Les voix intimes | Page 7

J.-B. Caouette
le touriste admire aux bords du Saint-Laurent.?Ils s'arrêtent parfois dans leur pèlerinage?Pour saluer le nom d'un noble personnage?Buriné sur l'airain d'un humble monument.
Ils vont se recueillir un instant dans le temple?Sous le tendre regard de Dieu qui les contemple?Et les fait triompher d'ennemis dangereux;?Ils retrempent leur foi--la foi des leurs ancêtres--?Que savent leur transmettre une foule de prêtres?Aussi braves et saints que Brébeuf et Buteux.
Et lorsqu'ils ont offert au ciel un pur hommage,?Ils retournent chacun festoyer sous l'ombrage?Des érables plantés en l'honneur de saint Jean.?O les joyeux refrains que chantent les poitrines?Que de mots répétés par des voix argentines?Et qui mettent la joie au coeur de l'indigent...
Puis, le soir, ils s'en vont sur la place publique?Où d'éloquents tribuns, à la voix sympathique,?Redisent la valeur de ceux qui ne sont plus;?Il sont heureux d'entendre exalter la mémoire?De ces fameux héros dont nous parle l'histoire,?Et jurent d'imiter leurs brillantes vertus!
O Canadiens-Fran?ais d'une même croyance,?Vous dont le fier esprit égale la vaillance,
Fêtez avec éclat ce jour!?Portant de Carillon l'immortelle bannière?Allez au champ d'honneur vénérer la poussière
Des guerriers morts pour votre amour!
Juin 1889
IL SERA PRêTRE!
A MADAME L. G. V...
Le prêtre est un pont jeté entre le ciel et
la terre. Le jour où il n'y aurait plus
de prêtres, le monde s'ab?merait dans une
immense ruine.
C'était un beau matin. Les cloches de l'église?Mêlaient joyeusement aux accords de la brise
Leurs sons harmonieux;?Le peuple agenouillé dans notre basilique,?Adressait en son coeur une douce supplique
Au Monarque des cieux.
A l'autel se tenaient douze jeunes lévites?Venus pour dire au monde, aux plaisirs illicites
Un éternel adieu;?Leurs lèvres murmuraient d'ineffables prières?Et des larmes d'amour nageaient sous leurs paupières
Quand ils firent le voeu.
Que c'est donc merveilleux cette cérémonie!?Quel cachet de grandeur, de sainte poésie
Ne contient-elle pas??Et ces fils d'Adam, nés comme nous dans les larmes,?Livreront à satan et ses compagnons d'armes
Des valeureux combats!
Quelle langue pourrait, ? noble et digne femme!?Exprimer le bonheur dont fut pleine votre ame
Au ?voeu? de votre enfant??Ah! vous étiez heureuses au delà de tout rêve,?Car l'évêque sacrait, ? pauvre fille d'ève,
Le sang de votre sang!
Oui, vous étiez heureuse, ? bonne et tendre mère,?Plus que si des honneurs la couronne éphémère
E?t ceint ce front aimé;?Heureuse jusqu'au point de croire que Dieu même?N'avait jamais offert de plus beau diadème
En son ciel embaumé.
Réjouissez-vous bien, na?ve et sainte femme!?Exaltez cet enfant que l'église proclame
Un dévoué pasteur;?Contemplez son regard où la pureté brille,?Son front calme et serein où la grace scintille,
Ses traits pleins de douceur!
Vous l'aimiez!... Cependant lorsqu'il vous fit conna?tre?Que le ciel l'appelait à devenir un prêtre,
L'ami des malheureux,?Alors vous avez dit, avec le saint prophète;??Que votre volonté, verbe divin soit faite
Ici-bas comme aux cieux!?
Il sera prêtre! Ainsi, joyeux, il abandonne?Les passagers plaisirs auxquels l'homme s'adonne,
Et qui font son malheur;?Il quitte sans regret amis, parents richesses;?Son coeur--br?lant foyer des pures allégresses--
Palpite avec ardeur!
Ses mains que pressiez jadis avec tendresse,?Toucheront désormais, durant la sainte messe,
Le corps, le sang de Dieu;?Ses pieds qu'avec amour vous baisiez dans les langes?Serviront à porter l'auguste pains des anges
Aux mortels, en tout lieu!
Femme, vous n'aurez pas l'orgueil d'être grand'mère,?Mais votre fils unique aura, sur cette terre,
Une postérité:?Elle renfermera le grand, le prolétaire;?Le vieillard et l'enfant le nommeront ?mon père?,
L'oeil brillant de fierté.
Il sera prêtre! Aussi que de brebis errantes?Reprendront sous ses soins, heureuses, repentantes,
La route du bercail;?Et que de malheureux, guidés par sa parole,?A son exemple, iront, de l'équateur au P?le,
Achever son travail!
Nouveau Vincent de Paul, cet homme charitable?Pressera sur son sein le pauvre misérable,
Abandonné de tous;?Il lui prodiguera les plus grandes tendresses,?Et ce pauvre, touché, contera ses faiblesses
En tombant à genoux!
Puis, lorsque les méchants, le coeur rempli de rage?Maudiront, saliront de leur ignoble outrage
L'ap?tre du Seigneur,?Alors cet homme saint sentira dans son ame?Un amour plus ardent, une plus vive flamme
Pour le faible pécheur?
Il est consacré prêtre! Et vous, sa bonne mère,?Vous go?tez ardemment sa parole sincère,
Pleine d'émotion.?Vous assistez tremblante, à la première messe?De ce fils qui vous donne--? sublime caresse!--
Sa bénédiction...
Femme, allez maintenant à vos oeuvres pieuses,?Et lorsque sonneront les heures douloureuses,
Pensez à votre enfant;?Pensez aux doux bienfaits qu'il sème sur la terre:?Ce souvenir sera le baume salutaire
De votre coeur souffrant
Juin 1879.
LE FAUBOURG SAINT-ROCH
Le vieux faubourg Saint-Roch s'incline sur le bord?De l'anse sablonneuse où le Saint-Charles endort
Son flot bleu qui palpite;?C'est là
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