Les vaines tendresses | Page 6

Sully Prudhomme
sauv�� du d��sir!
[Illustration]
LA VOLUPT��
SONNET.
Deux ��tres asservis par le d��sir vainqueur,?Le sont jusqu'�� la mort, la Volupt�� les lie.?Parfois, lasse un moment, la ge?li��re s'oublie,?Et leur cha?ne les serre avec moins de rigueur.
Aussit?t, se dressant tout charg��s de langueur,?Ces pales malheureux sentent leur infamie;?Chacun secoue alors cette cha?ne ennemie,?Pour la briser lui-m��me ou s'arracher le coeur.
Ils vont rompre l'acier du noeud qui les torture,?Mais Elle, au bruit d'anneaux qu'��veille la rupture,?Entr'ouvre ses longs yeux o�� nage un deuil puissant,
Elle a fait de ses bras leur tombe ardente et molle:?En silence attir��, le couple y redescend,?Et l'��ph��m��re essaim des repentirs s'envole...
[Illustration]
LES DEUX CHUTES
SONNET.
D'un seul mot, p��n��trant comme un acier pointu,?Vous nous exasp��rez pour nous dompter d'un signe,?Sachant que notre coeur s'emporte et se r��signe,?Rebelle subjugu�� sit?t qu'il a battu.
Triomphez pleinement, ? femmes sans vertu,?De notre souple hommage �� votre empire indigne!?Quand vous nous faites choir hors de la droite ligne,?Tomb��s autant que vous, nous avons plus perdu:
Que dans vos corps divins le remords veille ou dorme,?Il laisse intacte en vous la gloire de la forme,?Car, f?t-elle sans ame, Aphrodite a son prix!
Vos yeux, beaux sans l'honneur, peuvent r��gner encore,?Mais le regard d'un homme, au souffle du m��pris,?Perd toute la fiert�� qui l'arme et le d��core.
L'INDIFF��RENTE
SONNET.
Que n'ai-je �� te soumettre ou bien �� t'ob��ir??Je te vouerais ma force ou te la ferais craindre;?Esclave ou ma?tre, au moins je te pourrais contraindre?�� me sentir ta chose ou bien �� me ha?r.
J'aurais un jour connu l'insolite plaisir?D'allumer dans ton coeur des soifs, ou d'en ��teindre,?De t'��tre n��cessaire ou terrible, et d'atteindre,?Bon gr��, mal gr��, ce coeur jusque-l�� sans d��sir.
Esclave ou ma?tre, au moins j'entrerais dans ta vie;?Par mes soins captiv��e, �� mon joug asservie,?Tu ne pourrais me fuir ni me laisser partir;
Mais je meurs sous tes yeux, loin de ton ��tre intime,?Sans m��me oser crier, car ce droit du martyr,?Ta douceur impeccable en frustre ta victime.
L'ART TRAHI
Fors l'amour, tout dans l'art semble �� la femme vain:?Le g��nie aupr��s d'elle est toujours solitaire.?Orph��e allait chantant, suivi d'une panth��re,?Dont il croyait leurrer l'inexorable faim;
Mais, d��s que son pied nu rencontrait en chemin?Quelque ��pine de rose et rougissait la terre,?La b��te, se ruant d'un bond involontaire,?Oublieuse des sons, lampait le sang humain.
Crains la docilit�� f��lonne d'une amante,?Po?te: elle est moins souple �� la lyre charmante?Qu'avide, par instinct, de voir le coeur saigner.
Pendant que ta douleur plane et vibre en mesure,?Elle ��pie �� tes pieds les pleurs de ta blessure,?Plaisir plus vif encor que de la d��daigner.
SOUHAIT
Par moments je souhaite une esclave au beau corps,?Sans ou?e et sans voix, pour toute bien-aim��e.?�� son oreille close, aux rougeurs de cam��e,?Le feu de mon soupir dirait seul mes transports,
Et sa bouche, semblable aux coupes dont les bords?Distillent en silence une ivresse enflamm��e,?M'offrirait son ardeur sans me l'avoir nomm��e:?Nous nous embrasserions, muets comme deux morts.
Du moins pourrais-je, exempt d'am��res d��couvertes,?Go?ter dans la splendeur de ces charmes inertes?L'id��al, sans qu'un mot l'e?t jamais d��menti;
Lire, au contour sacr�� d'une l��vre pareille,?Le verbe de Dieu seul, et, baisant cette oreille,?�� Dieu seul confier ce que j'aurais senti.
TROP TARD
Nature, accomplis-tu tes oeuvres au hasard,?Sans raisonnable loi, ni pr��voyant g��nie??Ou bien m'as-tu donn�� par cruelle ironie?Des l��vres et des mains, l'ou?e et le regard?
Il est tant de saveurs dont je n'ai point ma part,?Tant de fruits �� cueillir que le sort me d��nie!?Il voyage vers moi tant de flots d'harmonie,?Tant de rayons, qui tous m'arriveront trop tard!
Et si je meurs sans voir mon idole inconnue,?Si sa lointaine voix ne m'est point parvenue,?�� quoi m'auront servi mon oreille et mes yeux?
�� quoi m'aura servi ma main hors de la sienne??Mes l��vres et mon coeur, sans qu'elle m'appartienne??Pourquoi vivre �� demi quand le n��ant vaut mieux?
LES AMOURS TERRESTRES
Nos yeux se sont crois��s et nous nous sommes plu.?N��e au si��cle o�� je vis et passant o�� je passe,?Dans le double infini du temps et de l'espace?Tu ne me cherchais point, tu ne m'as point ��lu;
Moi, pour te joindre ici le jour qu'il a fallu,?Dans le monde ��ternel je n'avais point ta trace,?J'ignorais ta naissance et le lieu de ta race:?Le sort a donc tout fait, nous n'avons rien voulu.
Les terrestres amours ne sont qu'une aventure:?Ton ��poux �� venir et ma femme future?Soupirent vainement, et nous pleurons loin d'eux;
C'est lui que tu pressens en moi, qui lui ressemble,?Ce qui m'attire en toi, c'est elle, et tous les deux?Nous croyons nous aimer en les cherchant ensemble.
[Illustration]
L'��TRANGER
SONNET.
Je me dis bien souvent: De quelle race es-tu??Ton coeur ne trouve rien qui l'encha?ne ou ravisse,?Ta pens��e et tes sens, rien qui les assouvisse:?Il semble qu'un bonheur infini te soit d?.
Pourtant, quel paradis as-tu jamais perdu??�� quelle auguste cause as-tu rendu service??Pour ne voir ici-bas que laideur et que vice,?Quelle est la beaut�� propre et la propre vertu?
�� mes vagues regrets d'un ciel que j'imagine,?�� mes d��go?ts divins, il faut une origine:?Vainement je la cherche en
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