Les vivants et les morts | Page 9

Anna de Noailles
dans l'azur!?--Mais toi, lorsque le soir r��pandra de son urne?L'ardeur m��lancolique et les cendres nocturnes,?Lorsqu'on verra languir l'air et l'arbre ��tonn��s,?Lorsque tout l'Univers viendra se confiner?Au cercle ��troit du coeur; quand, dans l'ombre qui mouille, On entendra le chant acharn�� des grenouilles?Quand tout sera furtif, secret, myst��rieux,?O mon ami, rends-moi le soleil de tes yeux!?Plus beaux que la clart��, plus s?rs, plus saisissables,?Nous go?terons ensemble un bonheur mis��rable.?Tes deux bras s'ouvriront comme des routes d'or?O�� mes r��ves courront sans halte et sans effort;?La douce ombre que fait ton menton sur ta gorge?Sera comme un pigeon traversant un champ d'orge;?Je verrai dans tes yeux profonds et fortun��s?Tout ce que l'Univers n'a pas pu me donner:?O grain d'encens par qui l'on go?te l'Arabie!?Etroit sachet humain o�� je touche et d��plie?Des parfums, des pays, des temps, des avenirs,?Plus que mon vaste coeur ne peut en contenir!...
--Ainsi, qu'avais-je fait pendant cette journ��e??J'��tais ivre, j'��tais ��blouie! Etonn��e,?Je parlais �� travers les si��cles transparents?Aux bergers grecs, chantant sur le bord des torrents.?La jeunesse, l'immense, aveuglante jeunesse?Me leurrait de sa longue, expectante paresse,?Et je ne pensais pas qu'il faut, pour ��tre heureux,?��tre comme un troupeau attendri et peureux?Qui, lorsque na?t la nuit provocante et bleuatre,?Se range sous la main et sous la voix du patre.?--Mais le jour chancelant a quitt�� l'horizon.?Un doux soupir entr'ouvre et creuse les maisons,?Voici la nuit: l'air fuit, press��, glissant, agile,?Esclave lib��r�� qui rejoint son asile.?Deux ormeaux d��licats, sous les brises penchants,?Sont deux syrinx feuillues d'o�� s'��lancent des chants.?La lune plie au poids des nuages de jade,?Comme un rocher poli sent bondir les dorades.?Nous sommes seuls; le soir semble nous engloutir.?J'ai besoin d'un vivant, d'un constant avenir!?Retiens par ta multiple et claire exub��rance?Mon ame qu'attiraient l'espace et le silence;?J'ai besoin de ton souffle humain, qui dit: ?Je suis?Le compagnon sensible et mortel qui te suit?Sur la route incertaine, et, plus tard, dans la terre?O�� tu seras poussi��re, oubli, ombre et poussi��re.?Je suis ton ame ail��e, et ce qui restera?De toi, lorsque tes yeux, tes l��vres et tes bras,?Dont tu fis une aurore, une lyre, une ��p��e,?Seront aussi oisifs que des branches coup��es...?
Ainsi me parlera la voix de cet ami.?Alors, malgr�� l'��lan de mon coeur insoumis,?Portant dans mon esprit plus d'��clairs, de vertige?Que la foug��re n'a de pollen sur sa tige,?Que dans sa profondeur et sa nappe la mer?N'a de scintillements argent��s et amers,?Je fermerai sur toi, cr���� �� mon image,?Le cercle de mon r��ve, o�� l'��toile des Mages?Vers quelque nouveau dieu me conduisait toujours.?J'��tais comme un proph��te ��veill�� sur les tours,?Et qui, s'��merveillant d'avoir compris les causes?Que l'obscur Univers �� son esprit propose,?Appelle avec une ivre et sacril��ge ardeur?Plus d'astres, de secrets, d'orage et de douleur!?--Mais ces ambitions d'une ame insatiable,?Sont un d��sert, gonfl�� de temp��te et de sable.?Je pr��f��re �� ce faste, �� ces apres transports,?La douceur de ton ame alli��e �� ton corps,?Ces moments infinis, concentr��s, chauds et tristes?O�� mon coeur, par le tien, reconna?t qu'il existe,?O��, lorsque le d��sir avide et violent?Se dilue en un r��ve harass��, grave et lent?Par qui l'ame est soudain combl��e et raffermie,?Je sens,--? mon ami ail��, suave, humain,--?Ton visage pensif enfoncer dans ma main?Son odeur de nu��e et de rose endormie...
AVOIR TOUT ACCUEILLI...
Avoir tout accueilli et cesser de conna?tre!?J'avais le poids du temps, la chaleur de l'��t��,?Quoi donc? Je fus la vie, et je vais cesser d'��tre
Pendant toute l'��ternit��!
J'ai voulu vivre afin d'��puiser mon courage,?Afin d'avoir piti��, afin d'aimer toujours,?Afin de secourir les humains d'age en age,?Puisque l'ambition n'est qu'un plus long amour...
--Un bondissant d��sir comme un torrent me gagne,?Ah! que je hante encor le sommet des montagnes,?Que je livre mes bras aux vents de l'Occident;?Le vert gen��vrier de ses senteurs me grise,?Un frein couvert d'��cume ��clate entre mes dents,?Se pourrait-il vraiment que l'univers d��truise
Ce qu'il a fait de plus ardent!
LA MUSIQUE DE CHOPIN
Tandis que ma m��re jouait un pr��lude de Chopin.
Le vent d'automne, usant sa rude passion,?Elague le jardin et disperse les fleurs,?Et les arbres, emplis de force et de fureur,?Avec des mouvements de d��n��gation?Refusent d'��couter ce sombre s��ducteur...
Une humidit�� terne, ��plor��e, abattue,?Enveloppe l'��tang, se suspend aux statues,?R?de ainsi qu'une lente et romanesque amante.?La nue est alourdie et pourtant plus distante.?Le vent, comme un torrent d��vers�� dans l'all��e,?Roule avec une voix cristalline et f��l��e?Des graviers reluisants et des pommes de pin...?Et, dans la maison froide o�� je rentre soudain,?Un pr��lude houleux et grave de Chopin,?Profond comme la mer immense et remu��e,?Pousse jusqu'en mon coeur ses sonores nu��es!?--O sanglots de Chopin, ? brisements du coeur,?Path��tiques sommets saignant au cr��puscule,?Cris humains des oiseaux traqu��s par les chasseurs?Dans les roseaux altiers de la froide Vistule!?Soupirs! G��missements! Paysages du p?le?Qu'entr'ouvre le boulet d'un soleil rouge et rond,?Noir cachet de la foudre au coeur chenu des saules,?Tristesse de la plaine et des cris du h��ron!?O Chopin, votre voix, qui reproche et r��clame,?Comme un peuple affam�� se r��pand dans nos
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 54
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.