Les vivants et les morts | Page 8

Anna de Noailles
gais cris, acides, brefs, suaves.?L'univers vit en lui, son ardeur sans entrave?H��le, et semble attirer le vaisseau de l'��t��!
--Qui veux-tu fasciner, oiseau de douce augure??Les morts restent des morts, et les vivants sont las?D'avoir tant de fois vu, sur de froides figures,?Le destin qui les guette et qui les accabla!
Je sens bien que le ciel est ti��de; l'��tendue?Balance sur son lac la promesse et l'espoir.?Une ��toile, incitant l'hirondelle ��perdue,?Fait briller son c��leste et liquide abreuvoir.
Et tout est orageux, furtif, pa?en, mystique;?Les r��ves des humains, aussi vieux que le temps,?Groupent leur fr��n��sie, h��sitante ou panique,?Dans la vasque odorante et moite du printemps!
Les nuages pourpr��s tra?nent comme un orage?Dont on a dispers�� la foudre et le chaos;?Tout se dilue et luit. Ciel au calme visage,?Tu viens s��duire l'homme et les yeux des oiseaux!
--Pauvre oiseau, est-ce donc ces trompeuses coutumes,?Renaissant chaque fois que s'��tend la ti��deur,?Qui te font oublier l'incessante amertume?D'un monde qui transmet la cigu? et les pleurs?
Ton d��lire est le mien; je sais qu'on recommence?A r��ver, �� vouloir, d'un coeur na?f et plein,?Chaque fois qu'appara?t le ciel d'un bleu de lin;?Et que le courage est une longue esp��rance...
Oui, l'espace est joyeux, le vent, dans l'arbrisseau,?D'un doigt a��rien creuse une fl?te antique.?L'univers est plus vif qu'un bondissant cantique;?Les fleuves, mollement, gonflent sous les vaisseaux;?Les torrents, les brebis viennent d'un m��me saut?Ecumer dans la plaine, o�� l'hiver l��thargique?Fond, et suspend sa brume aux hampes des roseaux.
L'eau s'arrache du gel, le lait emplit la cruche,?Les abeilles, ainsi que des fuseaux pansus,?Vont composer le miel au liquide tissu,?Blond soleil familier de l'��corce et des ruches!
C'est cet all��gre ��veil que tes yeux ont per?u:?Oiseau plein de grelots, ? hochet des M��nades,?H��ros bard�� d'azur, calice rugissant,?Je t'entends divaguer! Tes montantes roulades?Ont l'invincible ��lan des jets d'eau bondissants.
Matelot enivr�� dans la vergue des arbres,?Tu mens en d��signant de tes cris ��blouis?Des terres de d��lice et des golfes de marbre,?Et tout ce que l'espoir a de plus inou?;
Mais c'est par ce sublime et candide mensonge,?Par ce go?t de vanter ce qu'on ne peut saisir,?Que l'esclavage humain peut tirer sur sa longe,?Et que parfois nos jours ressemblent au d��sir!
T'AIMER. ET QUAND LE JOUR TIMIDE...
T'aimer. Et quand le jour timide va rena?tre,?Entendre, en s'��veillant, derri��re les fen��tres,?Les doux cris jaillissants, dispers��s, des oiseaux,?Eclater et glisser sur la brise champ��tre?Comme des grains l��gers de grenades sur l'eau...?--T'esp��rer! Et sentir que le golfe halette?En bleuatres soupirs vers le ciel libre et clair;?Et voir l'eucalyptus, dans la liqueur de l'air,?Agiter son feuillage ainsi que des ablettes!?--Voir la f��te ��blouie et profonde des cieux?Recommencer, et luire ainsi qu'au temps d'Hom��re,?Et, bondissant d'amour dans la sainte lumi��re,?La montagne ac��r��e incisant le ciel bleu!?--Et t'attendre! Go?ter cette impudique ivresse?De songer, sans encor les avoir bien connus,?A ton regard voil�� d'amour, �� tes bras nus,?Au doux vol h��sitant de ta jeune caresse?Qui semble un chaud frelon par des fleurs retenu!?--Et puis te voir enfin venir entre les palmes,?Innocent, assur��, sans crainte, les yeux calmes,?Vers mes bras enivr��s o�� le destin fatal?Te pliera durement et te fera du mal;?Alors saisir tes mains, comme la brusque ch��vre?Mord la fleur de cassie et rompt le myrte ��troit;?Et, les yeux clos, avoir, pour la premi��re fois,?Bu l'humide ti��deur qui dort entre tes l��vres...?--O cher patre, inquiet et d��sormais terni.?J'ai v��cu pour cela, qui est d��j�� fini!
CANTIQUE
?Amphore de C��crops, verse ta ros��e bachique!??(Anthologie grecque.)
Mon amour, je ne puis t'aimer: le jour ��clate?Comme un blanc incendie, au mont des aromates!?Le gazon, telle une eau, fra?chit au fond des bois:?Un d��lire sacr�� m'entra?ne loin de toi.?--Cette odeur de soleil ��treignant la prairie,?Ce doux hameau, cuisant comme une poterie,?Avec ses toits de brique, ardents, pourpres, poreux,?Et le calme palmier de Bethl��em pr��s d'eux,?Cette abeille qui danse, ivre, imprudente et brave,?Dans les bleus diamants de la chaleur suave,?Me font un corps c��leste, aux dieux appareill��!?--L'aigu soleil extrait des fentes du laurier,?Des ��tangs sommeillants o�� le serpent vient boire,?Une opaque senteur qui semble verte et noire.?L'��t��, de tous c?t��s sur le temps referm��,?Noie de lueurs l'azur, ��tale et parfum��;?La montagne bleuatre a l'aspect h��ro?que?Du bouclier d'Achille et des guerriers puniques,?Et je me sens pareille �� quelque aigle hardi?Dont le vol palpitant touche des paradis!?Mais je ne puis t'aimer!
--Etincelants atomes,?Jardins voluptueux, confitures d'aromes,?Baisers dissous, coulant dans les airs qui d��faillent,?Chaude ivresse en suspens, lumi��re qui tressaille,?Navires au lointain se d��tachant du port,?Promettant plus d'espoir que la gloire et que l'or,?Dont le pont clair est comme un pays sans rivage,?Ressemblant au d��sir, ressemblant au nuage,?Et dont les sifflements et la sourde vapeur?Dispensent un diffus et sensuel bonheur!...?--O sifflets des vaisseaux, mugissements languides,?Nostalgiques appels vers les ?les torrides,?Sourde voix du taureau, plein d'ardeur et d'ennui,?A qui Pasipha�� r��pondait dans la nuit!...?--Non, je ne puis t'aimer, tu le sens; les dieux m��mes?Sont venus vers mon coeur afin que je les aime;?Laisse-moi diriger mes pas dansants et s?rs?Vers mes fr��res divins qui r��gnent
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