?Où se mirent les toits de la fière cité?Dont l'immortel Champlain devina la beauté
Qui charme le Vieux-Monde!
Je t'aime! car je sais qu'à l'ombre de la croix?Vaillamment tu luttas pour défendre nos droits
Contre le despotisme;?Et qu'en toi bat le coeur de notre nation;?O boulevard béni de la religion
Et du patriotisme!
Mai 1880.
A LA BRISE
Haleine du printemps, ? brise parfumée,?Errant de fleur en fleur, de vallon en vallon!?L'amoureux, pour ou?r ta roulade animée,?S'arrache sans regret aux plaisirs du salon.
Il place sur ton aile, aimable messagère,?Ses longs soupirs d'amour, ses rêves de bonheur,?Et tu vas les porter à l'amante sincère?Qui, là-bas, les re?oit dans les plis de son coeur.
Que de fois le poète a redit sur sa lyre?Les gracieux accords qui vibraient dans ta voix,?Et que de fois l'oiseau dans un joyeux délire?S'est mis à les chanter sous les arceaux des bois!
O brise enivre-moi longtemps de ton ar?me!?Viens rafra?chir mon ame où germe la douleur!?Passe devant mes yeux comme un léger fant?me,?Et porte jusqu'à Dieu l'écho de mon malheur!
Mai 1882.
OCTAVE CRéMAZIE
Prions pour l'exilé, qui, loin de sa patrie,
Expira sans entendre une parole amie;
Isolé dans sa vie, isolé dans sa mort,
Personne ne viendra donner une prière,
L'aum?ne d'une larme à la tombe étrangère!
Qui pense à l'inconnu qui sous la terre dort?
OCTAVE CRéMAZIE.
S'il est un nom qui rime avec la poésie,?C'est celui de l'illustre Octave Crémazie,
Le nom d'un barde bien-aimé;?D'un barde qui creusa, comme le vieil Horace?Dans le champ du génie une profonde trace
Que suivent Fréchette et Lemay.
Bien des fois, secouant sa sombre rêverie,?Il chanta sur son luth l'amour de la patrie
Et les vertus de nos a?eux;?Du prêtre canadien il chanta la science,?La foi, la charité le dévouement immense
Et les triomphes glorieux!
En pleurant il chanta le drapeau de la France,?Ce riche talisman, témoin de la vaillance
De nos soldats à Carillon;?A ce vieux drapeau blanc environné de gloire,?Rappelait à son coeur la plus belle victoire
Qu'e?t remportée un bataillon!
Il chanta les vallons tapissés de verdure?Que le ciel a jetés, ainsi qu'une bordure,
Sur les rives du Saint-Laurent;?Il chanta les ruisseaux, les lacs et les rivières?Qui fécondent le sol, et les cimes altières
Où gronde et bondit le torrent.
Il chanta tour à tour le zéphyr, l'hirondelle,?Le site merveilleux de notre citadelle
Et nos modestes monuments.?La foi de nos martyrs inspirait ses mélanges?Qui semblaient aussi doux que les hymnes des anges
Envolés au souffle des vents!
Mais un jour--oubliant la sainte poésie--?Il eut, dans un moment de gêne et de folie,
Une coupable illusion:?Comme l'arbre géant brisé par la tempête,?Le poète courba sa belle et noble tête
Sous la peine du talion...
Bien des ans ont passé depuis cette heure sombre!?Crémazie, en voyant à son étoile une ombre,
A fui le lieu de ses malheurs...?Il a vécu longtemps sur la terre étrangère,?Abandonné de tous, en proie à la misère,
Vidant la coupe des douleurs!
Aujourd'hui... mais silence!... Il sommeille sous
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