Les vaines tendresses | Page 8

Sully Prudhomme
fais aux esprits forts l'aveu,?Qu'ami de la m��tempsycose?En ce moment j'y crus un peu.
Mais bient?t, raillant le prodige:??Ce bonnet, ce frac surann��,?Serait-ce, pauvre chien, lui dis-je,?Une g��henne de damn��??
Lors j'ou?s une voix pareille?A quelque soupir m'effleurant,?Qui semblait me dire �� l'oreille:??Oui, plains-moi, j'��tais conqu��rant.?
[Illustration]
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ABDICATION
Je voudrais ��tre, sur la terre,?L'unique h��ritier des grands rois?Dont la force et l'��clat font taire?Tous les revendiqueurs des droits,
De ces rois d'Asie et d'Afrique,?Monarques des derniers pays?O�� les ma?tres sont, sans r��plique,?Sans r��serve, encore ob��is.
Je verrais, �� mon tour idole,?Les trois quarts du monde vivant?Se prosterner sous ma parole?Comme un champ de bl��s sous le vent.
Les tributs des races voisines?Feraient affluer par milliers?Les venaisons dans mes cuisines,?Les vins rares dans mes celliers,
Des chevaux plein mes ��curies,?Des meutes tra?nant leurs valets,?Des marbres, des tapisseries,?Des vases d'or, plein mes palais!
Sous mes mains j'aurais des captives?Belles de pleurs, et sous mes pieds?Les t��tes fi��res ou craintives?De leurs p��res humili��s.
Je poss��derais sans conqu��te?Mon vaste empire, et sans rival!?Dans la s��curit�� compl��te?D'un pouvoir salu�� l��gal.
Alors, alors, ? joie intense!?Convoquant mon peuple et ma cour,?Devant la servile assistance?Moi-m��me, en plein r��gne, au grand jour,
Avec un cynisme supr��me,?Je briserais sur mon genou?Le sceptre avec le diad��me,?Comme un enfant casse un joujou;
De mes ��paules accabl��es?Arrachant le royal manteau,?Aux multitudes assembl��es?Je jetterais l'affreux fardeau;
Pour les d��sh��rit��s prodigue?Je laisserais tous mes tr��sors,?Comme un torrent qui rompt sa digue,?Se pr��cipiter au dehors;
Cessant d'appuyer ma sandale?Sur la nuque des prisonniers,?Je rendrais la terre natale?Aux plus fameux comme aux derniers;
J'abandonnerais �� mes troupes?Tout l'or glorieux des ran?ons;?Puis je laisserais dans mes coupes?Boire mes propres ��chansons;
Sur mes parcs, mes greniers, mes caves,?Par-dessus foss��, grille et mur,?Je lacherais tous mes esclaves?Comme des ramiers dans l'azur!
Tout mon harem, filles et veuves,?S'en retournerait au foyer,?Pour enfanter des races neuves?Que nul tyran ne p?t broyer,
Qui ne fussent plus la cur��e?D'un vainqueur, supp?t de la mort,?Mais serves d'une loi jur��e?Dans un libre et paisible accord,
Fondant la cit�� juste et bonne?O�� chaque homme en levant la main?Sent qu'il atteste en sa personne?La dignit�� du genre humain!
Et moi qui fuis m��me la g��ne?Des pactes librement conclus,?Moi qui ne suis roseau ni ch��ne,?Ni souple, ni viril non plus,
Je m'en irais finir ma vie?Au milieu des mers, sous l'azur,?Dans une ?le, une ?le assoupie?Dont le sol serait vierge et s?r,
Ile qui n'aurait pas encore?Senti l'ancre des noirs vaisseaux,?Dont n'approcheraient que l'aurore,?Le nuage et le pli des eaux.
Dans cette oasis embaum��e,?Loin des froides lois en vigueur,?Viens, dirais-je �� la bien-aim��e,?Appuyer ton coeur sur mon coeur;
Des lianes feront guirlandes?Entre les palmiers sur nos fronts,?Et tu verras des fleurs si grandes?Qu'ensemble nous y dormirons.
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LE RIRE.
Les b��tes, qui n'ont point de sublimes soucis,?Marchent, d��s leur naissance, en fron?ant les sourcils,?Et ce rigide pli, jusqu'�� la derni��re heure,?Signe myst��rieux de sagesse, y demeure:?Les ��normes lions qui r?dent �� grands pas,?Libres et tout-puissants, ne se d��rident pas;
Les aigles, fils de l'air et de l'azur sont graves;?Et les hommes, qui vont saignant de mille entraves,?Encha?n��s au plaisir, encha?n��s au devoir,?Sous la loi de chercher et ne jamais savoir,?De ne rien poss��der sans acheter et vendre,?De ne pouvoir se fuir ni ne pouvoir s'entendre,?D'appr��hender la mort et de gratter leur champ,?Les hommes ont un rire imb��cile et m��chant!
Certes le rire est beau comme la joie est belle,?Quand il est innocent et radieux comme elle!?Vous, les petits enfants, pleins de na?f d��sir,?Qui des mains ��cartez vos langes pour saisir?Les brillantes couleurs, ces mensonges des choses,?Vous pouvez, au-devant des drapeaux et des roses,?Vous pour qui tout cela n'est que du rouge encor,?Pousser vos rires frais qui font un bruit d'essor!?Vous, pouviez rire aussi, m��me en un si��cle pire,?Vous, nos rudes a?eux qui ne saviez pas lire,?Et ne pouviez conna?tre, au bout de l'univers,
Tous les forfaits commis et tous les maux soufferts;?Quand avait fui la peste avec les hommes d'armes,?C'��tait pour vous la fin de l'horreur et des larmes,?Et peut-��tre, oublieux de ces fl��aux lointains,?Vous aviez des soirs gais et d'all��gres matins.?Mais nous, du monde entier la plainte nous harc��le:?Nous souffrons chaque jour la peine universelle,?Car sur toute la terre un messager subtil?Relie �� tous les maux tous les coeurs par un fil:?Ah! l'oubli maintenant ne nous est plus possible!?Se peut-on faire une ame �� ce point insensible?D'apprendre, sans fr��mir, de partout �� la fois,?Tous les coups du malheur et tous les viols des lois:
Les ma?tres plus hardis, les ames plus serviles.?L'atrocit�� sans nom des tourmentes civiles,?Et les pactes sans foi, la guerre, les bless��s?Ralant cette nuit m��me au revers des foss��s,?L'honneur, le droit trahis par la volont�� molle,?Et Christ, ��pouvant�� des fruits de sa parole,?Un diad��me en t��te et le glaive �� la main,?Ne sachant plus s'il sauve ou perd le genre humain!?N'est-ce pas merveilleux qu'on puisse rire encore!
Mais nous sommes ainsi; tel un vase sonore?Au moindre choc du doigt se r��veille et fr��mit,?Tandis qu'il tremble �� peine et vaguement g��mit?Du tonnerre ��loign�� qui roule dans la nue,?Telle, au
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