Les voix intimes | Page 4

J.-B. Caouette
chef que distingue un panache de plumes,?Et son accoutrement diffère ses costumes
Des autres monstres à l'oeil noir.
Levant son arme, il dit, d'une voix sombre et dure:??A tous ces gueux il faut ?ter la chevelure,
?Et la faire flotter aux vents!??Champlain, sortant du bois, au premier rang se place,?Et, d'un coup d'arquebuse, en abat trois sur place,
Le chef et ses premiers suivants!
Ce coup fameux inspire aux Iroquois la crainte;?Ils luttent chaudement, mais leur bravoure est feinte:
La frayeur se lit dans leurs yeux!?Ils reculent bient?t en cohorte confuse,?épouvantés qu'ils sont par les coups d'arquebuse
Que Champlain décharge sur eux!
Voyez-les déguerpir, ces guerriers si terribles?Qui devaient déchirer de leurs ongles horribles
Les cadavres de leurs rivaux!?Ils sont laches, c'est vrai, mais--tigres indomptables--?Ils voudront assouvir leurs haines implacables
Contre Champlain et ses héros.
Les ans passent. Champlain quitte la colonie?Pour aller demander à la France bénie
Les soldats de la vérité.?Car ce n'est pas, dit-il par la poudre et les balles?Qu'on pourra subjuguer ces bandes cannibales:
Du prêtre il faut la charité!
Il revient au printemps, le coeur rempli de joie,?Avec de fiers colons que la patrie envoie
Escortés de religieux.?A sa charge il pourra se livrer sans relache,?Laissant aux récollets la grande et sainte tache
De gagner des ames aux cieux!
Il fonde, il établit de florissants villages?Où naguère émergeaient des bourgades sauvages
Couvertes d'un maigre gazon;?A la brise aujourd'hui le blé d'or s'y balance,?Promettant au colon la joie et l'abondance
Pour les jours de l'apre saison.
Il instruit l'ignorant, soulage l'infortune?Fait voir aux ennemis l'horreur de la rancune
Et prêche la fraternité;?Il soutient des combats qui le couvrent de gloire,?Et pose les jalons d'une héro?que histoire
Qu'il lègue à la postérité!
Québec n'est plus ce roc à l'aspect morne et sombre?Où venaient autrefois se reposer à l'ombre
Le chevreuil, la biche et l'élan.?La vigne et le noyer sont tombés sous la hache?La nature a jeté son large et vert panache
Pour se couvrir du drapeau blanc!?L'harmonie et l'amour ne sont plus dans les branches?Où l'oiseau se cachait, mais dans les maisons blanches
Pleines d'enfants frais et mignons.?Là vit de ses sueurs un petit peuple brave?Qui peut déjà répondre à l'Anglais qui le brave:
?J'attends l'effet de vos canons!? [1]
[Note 1: Réponse de Champlain à la sommation de David Kertk, 10 juillet 1628.]
Un peuple de héros à la trempe athlétique,?A l'ame généreuse, au coeur patriotique,
Luttant pour la France et ses droits:?Un peuple qui bénit du prêtre l'influence?Et coule sur ce sol une heureuse existence
A l'ombre sainte de la croix!...
C'est ton oeuvre, Champlain, ? gouverneur illustre!?C'est toi qui fis grandir, en lui donnant ton lustre,
Ce peuple honnête et vigoureux;?C'est toi qui le soutins aux heures de l'épreuve;?C'est toi qui l'attachas aux rives de ce fleuve;
C'est toi qui le rendis heureux!?Un quart de siècle et plus, tu manias sans trêve?La charrue ou l'outil, la parole ou le glaive
Pour assurer son avenir.?Et quand la mort parut au seuil de ta demeure,--?Où le peuple assemblé pleurait ta dernière heure,--
Sans trembler tu la vis venir!
Bien des ans ont passé depuis que ta grande ame?S'est envolée aux cieux, et la patrie acclame
Ton nom toujours retentissant.?Vois--grain de sénevé que tu jetas en terre--?Ces millions de coeurs te proclament leur père
De ce pays libre et puissant!
Ils rêvaient d'ériger sur le haut promontoire?Où ton astre brillant se coucha dans sa gloire,
Un bronze digne de renom;?Et ce rêve aujourd'hui, Champlain, se réalise:?Le peuple de Québec de zèle rivalise
Pour immortaliser ton nom.
ENVOI
On sait que l'éloquence avec la poésie?Vous nourrirent jadis de leur douce ambroisie.?Car votre langue, ? ma?tre! est une lyre d'or?Réveillant même ceux que l'ignorance endort!
Le ciel vous donna l'art de plaire et de convaincre?Et celui de combattre une erreur et la vaincre...?Ah! c'est que votre coeur exhale des accents?Doux comme le cinname et purs comme l'encens!
Vous aimez--quand le peuple, enchanté, vous acclame,?A parler, l'oeil humide, et la fierté dans l'ame,?De ces illustres morts qui furent nos a?eux?Et dont les grands exploits vous rendent orgueilleux;
Alors vous recevrez, j'en ai la confiance,?Avec votre sourire et votre bienveillance,?Ces vers que je redis en l'honneur du chrétien?Que vénère et bénit le peuple canadien!
Avril 1891.
LA PRESSE CANADIENNE
A L'HONORABLE HECTOR FABRE
Nos bardes tour à tour ont chanté la ramure,?La brise, le soleil, et l'oiseau qui murmure
En voltigeant de fleur en fleur;?De notre peuple ils ont célébré l'espérance,?Les qualités, la foi, les vertus, la souffrance,
Le dévo?ment et la valeur.
Ils ont, les yeux fixés aux pages de l'Histoire?Redit avec orgueil l'éclatante victoire
De nos soldats à Carillon;?Et moi, le plus obscur du groupe littéraire,?J'ose venir chanter, d'une voix téméraire,
L'honneur d'un autre bataillon.
Ce bataillon figure en nos belles annales;?C'est lui qui défendit nos lois nationales
Conte un farouche potentat;?C'est lui qui détr?na l'infame oligarchie,?Qui, méprisant nos droits, voulait par tyrannie
Régner et posséder l'état!
Il essuya d'abord outrage sur outrage,?L'exil et la prison; mais, sans perdre courage,
Dans sa lutte il persévéra.?Alors, nos ennemis, plus orgueilleux que braves,?Cessèrent à regret de mettre des entraves,
Et l'oligarchie expira...
Devant ce bataillon qui s'appelle la Presse,?Chapeau bas, Canadiens! Et que chacun
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