Les vaines tendresses | Page 7

Sully Prudhomme
mon coeur de limon,
Et, moi-m��me ��tonn�� des douleurs que j'exprime,?J'��coute en moi pleurer un ��tranger sublime?Qui m'a toujours cach�� sa patrie et son nom.
[Illustration]
LA VERTU
J'honore en secret la du��gne?Que raillent tant de gens d'esprit,?La Vertu; j'y crois, et d��daigne?De sourire quand on en rit.
Ah! souvent l'homme qui se moque?Est celui que point l'aiguillon,?Et tout bas l'incr��dule invoque?L'objet de sa d��rision.
Je suis trop fier pour me contraindre?�� la grimace des railleurs,?Et pas assez heureux pour plaindre?Ceux qui r��vent d'��tre meilleurs.
Je sens que toujours m'importune?Une loi que rien n'��branla;?Le monde (car il en faut une)?Parodie en vain celle-l��;
Qu'il observe la r��gle inscrite?Dans les moeurs ou les parchemins,?Je hais sa rapine hypocrite,?Comme celle des grands chemins,
Je hais son droit, aveugle aux larmes,?Son honneur, qui lave un affront?En mesurant bien les deux armes,?Non les deux bras qui les tiendront,
Sa politesse meurtri��re?Qui vous trahit en vous servant,?Et, pour vous frapper par derri��re,?Vous invite �� passer devant.
Qu'un plaisant nargue la morale,?Qu'un fourbe la plie �� son voeu,?Qu'un g��om��tre la ravale?�� n'��tre que prudence au jeu,
Qu'un dogme leurre �� sa mani��re?L'��go?sme du genre humain,?Ajournant �� l'heure derni��re?L'avide embrassement du gain,
Qu'un cynisme, agr��able au crime,?Devant le muet Infini,?Voue au n��ant ceux qu'on opprime,?Avec l'oppresseur impuni!
Toujours en nous parle sans phrase?Un devin du juste et du beau,?C'est le coeur, et d��s qu'il s'embrase?Il devient de foyer flambeau:
Il n'est plus alors de probl��me,?D'arguments subtils �� trouver,?On palpe avec la torche m��me?Ce que les mots n'ont pu prouver.
Quand un homme insulte une femme,?Quand un p��re bat ses enfants,?La raison neutre assiste au drame?Mais le coeur crie au bras: d��fends!
Aux lueurs du cerveau s'ajoute?L'��clair jailli du sein: l'amour!?Devant qui s'efface le doute?Comme un r?deur louche au grand jour:
Alors la loi, la loi sans table,?Conforme �� nos r��elles fins,?S'impose ��gale et charitable,?On forme des souhaits divins:
On voudrait ��tre un Marc-Aur��le,?Accomplir le bien pour le bien,?Pratiquer la Vertu pour elle,?Sans jamais lui demander rien,
Hors la seule paix qui demeure?Et dont l'av��nement soit s?r,?L'apoth��ose int��rieure?Dont la conscience est l'azur!
Mais pourquoi, saluant ta tache,?Inerte amant de la vertu,?? lache, lache, triple lache,?Ce que tu veux, ne le fais-tu?
LE TEMPS PERDU
SONNET.
Si peu d'oeuvres pour tant de fatigue et d'ennui!?De st��riles soucis notre journ��e est pleine:?Leur meute sans piti�� nous chasse �� perdre haleine,?Nous pousse, nous d��vore, et l'heure utile a fui...
?Demain! j'irai demain voir ce pauvre chez lui,??Demain je reprendrai ce livre ouvert �� peine,??Demain, je te dirai, mon ame, o�� je te m��ne,??Demain je serai juste et fort... Pas aujourd'hui.?
Aujourd'hui, que de soins, de pas et de visites!?Oh! l'implacable essaim des devoirs parasites?Qui pullulent autour de nos tasses de th��!
Ainsi ch?ment le coeur, la pens��e et le livre,?Et pendant qu'on se tue �� diff��rer de vivre,?Le vrai devoir dans l'ombre attend la volont��.
[Illustration]
LES FILS
SONNET.
Toi que tes grands a?eux, du fond de leur sommeil,?Accablent sous le poids d'une illustre m��moire,?Tu n'auras pas senti ton nom dans la nuit noire?��clore, et comme une aube y faire un point vermeil!
Je te plains, car peut-��tre �� tes a?eux pareil,?Tu les vaux, mais le monde ��bloui n'y peut croire:?Ton m��rite rayonne indistinct dans leur gloire,?Satellite ab?m�� dans l'��clat d'un soleil.
Ah! l'enfant dont la souche est dans l'ombre perdue,?Peut du moins arracher au s��culaire oubli?Le nom qu'il y ramasse encore enseveli;
Dans la dur��e immense et l'immense ��tendue?Son ��toile, qui perce o�� d'autres ont pali,?Peut luire par soi-m��me et n'est point confondue!
[Illustration]
[Illustration]
LE CONSCRIT.
A la barri��re de l'��toile,?Un saltimbanque malfaisant?Dressait, dans sa baraque en toile,?Un chien de six mois fort plaisant.
Ce caniche, qui faisait rire?Le public au seuil rassembl��,?��tait en conscrit de l'Empire?Mis��rablement affubl��.
Coiff�� d'un bonnet de police,?Il restait l��, fusil au flanc,?Debout, les jambes au supplice?Dans un piteux pantalon blanc;
Le dos sous sa guenille bleue,?Il tentait un regard vainqueur,?Mais l'anxi��t�� de sa queue?Trahissait l'��tat de son coeur.
Quand las de sa fausse posture?Le pauvre petit chien savant?Retombait, selon la nature,?Sur ses deux pattes de devant,
Il recevait une apre insulte?Avec un lache coup de fouet,?Mais, digne sous son poil inculte,?Sans crier il se secouait;
Tandis qu'il ��treignait son arme?Sous les horions sans broncher,?S'il se sentait poindre une larme,?Il s'effor?ait de la l��cher.
Ce qu'on trouvait surtout risible,?Et ce que j'admirais beaucoup,?C'est qu'il avait l'air plus sensible?Au reproche qu'au mauvais coup.
Son ma?tre, pour sa part de lucre,?Lui posait sur le bout du nez?De vacillants morceaux de sucre,?Plus souvent promis que donn��s.
Touch�� de voir dans ce novice?Tant de vrai z��le �� si bas prix,?Quand �� la fin de son service?Il rompit les rangs, je le pris.
Or, comme je tenais la b��te?Par les oreilles, des deux mains,?L'��levant �� hauteur de t��te?Pour lire en ses yeux presque humains,
L'expression m'en parut double,?J'y sentais deux soucis jumeaux,?Comme dans l'histrion que trouble?L'obsession de ses vrais maux.
Un g��nie exc��dant sa taille?Me semblait ��touffer en lui,?Et du vieil habit de bataille?Forcer le d��risoire ��tui.
Et j'eus l'illusion fantasque?Que par les yeux de ce roquet?Comme �� travers les trous d'un masque,?Un regard d'homme m'invoquait...
Cet ��trange regard fut cause,?J'en
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