viennent interrompre cette le?on d'histoire un peu laborieuse.
--Qui est là?
--C'est moi, Ursule.
--Qu'est-ce que tu veux?
--Je venais voir à quelle heure madame la baronne veut d?ner.
--A midi, je pense.
Elle interroge des yeux Mariolles, qui fait signe que oui.
--Et ce qu'il faut faire?
--?a m'est égal. Ah! oui, de la garbure.
--Avec des fèves, dit Mariolles, qui veut tout de même mettre son mot.
--Mais, Monsieur, fait Ursule, la saison est passée depuis longtemps.
--Naturellement, dit Mariolles vexé.
--Et mon chocolat, est-ce que tu l'apportes?
--Je l'ai là, avec celui de Monsieur.
--Eh bien, mets-les tous les deux dans sa chambre. Ah! et puis je voudrais aller à la messe.
--Mais elle doit être dite, affirme Mariolles, qui voudrait bien maintenant dormir un peu.
--Elle est finie depuis une demi-heure, dit Ursule, toujours derrière la porte. J'en viens. Même que c'est le petit Peyrenave, qui est ici de passage, qui l'a dite; vous savez, celui...
--Oui, oui, mais écoute, tu vas aller trouver M. le curé, alors, et qu'il serait bien gentil d'en dire une autre, à dix heures, pour mon mari et moi;--et qu'il viendra d?ner avec nous, après.
--Oui, Madame.
Exit Ursule, et Mariolles conclut en baillant un peu:
--Alors vous croyez qu'il faut se lever?
L'église n'est pas loin, au bout du parc. Le soleil est déjà haut quand sortent les jeunes mariés; mais il reste de la rosée sur les dernières roses, à l'ombre, éclaircie déjà, des marronniers. Les pieds pointus de Sylvère, et parfois sa tra?ne quand elle oublie de la relever, font frou-frou dans les feuilles mortes.
--J'aime Hargou?t, fait-elle avec un petit air mélancolique.
C'est la première fois qu'elle le regarde avec des yeux de femme. Le vieux parc, les cèdres dont les branches d'en bas sont mortes, et, toute couverte de fougères, la muraille noire d'où ses frères et ses cousins, autrefois, jetaient des pierres aux enfants de l'école, tout cela, elle le reconna?t, et lui découvre un aspect nouveau.
Comme la cloche vient de sonner les douze coups, et qu'on en a encore pour un quart d'heure, ils s'asseoient tous deux sur un banc jadis vert. Sylvère rêve et joue avec le fermoir de son beau missel Saint-Sulpice, qu'une cousine enlumina pour ses noces. A quoi songe Mariolles? Moins sensible au charme intérieur des choses, il admire sans émoi cette belle matinée, semblable à d'autres. Pour lui, elle ne rit pas sur un paysage familier, dont ses regards aient épousé mille fois la figure changeante et pareille; et son coeur d'enfant n'a pas battu ici.
--Oui, dit-il, vous aimez beaucoup Hargou?t... Je suis presque jaloux de cette maison, et de ces arbres.
--Ne leur en veuillez pas; ils ont été si bons pour moi. J'ai grimpé sur la plupart de ces branches, avec mes terribles cousins, qui faisaient de moi un vrai brigand. Et c'est ici que j'ai eu le premier sens de la vie un peu profond, par la gourmandise; avec les plats sucrés qu'on nous servait dans de la vaisselle Empire, où il y avait des vues de places bien pavées, ou d'Agrigente, sur des assiettes jaunes--et la mort du général Exelmans.
--Alors, vous ne regrettez pas que nous soyons d'abord venus ici, au lieu d'aller à Biarritz?
--Oh! non, fait Sylvère, je n'ai jamais beaucoup go?té Biarritz. On y rencontre trop d'Espagnols qui parlent fran?ais, et réciproquement.
--Il faudra tout de même y passer deux ou trois jours pour ne pas scandaliser mon père. C'est là qu'il a fait son voyage de noces, sous le second Empire, Sylvère; et il demeure stupide qu'on puisse aller ailleurs. Lui, il voit encore tout ?a comme c'était: Villa Eugénie, bottines montantes, la livrée vert et or, et les premières courses de taureaux avec El Tato, et les calèches à grelots sur la route de Bayonne...
--Mais, vous-même, on m'a laissé entendre que vous y aviez quelque peu fréquenté, depuis, et joyeusement.
--Peuh, comme tout le monde. Vous savez ce que c'est. (Pas du tout, indique Sylvère.) On s'ennuie; alors on fait du bruit pour s'empêcher de penser, et les bonnes gens de la rue croient qu'on s'amuse. Mais cela ne vous est pas désagréable, au moins, d'aller là?
--Avec vous... répond Sylvère d'un air tendre. Et après, nous irons à Paris?
--?a vous amuse donc?
--Oh! oui, je voudrais tant monter à la tour Eiffel, et aller à Montmartre.
--La Basilique?
Sylvère fait la moue.
--Non, dit-elle; les cabarets de nuit.
Et elle fait de grands yeux, comme s'il était question de jardins paradisiaques, hantés des poètes, des couleuvres bleues, des fées.
--Après tout, ajoute-t-elle, ?a n'est peut-être pas très dr?le.
--C'est ce que je me suis laissé dire.
--Et je crois que j'aime mieux Hargou?t, affirme Sylvère d'un air sage.
Mais les trois coups retentissent, et ils se hatent vers l'église.
Elle est petite, grise, ratatinée, avec des vitraux trop neufs et des tableaux trop enfumés; et elle sent le cierge refroidi. Mais le curé, qui est vieux et rouge, s'essaye de si bon courage à prononcer un
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