Les voix intimes | Page 3

J.-B. Caouette
venu, sa lèvre pure?Dira peut-être un mot d'amour!...
Oui, l'homme, les oiseaux, les plantes?Et l'onde aux bruits mystérieux?Mêlent leurs voix reconnaissantes?Pour célébrer le Roi des cieux.
Car tout ce qui vit et respire,?Tout ce qui chante, pleure ou croit,?Reconna?t qu'il est sous l'empire?D'un esprit souverain et droit!
Printemps, réveil de la nature,?Oh! sois le bienvenu toujours!?Quand tu parais, la créature?Espère encore des beaux jours!
C'est toi qui donnes à la plaine?Son riche et moelleux vêtement;?C'est toi qui fais germer la graine?D'où sortira notre aliment!?C'est toi qui rends au pulmonaire?La force et souvent la santé;?C'est toi que l'Indien vénère?En recouvrant la liberté!
O printemps, messager Celeste,?Admirable consolateur?Ton éclat seul manifeste?La puissance du Créateur!
4 juin 1887.
SAMUEL CHAMPLAIN
A L'HONORABLE JUGE A. B. ROUTHIER.
Stadaconé tr?nait dans sa majesté vierge?Au-dessus des flots bleus que roulaient sur la berge
Avec un bruissement clair.?A travers les réseaux de la vigne embaumée?L'indigène vivait dans sa hutte enfumée,
Libre comme l'oiseau de l'air.
Sur l'immense plateau couronné de verdure,?Les linotte mêlaient leur gracieux murmure,
Aux suaves rumeurs des eaux.?Rien ne troublait alors l'harmonie enivrante?Que l'onde, les rameaux et la brise odorante
Versaient à la voix des échos.
Maintes fleurs au soleil entr'ouvraient leurs corolles?Où les abeilles d'or, inconstantes et folles,
Cueillaient le miel délicieux.?Stadaconé semblait tressaillir d'allégresse,?Et de chaque taillis un chant rempli d'ivresse
Montait avec l'ar?me aux cieux.
Mais soudain des clameurs mystérieuses, vagues,?Ayant l'air de surgir des profondeurs des vagues,
Interrompent ce doux concert;?Un long serpent de feu court à travers l'espace,?Et la voix du canon--à la brise qui passe--
Lance un rugissement d'enfer!
Un sauvage, à ce bruit, de son wigwam se sauve,?Croisant dans la forêt plus d'une bête fauve
Prise d'un fol effarement;?Mais bient?t il s'arrête au bord d'une clairière,?Et sur le fleuve voit une souple voilière
Mouiller l'ancre à l'abri du vent.
Un homme jeune encore, à la vaillante allure,?Portant moustache noire et longue chevelure,
S'élance sur le sable roux.?L'indigène, charmé par le noble visage?De celui qui para?t le chef de l'équipage,
Va se jeter à ses genoux.
Quel est donc l'inconnu qui vient fouler ces grèves?Que l'enfant des forêts--voyant s'enfuir ses rêves--
Dispute aux blancs en souverain??Sauvage, incline-toi devant ce nouveau père?Qui rendra ton pays civilisé, prospère!
Incline-toi devant Champlain!
Il vient, au nom du roi qui règne sur la France,?Dissiper les erreurs, le vice et l'ignorance
Dans les coeurs na?fs ou pervers,?Fonder en Amérique une humble colonie?De la France éclairant par son vaste génie
Tous les peuples de l'univers!
Levant de l'avenir un coin du voile sombre,?Il voit des ennemis le combattre dans l'ombre
Comme des tigres enragés;?Mais sa foi, ses vertus, son esprit, sa prudence,?Le feront triompher, avec la Providence,
Des ennemis et des dangers.
Après avoir gravi le rocher gigantesque?Et contemplé longtemps le table pittoresque
Qui s'offre à ses regards ravis,?Il regagne les flots du beau fleuve qu'il aime,?Et, tout près de ses bords, il travaille lui-même
A batir le premier logis.?Champlain vient de jeter les bases de la ville?Où fleurira bient?t la grande loi civile
A c?té de la loi de Dieu.?Il apprend que du Val, un Fran?ais malhonnête,?Conspire contre lui: du Val meurt, et sa tête
Sanglante, est mise au bout d'un pieu!
Il est sévère, soit! mais juste et charitable;?Sa bourse, son coeur d'or, son logis et sa table
S'ouvrent à tous les malheureux.?Et les chefs des tribus algonquine et huronne,?Touchés de ses bienfaits, posent une couronne
Sur son front noble et radieux!
Cet humble hommage émeut son ame magnanime?Et l'attache encor plus à la charge sublime
Qu'il tient de son seigneur et roi;?Car puisque dans ces coeurs il a déjà fait na?tre?Un peu de gratitude, il y fera peut-être
Briller les rayons de la foi.
Il leur enseigne à tous l'art de l'agriculture,?Et, vrai Cincinnatus, commence une culture
Que dieu couronne de succès.?C'est lui qui, le premier, arrache à cette plage?Le secret de donner au blanc comme au sauvage
Le pain, ce levier du progrès!
Mais l'illustre Fran?ais ne voit pas tout en rose;?Son front serein naguère est maintenant morose:
Il pleure sur le sort des siens.?Ah! c'est que, par delà les monts et les rivières,?Habite une autre race, aux instincts sanguinaires,
Qui l'outrage et pille ses biens!
C'est la race iroquoise, avide et dominante,?Qui veut anéantir cette ville naissante
Et régner sur tout le pays.?Elle hait les Hurons et les visages pales?Et caresse l'espoir d'ou?r leur derniers rales
Et de mordre à leurs flancs roussis!
Champlain s'efforce encor d'apaiser les colères?Des Algonquins qu'il a traités comme des frères.
Mais à sa voix nul n'est soumis.?Les Iroquois d'ailleurs--véritables colosses--?S'avancent, l'arme au poing, l'oeil et les traits féroces
Pour attaquer leurs ennemis.
Un chasseur, survenant, confirme la nouvelle?que deux cents Iroquois, pris d'une ardeur nouvelle,
Viennent pour un combat prochain.??Alors, répond Champlain, puisqu'ils veulent la guerre,??Et, par orgueil, rougir de leur sang cette terre,
?Ils seront exaucés demain!?
Le soir, notre héros, entouré de ses braves?Qui n'ont jamais connu la honte des entraves,
Marche au devant des Iroquois.?Il les rejoint à l'aube, au milieu de leur danse,?Aux bords du lac Champlain.--Assoiffés de vengeance.
Les Hurons vident leurs carquois.?Le soleil, qui se lève, embrase la ramée?Où se tiennent Champlain et sa modeste armée
Un ennemi vient les voir;?C'est un
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 36
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.