de l'amour que l'extase,?Amoureux sauvé du désir!
[Illustration]
LA VOLUPTé
SONNET.
Deux êtres asservis par le désir vainqueur,?Le sont jusqu'à la mort, la Volupté les lie.?Parfois, lasse un moment, la ge?lière s'oublie,?Et leur cha?ne les serre avec moins de rigueur.
Aussit?t, se dressant tout chargés de langueur,?Ces pales malheureux sentent leur infamie;?Chacun secoue alors cette cha?ne ennemie,?Pour la briser lui-même ou s'arracher le coeur.
Ils vont rompre l'acier du noeud qui les torture,?Mais Elle, au bruit d'anneaux qu'éveille la rupture,?Entr'ouvre ses longs yeux où nage un deuil puissant,
Elle a fait de ses bras leur tombe ardente et molle:?En silence attiré, le couple y redescend,?Et l'éphémère essaim des repentirs s'envole...
[Illustration]
LES DEUX CHUTES
SONNET.
D'un seul mot, pénétrant comme un acier pointu,?Vous nous exaspérez pour nous dompter d'un signe,?Sachant que notre coeur s'emporte et se résigne,?Rebelle subjugué sit?t qu'il a battu.
Triomphez pleinement, ? femmes sans vertu,?De notre souple hommage à votre empire indigne!?Quand vous nous faites choir hors de la droite ligne,?Tombés autant que vous, nous avons plus perdu:
Que dans vos corps divins le remords veille ou dorme,?Il laisse intacte en vous la gloire de la forme,?Car, f?t-elle sans ame, Aphrodite a son prix!
Vos yeux, beaux sans l'honneur, peuvent régner encore,?Mais le regard d'un homme, au souffle du mépris,?Perd toute la fierté qui l'arme et le décore.
L'INDIFFéRENTE
SONNET.
Que n'ai-je à te soumettre ou bien à t'obéir??Je te vouerais ma force ou te la ferais craindre;?Esclave ou ma?tre, au moins je te pourrais contraindre?à me sentir ta chose ou bien à me ha?r.
J'aurais un jour connu l'insolite plaisir?D'allumer dans ton coeur des soifs, ou d'en éteindre,?De t'être nécessaire ou terrible, et d'atteindre,?Bon gré, mal gré, ce coeur jusque-là sans désir.
Esclave ou ma?tre, au moins j'entrerais dans ta vie;?Par mes soins captivée, à mon joug asservie,?Tu ne pourrais me fuir ni me laisser partir;
Mais je meurs sous tes yeux, loin de ton être intime,?Sans même oser crier, car ce droit du martyr,?Ta douceur impeccable en frustre ta victime.
L'ART TRAHI
Fors l'amour, tout dans l'art semble à la femme vain:?Le génie auprès d'elle est toujours solitaire.?Orphée allait chantant, suivi d'une panthère,?Dont il croyait leurrer l'inexorable faim;
Mais, dès que son pied nu rencontrait en chemin?Quelque épine de rose et rougissait la terre,?La bête, se ruant d'un bond involontaire,?Oublieuse des sons, lampait le sang humain.
Crains la docilité félonne d'une amante,?Po?te: elle est moins souple à la lyre charmante?Qu'avide, par instinct, de voir le coeur saigner.
Pendant que ta douleur plane et vibre en mesure,?Elle épie à tes pieds les pleurs de ta blessure,?Plaisir plus vif encor que de la dédaigner.
SOUHAIT
Par moments je souhaite une esclave au beau corps,?Sans ou?e et sans voix, pour toute bien-aimée.?à son oreille close, aux rougeurs de camée,?Le feu de mon soupir dirait seul mes transports,
Et sa bouche, semblable aux coupes dont les bords?Distillent en silence une ivresse enflammée,?M'offrirait son ardeur sans me l'avoir nommée:?Nous nous embrasserions, muets comme deux morts.
Du moins pourrais-je, exempt d'amères découvertes,?Go?ter dans la splendeur de ces charmes inertes?L'idéal, sans qu'un mot l'e?t jamais démenti;
Lire, au contour sacré d'une lèvre pareille,?Le verbe de Dieu seul, et, baisant cette oreille,?à Dieu seul confier ce que j'aurais senti.
TROP TARD
Nature, accomplis-tu tes oeuvres au hasard,?Sans raisonnable loi, ni prévoyant génie??Ou bien m'as-tu donné par cruelle ironie?Des lèvres et des mains, l'ou?e et le regard?
Il est tant de saveurs dont je n'ai point ma part,?Tant de fruits à cueillir que le sort me dénie!?Il voyage vers moi tant de flots d'harmonie,?Tant de rayons, qui tous m'arriveront trop tard!
Et si je meurs sans voir mon idole inconnue,?Si sa lointaine voix ne m'est point parvenue,?à quoi m'auront servi mon oreille et mes yeux?
à quoi m'aura servi ma main hors de la sienne??Mes lèvres et mon coeur, sans qu'elle m'appartienne??Pourquoi vivre à demi quand le néant vaut mieux?
LES AMOURS TERRESTRES
Nos yeux se sont croisés et nous nous sommes plu.?Née au siècle où je vis et passant où je passe,?Dans le double infini du temps et de l'espace?Tu ne me cherchais point, tu ne m'as point élu;
Moi, pour te joindre ici le jour qu'il a fallu,?Dans le monde éternel je n'avais point ta trace,?J'ignorais ta naissance et le lieu de ta race:?Le sort a donc tout fait, nous n'avons rien voulu.
Les terrestres amours ne sont qu'une aventure:?Ton époux à venir et ma femme future?Soupirent vainement, et nous pleurons loin d'eux;
C'est lui que tu pressens en moi, qui lui ressemble,?Ce qui m'attire en toi, c'est elle, et tous les deux?Nous croyons nous aimer en les cherchant ensemble.
[Illustration]
L'éTRANGER
SONNET.
Je me dis bien souvent: De quelle race es-tu??Ton coeur ne trouve rien qui l'encha?ne ou ravisse,?Ta pensée et tes sens, rien qui les assouvisse:?Il semble qu'un bonheur infini te soit d?.
Pourtant, quel paradis as-tu jamais perdu??à quelle auguste cause as-tu rendu service??Pour ne voir ici-bas que laideur et que vice,?Quelle est la beauté propre et la propre vertu?
à mes vagues regrets d'un ciel que j'imagine,?à mes dégo?ts divins, il faut une origine:?Vainement
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