Les vivants et les morts | Page 7

Anna de Noailles
soldat
Qu'un guerrier somme de se rendre,?Et qui, pressant toujours son fer entre ses bras,
S'��crie en riant: ?Viens le prendre!?
--Je ne rendrai qu'�� vous les armes de mon coeur.?Mes dieux qui sont en Cr��te et dans l'?le d'Egine,?Permettent que l'extr��me et fid��le langueur?A cet exc��s de grace et de douceur s'incline,?Mais nul autre que vous, sur les plus durs chemins,?Ne me verra pliant sous l'angoisse divine,?Laissant tomber mon front, laissant pendre mes mains,?Emm��lant mes genoux, telle qu'on imagine?Cl��opatre encha?n��e au triomphe romain...
O MON AMI, SOUFFREZ...
O mon ami, souffrez, je saurai par vos larmes,?Par vos regards ��teints, par votre anxi��t��,?Par mes yeux plus puissants contre vous que des armes,?Par mon souffle, qui fait bouger vos volont��s,
Par votre ardente voix qui s'��l��ve et retombe,?Par votre ��garement, par votre air d��muni,?Que ma vie a sur vous cet empire infini?Qui vous attache �� moi comme un mort �� sa tombe!
O mon ami, souffrons, puisque jamais le coeur?Ne convainc qu'en ouvrant plus large sa blessure;?Puisque l'ame est f��roce, et puisqu'on ne s'assure?De l'amour que par la douleur!
NOUS N'AVIONS PLUS BESOIN DE PARLER
Nous n'avions plus besoin de parler, j'��coutais?Le r��ve sillonner votre pensif visage;?Vous ��tiez mon d��part, mes haltes, mes voyages,?Et tout ce que l'esprit con?oit quand il se tait.
L'emm��lement des bl��s courb��s, des ronciers m��me,?N'��tait pas plus serr�� ni plus inextricable?Que notre coeur uni, qui, comme le doux sable?Joignant le grain au grain, ne semble que lui-m��me.
--Je me souviens surtout de ces soirs de Savoie?O�� nos regards, pareils �� ces vases poreux,?A ces alcarazas qu'un halo d'onde noie,?Scintillaient de plaisir, et se livraient entre eux?L'ineffable secret du r��ve et de la joie.
Soirs d'Aix! Soirs d'Annecy, ? villes renomm��es,?Qui m��lez aux senteurs des ?les Borrom��es?Je ne sais quel plus franc et plus candide espoir,?Que j'aimais vos toits bleus, d'o�� montait la fum��e,?Les cloches des couvents, qui tissaient dans le soir?De longs hamacs d'argent o�� l'ame inanim��e?S'abandonnait, tandis que flottait, chaud, pr��cis,?Le subjuguant parfum du caf�� qu'on roussit.
Je revois les soirs d'Aix, l'auberge et ses tonnelles,?La montagne si proche, accostant le ciel pur,?Les frais p��tunias entass��s sur le mur,?Le char rustique, avec le cheval qu'on d��telle.
Et les lacs! Soif des coeurs vous buvez �� cette eau?O�� passe comme un ange une barque �� deux voiles!?Nous r��p��tions tous deux, sans prof��rer de mots,?L'hymne ��ternel que dit le silence aux ��toiles.
Mon ami, votre esprit et ses nobles soupirs?Semblait plus que le mien alt��r�� de sublime;?Mais d��j�� vos pensers recherchaient leurs loisirs;?Et la paix, mollement, a combl�� vos ab?mes...
--C'est en moi seulement que rien ne peut finir.
J'AI VU A TA CONFUSE...
J'ai vu �� ta confuse et lente r��verie,?A ton front d��tourn��, douloureux et prudent,?Que mon visage en pleurs, qui s'irrite et qui prie,
Te semble un masque ardent.
En vain ta voix m'enchante et ton regard m'abreuve,?Et mon coeur ��clatant se brise dans ta main;?Tu cherches vers le ciel quelque invisible preuve
De mon d��sir humain.
Tu cherches quel ��troit, quel oppressant symbole,?M��l�� de calme espoir, de silence et de Dieu,?Joindrait mieux que ne font les pleurs ou la parole,
Ton esprit et mes yeux.
Et tandis que ton coeur, craintif et solitaire,?A mon immense amour n'est pas habitu��,?Moi je suis devant toi comme du sang par terre
Quand un homme est tu��...
JE MARCHAIS PR��S DE VOUS...
Je marchais pr��s de vous, dans mon jardin d'enfance.?Le soir uni luisait; une calme innocence?Emanait des chemins, d��pli��s sous les cieux?Ainsi qu'un long secret franc et silencieux...?On entendait le lac, sur l'escalier de pierre,?Murmurer sa liquide et r��veuse pri��re?Qui, mollement, se heurte au languissant refus?Qu'oppose au coeur actif la nuit qui se repose...?Nous marchions lentement dans le verger touffu,?O�� fra?chissait l'odeur des poiriers et des roses.?J'��coutais votre voix aux sons plaisants et doux.?H��las! je vous aimais d��j�� pour quelque chose?De vague, d'infini, d'ant��rieur �� vous...?Un peuple de silence environnait ma vie.?Les fleurs au front baiss��, par la nuit asservies,?Exhalaient je ne sais quel confiant repos?Entre la calme nue et les miroirs de l'eau.?J'��tais bonne pour vous, soigneuse, maternelle,?Je souffrais de sentir votre voix comme une aile?Battre votre gosier et haleter vers moi;?Ma main aux doigts muets s'irritait dans vos doigts;?L'aspect fid��le et s?r de la nuit renaissante?Me rendait ma jeunesse, attentive et pensante.?Quelle limpidit�� dans l'��ther blanc et noir!?J'entendais s'��chapper, des roses amollies,?L'��loge de l'alti��re et mystique folie?Qui brise le r��el pour augmenter l'espoir...
--O sublime vaisseau de la m��lancolie,?Nul amour ne s'��gale aux promesses du soir!
Le lac, les secs soupirs des grillons dans les plaines,?Les pleurs minutieux de l'��troite fontaine,?L'espace recueilli et cependant pam��,?Lib��raient tout �� coup, de ses r��veuses chaines,?Le d��sir ��ternel en mon coeur enferm��;?Je songeais, par del�� les pr��sences humaines;?Votre voix me devint inutile et lointaine:
Je n'avais plus besoin de vous pour vous aimer...
TEL L'ARBRE DE CORAIL...
Tel l'arbre de corail dans les mers pacifiques,?Le rose cr��puscule, en l'azur transparent?Jette un feu vaporeux, et mes regards errants?Boivent ce vin r��veur des soirs m��lancoliques!
Un oiseau printanier, comme un fifre enchant��?Gaspille de
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