fra?chement cueillie!
?D'ailleurs, ce n'est pas de toi, mais de moi que je veux te parler aujourd'hui. Je t'��crirai une lettre tout ��go?ste, et j'ai besoin de te confier tout, car aussi bien j'��touffe, et je me meurs d'ennui, de d��go?t et de d��sespoir. Oui, ma ch��rie! et, si ?a n'��tait pas trop b��te, je crois que j'irais me jeter �� l'eau comme une grisette; mon ame est triste jusqu'au suicide et jusqu'au r��chaud de charbon des repasseuses. Ce n'est pas que je sois lasse de vivre, non! mais, tu le sais, toi qui me connais jusque dans la moelle des os, au contraire, je suis lasse de ne pas vivre, de m'agiter dans une ��ternelle fiction et d'��tre riv��e �� un mensonge qui ne finit pas. Oh! Jacqueline, quel sort!
?Ne prends pas le temps de t'��tonner, ��coute-moi bien. Je t'��cris apr��s une rupture, encore! apr��s une rupture lache, assassine, entour��e d'hypocrisie comme tout ce qui est ma vie. Mon coeur est d��chir�� en deux, et personne ne peut me plaindre pour la catastrophe d'un amour que je n'ai avou�� �� personne, et que d'ailleurs j'ai bris�� moi-m��me. Il y a bien ma m��re qui sait tout; mais, ma m��re!...
?Hein, les po?tes qui se sont plu �� raconter les destin��es ironiques et �� mettre des pleurs dans les yeux de Triboulet, s'ils connaissaient la vie d'une ing��nue de th��atre!... Mais, except�� nous deux, qui la conna?trait? Oui, tout saigne en moi, et il faut que je te fasse toucher une �� une toutes mes blessures; je veux te montrer le calice que j'��puise goutte �� goutte, grand Dieu! depuis dix ann��es.
?Pour une femme qui joue les ing��nues, les petites grues, comme tu dis si bien, ces anges domestiques, Rose, Emma, Ad��le, dou��es par les auteurs de toutes les graces enfantines, on croit que la com��die est finie quand le rideau est baiss��; h��las, c'est l�� qu'elle commence! Avoir pris pendant quatre heures des inflexions et des moues de petite fille, avoir couru apr��s les papillons en mena?ant de s'envoler soi-m��me, avoir cach�� son coeur et sa gorge sous cette robe de mousseline blanche et sous ce ridicule tablier de soie �� bretelles qui au th��atre sont le symbole de la jeunesse, ce n'est rien encore!
?Le public est f��roce et veut plus que cela. Je gagne quinze mille francs, soit; et les journaux proclament que je suis, depuis mademoiselle Ana?s Aubert, la premi��re et la seule ing��nue; sais-tu �� quel prix? Tu te rappelles dans la Physiologie du Mariage ces phrases d��cisives comme le couteau de la guillotine, au-dessus desquelles Balzac ��crit le mot Axiomes en lettres capitales? Eh bien, ��coutes-en une comme ?a; celle-l��, je suis pay��e pour pouvoir la faire!?
AXIOME:
?_La r��putation de talent d'une ing��nue au th��atre, est en raison directe de sa r��putation d'ing��nuit�� �� la ville._?
?Ces quelques mots ne te disent-ils pas toute l'horreur de ma vie?
?Si elle a plus de dix-sept ans,
?Si elle prend un amant,
?Si elle se marie,
?Si elle se montre coiff��e �� la Russe,
?Si elle cesse une minute de s'habiller en baby et de parler gnan-gnan,
?Si ses cheveux brunissent,
?S'il lui vient, comme �� tout le monde, des bras et des ��paules, et le reste; si ses mains s'ach��vent,
?Si on la rencontre dans la rue donnant le bras �� un ami de son p��re (ce qui arrive aux plus honn��tes jeunes filles),
?Enfin,
?Si elle est soup?onn��e d'en savoir plus qu'Agn��s,
?Et d'avoir lu autre chose que les Contes de Perrault et _Paul et Virginie_,
?L'ing��nue n'existe plus, le th��atre n'en veut plus, les auteurs n'en veulent plus, les journaux n'en veulent plus, elle n'a qu'�� faire ses malles et �� aller jouer les du��gnes en province!
?Pour les autres com��diens, quand la pi��ce est finie, tout est fini. M. Beauvallet n'est pas forc�� d'��tre terrible, ni M. Hyacinthe bouffon lorsqu'ils se prom��nent sur le boulevard; moi, je ne peux jamais quitter mon masque, et je couche avec! Toi, n'est-ce pas? tu as vingt-deux ans, tu l'avoues, et tu te pares de ton ��clatante jeunesse. Ces magnifiques sourcils dont je te parlais, et qui sont une de tes beaut��s, tu les vois sans crainte ��paissir encore et se rejoindre en arc, comme ceux d'une femme amoureuse et jalouse. En s'achevant, tes formes sont devenues luxuriantes et splendides comme celles de la ma?tresse de Titien, et Moli��re ne s'en plaint pas. A seize ans, tu as aim��, et pour ceux qui te voyaient, pareille �� une po��tique bacchante des anciens ages, ardente et franche Bourguignonne de Joigny, fille de vignerons �� la noire chevelure, il aurait pour ainsi dire sembl�� monstrueux qu'il en f?t autrement. Mais moi! je le r��p��te, j'ai dix-sept ans et il faut que j'aie dix-sept ans; j'y suis condamn��e. Mais, me diras-tu, pendant combien de temps? pendant toujours! Mais si on se souvient que j'avais dix-sept ans l'ann��e
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.